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L'inspiration catholique de la bande dessinée belge de la grande époque

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Un ouvrage vient d'être consacré par Philippe Delisle à la bande dessinée belge : Philippe Delisle, Spirou, Tintin et Cie, une littérature catholique ? Années 1930 / Années 1980, Paris, Karthala, 2010, 184 p.

Le site "Chrétiens et sociétés" publie un compte-rendu de cette étude sous la plume de Yves Krumenacker. De cette publication, il ressort clairement que la bande dessinée belge fut, dans ses premières décennies, une littérature "engagée" marquée par l'appartenance catholique de ses auteurs et qu'il en fut ainsi jusqu'à l'époque du Concile Vatican II...

Extrait de ce compte-rendu :

"Le thème peut paraître évident car la plupart des éditeurs et des auteurs viennent du catholicisme. La « bonne presse », en Belgique, a un quasi monopole, avant-guerre, dans les publications pour enfants : suppléments de journaux comme Le Petit Vingtième (supplément du Vingtième Siècle), organes de mouvements comme La Croisade Eucharistique ; le Journal de Spirou (1938), non confessionnel, n’y échappe pas vraiment puisque son fondateur, Jean Dupuis, a d’abord travaillé dans un quotidien catholique, où il a manifesté de fortes convictions religieuses, et que son fils Charles demande à ses auteurs un discours catholique. Quant au public, même des publications non confessionnelles comme Tintin ou Spirou, il est lui aussi majoritairement catholique. Cette B.D., fruit d’un des « piliers » de la Belgique, se différencie alors nettement de ce qui se fait en France (Les Pieds Nickelés, Zig et Puce, etc.). Les auteurs (Hergé, Charlier, Mitacq, Peyo, Jijé, etc.) ont généralement été formés dans des écoles catholiques, pour leurs études secondaires et souvent professionnelles, ils font partie de mouvements catholiques, ils travaillent pour le scoutisme. Seul Franquin, de ces auteurs éduqués dans le catholicisme, affirme avoir rompu profondément avec la religion. On ne s’étonnera donc pas de l’imprégnation chrétienne de beaucoup de récits : de nombreux auteurs mettent la Bible ou l’ « histoire sainte » en images, racontent la vie des saints (Jijé, Pilamm, Raymond Reding, etc.), le genre culminant avec les « Belles histoires de l’Oncle Paul » des années 50 ; on trouve aussi des récits d’aventure « catholiques » dont les héros sont des gladiateurs convertis, des croisés, des missionnaires du Far West, … Dans d’autres histoires, le scénario est plus « neutre », mais apparaissent des églises, des missionnaires, même des messes (le pilote Michel Vaillant y participe !), révélant qu’on est bien dans un milieu catholique. Rares sont les séries, comme Spirou ou Félix, où manquent les références chrétiennes explicites."

Qu'on ne s'illusionne pas; le propos des auteurs du livre et du compte-rendu est dans l'air du temps et ne se prive pas de critiquer cette inspiration catholique, mais cela se révèle intéressant, notamment quand on constate que :

"Les années 1960 marquent une rupture, à mettre en rapport avec le concile Vatican II, le recul de l’emprise ecclésiastique sur les sociétés occidentales, la « crise catholique » et la forte baisse de la pratique religieuse notamment chez les jeunes, mais aussi la volonté des éditeurs belges de conquérir le marché français, plus laïc, marqué aussi par l’émergence d’une B.D. plus « adulte » et moins traditionnelle, symbolisée par Pilote. Tintin et Spirou, bien que plus classiques, évoluent en ce sens, avec de la science fiction (« Luc Orient ») ou des héroïnes émancipées comme Yoko Tsuno ou Natacha. Les références chrétiennes diminuent, même, à partir des années 70, pour les livraisons de Noël, bien que l’on trouve toujours de courts récits chrétiens, que les pieux chevaliers (« Chevalier Ardent ») et les scouts soient toujours présents. La prise de distance avec le discours traditionnel est accomplie dans les années 80 (au moment même où l’imaginaire colonial est traité avec ironie, humour, quand il n’est pas stigmatisé), tout en s’accompagnant d’une certaine nostalgie : la reprise de héros anciens et de vieux stéréotypes, la parodie se multiplient, en particulier chez Yves Chaland, Serge Clerc ou Yann. Mais il s’agit alors plus de références littéraires, attestant de la mort du modèle traditionnel, même si un auteur comme Chaland a aussi travaillé, probablement par conviction personnelle, pour le magazine catholique Grain de Soleil."

Yves Krumenacker , « Philippe Delisle, Spirou, Tintin et Cie, une littérature catholique ? Années 1930 / Années 1980, Paris, Karthala, 2010, 184 p. », Chrétiens et sociétés [En ligne] , 17 | 2010 , mis en ligne le 12 juillet 2011, Consulté le 13 juillet 2011. URL : http://chretienssocietes.revues.org/index2859.html

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