Canoniser des enfants ? (12/09/2020)

Dix ans après la mort d’Anne-Gabrielle Caron, le moment sera solennel. L’évêque de Fréjus-Toulon présidera ce samedi 12 septembre la session d’ouverture de l’enquête diocésaine pour la cause de béatification de la petite fille, dans l’église Saint-François-de-Paule de Toulon.

Par cette cérémonie, Mgr Dominique Rey lancera ainsi le processus, qui devra déterminer si la petite Anne-Gabrielle, emportée en 2010 à l’âge de 8 ans par un cancer, a démontré pendant sa courte vie, « des vertus héroïques ».

« Une maturité spirituelle impressionnante »

À l’issue de cette première étape, la fillette pourrait être reconnue vénérable, première marche indispensable sur le chemin de reconnaissance de la sainteté. « Sa maturité spirituelle était impressionnante, témoigne Mgr Dominique Rey, qui l’a rencontrée à deux reprises. Sa volonté de prendre encore plus de souffrance sur elle, d’offrir la sienne au Christ, son abandon total à Dieu dans l’épreuve… On la voyait déjà gagnée par Dieu », s’émeut l’évêque pour qui Anne-Gabrielle pourrait un jour constituer « une figure de sainteté pour les enfants malades et leur famille ».

Quelle que soit l’issue de la procédure, le lancement de la cause d’Anne-Gabrielle reste encore un événement atypique, tant la question de la sainteté des enfants reste récente à l’échelle de l’histoire de l’Église. Hormis les jeunes martyrs, déjà nombreux à être reconnus comme modèles de foi, les premiers enfants déclarés saints par l’Église par reconnaissance de leurs vertus sont Jacinthe et Francisco Marto (9 et 10 ans), deux des trois voyants de Fatima, canonisés en 2017 par le pape François.

À la même époque que les voyants de Fatima, le cas de la petite Anne de Guigné, morte d’une méningite à 11 ans et déclarée « vénérable » en 1990, fut l’occasion d’une discussion dans l’Église autour de la reconnaissance des vertus héroïques (foi, espérance, charité…) des enfants. Les travaux théologiques conduits au Vatican sur cette question se sont achevés en 1981 sur des conclusions positives.

Évolution des règles

Plusieurs thèmes furent alors au cœur du débat : les enfants ont-ils une maturité spirituelle, intellectuelle et psychologique suffisante pour répondre librement à l’appel de Dieu ? La brièveté de leur vie permet-elle vraiment de dégager une constance dans l’exercice des vertus héroïques requises ? Jusqu’alors, une règle non écrite prévalait dans l’Église : il fallait au moins dix ans de pratique des vertus, exercées à partir de l’âge de raison (7 ans), pour qu’une cause puisse être étudiée.

À la fin du XXe siècle, la congrégation des causes des saints du Vatican évolua, estimant que la vertu héroïque est à chercher dans l’accomplissement fidèle et persévérant de ses devoirs, proportionnellement à l’âge et la vie d’une personne.

Dans le cas d’Anne-Gabrielle Caron, Pascal Barthélemy, le postulateur de sa cause, est convaincu que la petite fille est digne d’être montrée en exemple : « La maturité d’un enfant malade est beaucoup plus forte qu’un enfant bien portant. Dans le cas d’Anne-Gabrielle, c’était fulgurant », assure-t-il.

Des procédures de béatifications et canonisations rigoureuses

C’est à ce père de sept enfants qu’incombe de rassembler les éléments de preuves utiles à la connaissance de la réputation de sainteté d’Anne-Gabrielle. En découvrant après sa mort la vie de la fillette, il eut « l’intuition immédiate qu’elle était sainte, imprégnée par la grâce », rappelant par là même les paroles de Jésus dans l’Évangile de Saint-Matthieu : « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »

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Conscient de l’extrême rigueur de la procédure, Pascal Barthélemy sait aussi que la rapidité avec laquelle est étudiée une cause au Vatican dépend de la volonté de l’Église d’envoyer à ses fidèles, un signal sur les modèles qu’elle souhaite promouvoir à une époque. Le préfet de la Congrégation des causes des saints, le cardinal italien Giovannio Angelo Becciu, s’est d’ailleurs déjà exprimé sur la question, indiquant que les jeunes figurent, avec les prêtres, dans ses priorités pour les béatifications et canonisations.

« À Rome, un cardinal m’a confié que les saints devaient, à travers leurs vies, passer un message fort à leurs contemporains, raconte Pascal Barthélemy. Pour moi, la vie d’Anne-Gabrielle est un très beau témoignage dans notre société, qui ne supporte plus les limites et dans laquelle tout désir doit être exaucé. Elle a fait de l’épreuve qu’elle ne pouvait pas surmonter un témoignage d’amour et de confiance absolue en Dieu. »

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La canonisation, un long chemin

Le processus qui mène à la reconnaissance de la sainteté dans l’Église se divise en trois grandes étapes.

La première étape est la reconnaissance de l’héroïcité des vertus d’une personne, qui deviendra alors « vénérable ». Elle est issue d’un très long travail d’enquête, effectué d’abord dans le diocèse du mort, puis minutieusement évalué et vérifié par la Congrégation des causes des saints du Vatican.

L’étape de la béatification, par laquelle le « vénérable » deviendra « bienheureux » requiert la constatation d’un miracle attribué à son intercession.

La canonisation requiert un deuxième miracle. S’il est reconnu par la Congrégation des causes des saints, le pape peut décider de signer le décret de canonisation. Le bienheureux deviendra « saint », proposé à la piété universelle et comme un modèle à suivre.

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