Sainte-Sophie et Saint-Sauveur-in-Chora : le Père Daniel-Ange fustige la passivité occidentale (05/09/2020)

Du Père Daniel Ange sur France Catholique :

Sainte-Sophie et Saint-Sauveur-in-Chora

«  Il ne reste qu’à protester et à pleurer »

vendredi 4 septembre 2020

P. Deliss / Godong

Révolté par la transformation de Sainte-Sophie en mosquée sur demande du président turc en juillet, le Père Daniel-Ange fustige la passivité occidentale.

Bouleversés, sidérés, traumatisés, nous le sommes tous. Violé, le voilà donc à nouveau, ce chef-d’œuvre d’entre toutes les merveilles de l’humanité. Cette basilique, sainte entre toutes, qui a été le cœur palpitant de toute la chrétienté au long de plus de dix siècles. Lorsque Rome était occupée par les barbares, la «  Haghia Sophia  », la «  sagesse de Dieu  » en grec, demeurait à Constantinople le symbole majestueux et de l’Empire romain et surtout de l’Église encore indivise. Cela pendant cinq siècles, jusqu’à la douloureuse déchirure du grand schisme d’Orient, en 1054.

C’est en elle, ou la jouxtant dans l’église impériale des Blachernes, que le très saint Linceul du Seigneur a été vénéré avec tant d’amour pendant 259 ans, depuis son accueil triomphal le 15 août 944, jusqu’à l’atroce saccage – satanique, infernal – de la Cité sainte en 1204 par les hordes des croisés devenus barbares et excommuniés de fait par le pape.

Mille ans de Divine Liturgie

Ainsi, de sa dédicace en 537 jusqu’à sa première transformation en mosquée en 1453 suite à la prise de Constantinople par les Ottomans, ses murs et ses coupoles ont retenti des chants célestes de la Divine Liturgie selon saint Jean Chrysostome ou saint Basile, se sont imbibés du parfum des acclamations de louange ou des cris de détresse du peuple de Dieu. Ses murs se sont couverts de fresques flamboyantes, dont les rescapées ont été voilées ce 25 juillet sur décision de la Turquie. Ah ! Si Erdogan l’avait magnanimement restituée à ce Patriarcat œcuménique tant et tant humilié (réduit sur place à quelque 3 000 fidèles et dont le séminaire est toujours fermé !) : quel fantastique impact cela aurait eu sur nos dialogues inter-religieux !

Or voici que devant ce nouveau viol, notre Occident latin, toujours aussi lâche, réagit si timidement, si faiblement. Combien de chefs d’État ont-ils hurlé ? Ah ! si toutes les Églises catholiques, anglicanes, protestantes avaient sonné le glas, mis drapeaux en berne, à l’unisson de nos bien-aimés frères de Grèce : quel formidable signe de communion fraternelle, de solidarité ecclésiale, de proximité familiale cela aurait été, parlant plus fort que toutes nos rencontres officielles au sommet ! Quel acte fantastique de réparation de notre couardise de 1453, et de nos horreurs de 1204 !

Nos frères orthodoxes oubliés

Mais, hélas ! combien de nos épiscopats ont-ils publié des réactions unanimes ? Combien de nos chers évêques et prêtres se sont-ils précipités dans nos paroisses et monastères orientaux – catholiques, mais surtout orthodoxes qui fleurissent dans nos pays – pour simplement pleurer avec eux ? Combien de nos moines-moniales ont-ils écrit ou téléphoné à leurs frères et sœurs de la Sainte Montagne ? Combien de nos bergers ont-ils écrit aux Patriarches, surtout ceux de Constantinople et de Moscou, sans oublier Kiev ? Nos frères des saintes Églises orthodoxes ont déjà été si cruellement humiliés par notre arrogance romaine et latine, au long des siècles ! Nous avions là une occasion en or d’au moins leur manifester notre communion tout aimante et fraternelle ! Nous l’avons laissé passer, les laissant croire à notre indifférence. Comme en 1453 ! Kyrie eleison ! Un million de fois Kyrie eleison !

En attendant, il ne reste qu’à protester et surtout à pleurer, en chantant le psaume 136 : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion…  »

 

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