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Frédéric Lenoir : "un adversaire de notre foi"

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Dans le n°3255 (15 avril 2011, pp. 26-29) de "France Catholique", Gérard Leclerc a consacré un article à l’un des experts « incontournables », omniprésents sur les plateaux de télévision lorsqu’il s’agit du catholicisme : il s’agit de Frédéric Lenoir, directeur du « Monde des Religions ». Son livre sur le Christ : "Comment Jésus est devenu Dieu" a fait partie de ces publications à la mode qui figurent sur le rayon "religions, spiritualités, ésotérisme" où défilent tant d'auteurs à la mode, qui ont leur heure de gloire et que l'on oublie ensuite (cfr Drewermann et bien d'autres)...

G. Leclerc considère que cet « expert ... a suivi un chemin au terme duquel il a adopté et intériorisé la plupart des ambiguïtés de ce qu'on nomme dialogue interreligieux. » Non qu’il s’agisse de contester « le bien-fondé d'une confrontation rigoureuse et sereine entre les grandes visions du monde et les courants religieux qui leur correspondent. », mais pas « au prix d'une confusion qui estompe leurs structures fondamentales. »

Les choix philosophiques de F.L., observe G. Leclerc, ne sont pas neutres. « Jésus cité comme philosophe, maître de sagesse, dans une liste où Épicure et Épictète sont préférés à saint Augustin, Montaigne et Spinoza à Pascal, Schopenhauer à Kierkegaard, cela donne à penser! »

Face à un monde désenchanté et matérialiste, F.L. pose la question : « comment réussir sa vie et connaître le bonheur vrai? ».

Dès lors, "l’entreprise consiste à dépasser le christianisme en récupérant ce qu'on croit être sa substance, libérée de l'institution et de son impossible magistère." « Ce qu'on récuse, c'est la doctrine de ce christianisme institutionnel. Muray l'avait compris: « le christianisme, le catholicisme, les religions en général, sont déplaisantes pour l'homme nouveau. Le christianisme surtout parce qu'il est basé sur une sorte de dépréciation de l'être humain, consécutive au péché originel, contre lequel s'insurgent aujourd'hui toutes les prides du monde… »

F.L., « même s'il se veut, à sa manière, post-chrétien et post-catholique, n'a pas tout largué de son héritage, notamment sa référence à Jésus et même à Jésus ressuscité. » mais « il lui semble, sans aucun doute, jouir d'une totale liberté, désentravée d'une appartenance «dépassée». Mais, demande G. Leclerc, « peut-on s'émanciper aussi aisément de la confession de foi chrétienne et de la structure ecclésiale qui lui correspond? » Et il répond : « Frédéric est probablement persuadé qu'en s'étant retranché de la seconde il a toute faculté de puiser à la source chrétienne ce qui lui convient et ce qui correspond à une valeur pérenne au-delà des métamorphoses de l'histoire. Mais ce faisant, il ne peut échapper à une posture polémique, celle qui lui permet de déconstruire la confession ecclésiale, en contestant son autorité et sa validité. »

« Il lui faut choisir, s'engager, parier en faveur de son mode de présence dans l'univers religieux. Celui-ci est repérable dans toute librairie d'aujourd'hui, au rayon « Religions, sagesses, ésotérisme ». Rayon qui a incontestablement son public - et les livres de Frédéric Lenoir se vendent bien.

« Posture polémique » donc, qui « ne s'est jamais mieux établie que dans l'ouvrage de Frédéric Lenoir intitulé ‘Comment Jésus est devenu Dieu’ (Fayard), qui a entraîné la réplique du jésuite Bernard Sesboüé ‘Christ Seigneur et Fils de Dieu’ (Letielleux). »

« La simple juxtaposition des deux titres est significative de l'abîme qui sépare le déconstructeur du théologien. Le premier prétend repérer le mécanisme d'élaboration de la foi chrétienne, depuis ce qu'il croit être l'incertitude des évangiles sur l'identité de Jésus jusqu'à la construction de la doctrine trinitaire et christologique dans les premiers grands conciles du christianisme. C'est l'empereur Constantin qui, inquiet des divisions théologiques qui menaçaient l'unité de l'Empire, aurait été à l'origine de la confession de foi, qui rejetait hors de l'Église les courants hérétiques. Sans son initiative, les chrétiens vivraient probablement encore librement leurs différences dogmatiques. D'ailleurs, les tendances lourdes de la modernité sont en train de permettre la transgression des interdits, hier pour partie imposés  « par la force ».

« Pourtant, écrit Frédéric Lenoir dans un épilogue qui révèle son intention profonde, malgré cette apparente unanimité de la foi chrétienne, jamais sans doute le dogme trinitaire n'a été aussi peu compris et suivi par les fidèles. Combien de chrétiens connaissent et comprennent la théologie trinitaire? Combien, même parmi les plus fidèles croient en la divinité de Jésus? Les études sociologiques et les enquêtes d'opinion réalisées dans les pays occidentaux montrent que l'individualisation et le développement de l'esprit critique - les deux principaux vecteurs de la modernité - transforment en profondeur la foi des fidèles. L'expression d'une foi collective unanime sur tous les points du dogme est devenue impossible. En caricaturant un peu, on pourrait dire que chaque chrétien a son credo personnel... »

