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Le Caire : Un document pour le renouvellement du discours religieux

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Sandro Magister 

"Le 24 janvier, la version en ligne de la revue égyptienne "Yawm al-Sâbi" (Le Septième Jour) a publié un texte intitulé "Document pour le renouvellement du discours religieux". Avant la fin de ce jour-là, le texte en question était déjà présent sur plus de 12 000 autres sites arabes.

C’est un jésuite islamologue, Samir Khalil Samir, Égyptien de naissance, très apprécié par Benoît XVI, qui l’a signalé en dehors du monde arabe et en a souligné l'importance. Il a traduit et commenté les passages essentiels du document dans deux articles qui ont été publiés sur le site de l'agence de presse en ligne "Asia News" de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères.

Le texte original du document, en arabe, se trouve sur cette page web de "Yawm al-Sâbi" :

> "Document pour le renouvellement du discours religieux"

Il est expliqué sur cette page que ce document a été écrit en suivant les indications fournies par 23 penseurs musulmans égyptiens, dont les noms sont indiqués un par un.

D’après le père Samir, ce sont tous des intellectuels et des croyants renommés. On trouve parmi eux Nasr Farid Wasel, ancien grand mufti d’Égypte ; Gamal al-Banna, frère du fondateur des Frères Musulmans ; l’imam Safwat Hegazi ; les professeurs Malakah Zirâr et Âminah Noseir ; le célèbre écrivain islamiste Fahmi Huweidi ; les prédicateurs de la mission musulmane Khalid al-Gindi, Muhammad Hedâyah, Mustafa Husni. Trois d’entre eux figurent, au début du document, sur la photo qui est reproduite sur cette page.

Le document est composé de 22 points rédigés en style télégraphique, qui dessinent un programme de réforme de l'islam : passer d’une pratique superficielle et extérieure de cette religion à une pratique qui soit plus authentique et plus essentielle.

Le voici, sur la base d’une traduction "à chaud" du texte en arabe effectuée par le père Samir :

* DOCUMENT POUR LE RENOUVELLEMENT DU DISCOURS RELIGIEUX
Le Caire, le 24 janvier 2011


1. Réexaminer les recueils de Hadiths [phrases attribuées à Mahomet par la tradition] et les commentaires du Coran, pour les purifier.
2. Soumettre à une vérification le vocabulaire politico-religieux musulman, comme par exemple la jizya [impôt spécial demandé aux dhimmis, les minorités non musulmanes soumises à des restrictions].
3. Trouver une nouvelle formulation du concept de fraternisation entre les sexes.
4. Mettre au point la vision musulmane de la femme et trouver des formes convenables pour le droit du mariage.
5. L’islam est une religion de la créativité.
6. Expliquer le concept musulman de djihâd [la guerre sainte intérieure et extérieure] et clarifier les normes et obligations qui la régissent.
7. Bloquer les attaques contre les manifestations extérieures de piété et les pratiques étrangères provenant d’états voisins.
8. Séparer la religion et l’état.
9. Purifier le patrimoine des premiers siècles de l’islam (salafisme), en écartant les mythes et les attaques contre la religion.
10. Donner une formation adéquate aux prédicateurs missionnaires et, dans ce domaine, ouvrir les portes à ceux qui n’ont pas étudié à l’université Al-Azhar, selon des critères bien clairs.
11. Formuler les vertus communes aux trois religions révélées.
12. Donner des orientations en ce qui concerne les us et coutumes occidentaux et éliminer les comportements erronés.
13. Préciser la relation qui doit exister entre les membres des religions à travers l’école, la mosquée et l’église.
14. Rédiger de manière adaptée à l’Occident la présentation de la biographie du Prophète.
15. Ne pas éloigner les gens des systèmes économiques par l’interdiction de traiter avec les banques.
16. Reconnaître le droit des femmes à accéder à la présidence de la république.
17. Combattre les prétentions sectaires, [en soulignant] que la bannière de l’islam [doit être] unique.
18. Inviter les gens à aller vers Dieu par la gratitude et la sagesse, et pas par les menaces.
19. Faire évoluer l’enseignement d’Al-Azhar.
20. Reconnaître le droit des chrétiens à accéder à des fonctions importantes et [même] à la présidence de la république.
21. Séparer le discours religieux et le pouvoir et rétablir son lien avec les besoins de la société.
22. Améliorer le lien entre la dawah [l’appel à se convertir à l’islam] et la technologie moderne, les chaînes satellitaires et le marché des cassettes musulmanes.

Ces 22 points sont suivis d’autant de paragraphes de commentaires. Qui, d’après le père Samir, laissent entrevoir une véritable révolution par rapport aux manières traditionalistes et puritaines de vivre l'islam qui ont été introduites dernièrement en Égypte et qui proviennent surtout d'Arabie Saoudite.

Dans son analyse publiée par "Asia News", le père Samir considère comme important le point 8, qui propose de séparer la religion et la politique. Dans le commentaire joint – souligne-t-il – figure le mot "almaniyyah", laïcité. Un mot qui, dans les pays arabes, est généralement compris comme signifiant athéisme et qui est donc condamné par principe. C’est tellement vrai que, pendant le synode consacré au Moyen-Orient qui a eu lieu à Rome en octobre dernier, les évêques ont évité de l’utiliser.

Dans le cas présent, au contraire, les auteurs du document écrivent dans leur commentaire que la laïcité ne doit pas être considérée comme une ennemie de la religion, mais plutôt comme une protection contre l'utilisation politique ou commerciale de la religion. "Dans ce contexte – écrivent-ils – la laïcité se trouve en harmonie avec l'islam et par conséquent elle est juridiquement acceptable". Mais elle ne l’est pas si elle se transforme en un contrôle exercé par l’État sur les activités musulmanes.

Commentaire du père Samir :

"Ce point, même s’il a fait l’objet de beaucoup de débats, est la preuve du fait qu’est en train de naître en Égypte le concept de société civile, qui ne coïncide pas immédiatement avec la communauté musulmane".

Le point 6 concernant la guerre sainte est également remarquable. Les auteurs du document n’admettent celle-ci que si elle est défensive et uniquement en terre musulmane. Il n’est jamais permis de tuer des gens désarmés, des femmes, des personnes âgées, des enfants, des prêtres, des moines. Il n’est jamais permis d’attaquer des lieux de prière. Les auteurs soulignent que cette doctrine est celle de l'islam depuis 1 400 ans et que ceux qui la violent la trahissent gravement.

Le signal qui est émis par ce document est faible. Cependant il ne faut pas le négliger. Lorsque ces sujets ont été traités – c’est arrivé plusieurs fois jusqu’à maintenant – lors de discussions entre personnalités de l’Église catholique et de l'islam, il n’est jamais arrivé qu’ils soient repris et diffusés dans l'opinion publique musulmane.

Ce document du Caire, au contraire, est né chez les musulmans et il a immédiatement été diffusé dans un cercle d’opinion plus vaste. Il provoque de très nombreux commentaires sur différents sites internet, opposés et hostiles pour la plupart, mais qui constituent néanmoins, en tout cas, la preuve d’une volonté d’en discuter.

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