G. Leclerc observe : « Frédéric Lenoir ne semble pas avoir conscience que l'individualisation et le sens critique sont pures vanités, lorsqu'ils se manifestent en toute ignorance de l'objet supposé de leur déni. Mais c'est une des maladies de l'époque que de confondre sécularisation et émancipation de l'esprit, alors qu'il s'agit très souvent d'amnésie et de décrochage culturel. Les statistiques ne font que refléter l'état de méconnaissance et d'incertitude de l'opinion en matière religieuse, qui est probab1ement à mettre en relation avec l'effondrement de la catéchèse ces dernières décennies. Mais le problème de fond concerne la nature de l'Église, car c'est à son propos que le désaccord le plus radical apparaît. Je ne pense pas du tout être caricatural en posant en préalable que pour Frédéric Lenoir, l'Église est une construction arbitraire, d'essence tyrannique, qui au moyen de sa prétention à l'autorité dogmatique s'est appropriée la foi en Jésus. Fort heureusement, la modernité aurait libéré les disciples actuels de ce même Jésus de cette sujétion, ce qui permettrait de restituer l'authentique figure de l'être historique de l'homme de Nazareth. Il s'y emploie personnellement par une étude critique, comme celle qui entend montrer « comment Jésus est devenu Dieu» ou par des essais où il fait entrer Jésus dans la catégorie des maîtres de sagesse et des philosophes. Ce qui rejoint la finalité problématique du dialogue interreligieux, tel qu'il se déploie notamment dans une publication comme le Monde des Religions. Nous parvenons ainsi à une réunification du religieux dans une post-modernité qui prétend tout réconcilier dans un aimable relativisme. Le Buddha, Jésus, Mahomet... appartiendraient aux mêmes horizons? Certains pensent avoir trouvé là la clé mirifique de la paix et de la réconciliation à l'heure de la globalisation. »

« Pour moi, professe G. Leclerc, Jésus n'est pas « un chaman galiléen qui énonça sa prédication sans succès auprès du peuple hébreu » et dont « un pharisien dissident, Paul de Tarse » répandit le message après qu'il l'eut universalisé. Il m'est impossible d'être d'accord pour une raison très simple résumée par le titre du livre du Père Bernard Sesboué, Christ, Seigneur et Fils de Dieu, et j'ajoute que par l'Église, il m'est aujourd'hui « communiqué ».

(…) « Frédéric Lenoir m'a contraint de revenir à tous ces maîtres qui m'ont appris à penser la nature unique du christianisme à travers la figure de l'épouse et la notion de Tradition, dont Irénée de Lyon écrivait au deuxième siècle qu'elle est « une et identique » à travers toutes les langue du monde. Newman, Congar, Lubac et d'autres m'ont initié, dès ma formation intellectuelle: l'Église n'était pas une construction arbitraire, elle était investie dès la Pentecôte de la mission de transmission intégrale de la foi. »

« La lucidité la plus élémentaire commande, en effet, de dérouler le scénario complet de la déconstruction opérée par Frédéric Lenoir. La destruction de l'Église correspond à la destruction de la foi, dont il ne subsiste rien, puisque c'est l'ensemble du credo qui se trouve récusé. Certes, Frédéric prétend se prévaloir encore de la foi des apôtres, et même de celle de Paul, et se montrer ainsi plus authentiquement chrétien que les chrétiens attachés au credo christologique et trinitaire. Cela contribue à entretenir le trouble, parce que ce Jésus prétendument authentique, est un homme (et rien qu'un homme, là-dessus notre essayiste est franchement disciple d'Arius) qui, néanmoins, est bel et bien ressuscité et continue d'être présent avec les hommes de manière invisible ».

« La polémique développée contre la doctrine n'est pas brutalement rationaliste, elle n'en est pas moins radicale. Il ne subsiste rien du dogme, dont la notion même est récusée, car liée à la légitimité magistérielle de l'Église, supposée insupportable, et se réfère à une définition de Dieu, qui le met hors-jeu, par rapport aux autres théodicées. La rupture avec l'institution produit la rupture avec la foi, la possibilité de croire redevenant disponible pour d'autres aventures, d'autres combinaisons, en fait pour le bricolage religieux contemporain. D'évidence, le désaccord est total. »

« La rupture de Frédéric Lenoir avec l'Église catholique est donc avérée, même s'il subsiste quelque équivoque, à cause de son attachement à une certaine figure de Jésus. Il est nécessaire qu'on sache ce désaccord qui n'est nullement anodin. Même si c'est dur à dire, Frédéric est un adversaire de notre foi dans ses propositions principales. Son livre ‘Comment Jésus est devenu Dieu’ peut faire mal à certains, qui n'ont pas la culture nécessaire pour entrer dans ce type de controverse. C'est pourquoi je me félicite de la réponse du P. Sesboüé qui est de premier ordre, par la sûreté de son information et la rigueur de son argumentation. »

Commentaires

  • Tout-à-fait d'accord avec l'analyse de Gérard Leclercq, que j'ai découvert il y a plus de 10 ans par la lecture de son livre "pourquoi veut-on tuer l'Eglise ?" On m'avait déjà offert il ya de cela quelques années,le livre de Frédéric Lenoir que tout un chacun "devait avoir lu": "Le Christ Philosophe" et mon sentiment était déjà le même. Il faut se méfier des effets de mode et revenir à des valeurs sûres pour l'affermissement de notre foi; ce n'est certes pas un hasard si le Saint-Père a tenu à béatifier le cardinal Newman, et l'on penserait même à le proposer comme Docteur de l'Eglise.
    Par ailleurs, je recommande vivement la lecture du "Jésus de Nazareth" (tomes un et deux) comme réfutation de ce courant.
    Continuez votre blog: je pense qu'il acomplit une mission indispensable...

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