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Saint Louis, roi de France

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51HV2NMERAL._SS500_.jpgIl y a une quinzaine d'années, Jacques Le Goff a publié une biographie magistrale de saint Louis qui a été saluée par les spécialistes comme une oeuvre historique innovante et qui rendait justice à ce roi prisonnier de sa légende; en voici une présentation intelligente, due à Pierre Gendron, sur "Spiritualité 2000"

"Sur la sainteté de saint Louis, comme fil conducteur possible, il y aurait beaucoup à dire. C'est une question sur laquelle Jacques Le Goff apporte un éclairage nouveau. Son travail fait ressortir toute l'actualité de saint Louis comme exemple de saint laïc. Dans ce but, l'auteur procède à l'examen d'un document produit par un contemporain de saint Louis qui a justement l'avantage de représenter le point de vue du laïc. Il s'agit d'un témoin exceptionnel, une figure remarquable de l'entourage du roi, qui fut à la fois grand sénéchal du royaume et dès sa jeunesse un ami: Joinville. (Louis IX, né en 1214 et mort en 1270, a été canonisé en 1297. Jean, sire de Joinville, est né en 1224; il est octogénaire quand il compose son ouvrage, terminé en 1309; et il meurt lui-même en 1317 à l'âge de 93 ans.)

Le document dont Joinville est l'auteur s'intitule Histoire de saint Louis. C'est la première fois qu'un laïc écrit une vie de saint. Ce livre, dit Jacques Le Goff, modifie fondamentalement nos possibilités d'approcher le « vrai » saint Louis. Grâce au témoignage de Joinville, il est possible de surmonter ce qu'il y a d'impersonnel, d'artificiel dans les sources de l'époque qui nous parlent du roi. Cette Histoire de saint Louis nous introduit au coeur d'une relation authentique; elle nous fait rencontrer le saint Louis que Joinville a connu, et non celui d'un modèle idéal transmis par la culture. Surtout, Joinville n'a pas une conception idéalisée de la sainteté: même un grand saint n'est pas un homme parfait.

Son saint Louis a une vraie personnalité et un charisme personnel. Joinville, estime Jacques Le Goff, mérite de rester dans l'histoire comme le découvreur d'un individu. Mais l'individu « saint Louis » n'a vécu et n'a agi dans son époque qu'à travers des institutions, à travers des catégories qui doivent être aussi l'objet du regard de l'historien. La sainteté du « vrai » saint Louis de Joinville a donc quelque chose de concret qui nous le rend proche. Toutefois, cette sainteté a aussi quelque chose d'étonnant. À l'époque de saint Louis, rappelle l'auteur, c'est une nouveauté: « L'originalité la plus fortement ressentie par les contemporains est celle d'un saint laïc, catégorie rare au Moyen Âge. Saint Louis est un roi saint laïc postérieur à la réforme grégorienne, laquelle a bien distingué clercs et laïcs ».

En politique, il a voulu être le roi chrétien idéal; mais il a été aussi un saint guerrier. C'est Joinville qui met en valeur cet aspect de sa personnalité. Or, s'il fut en un sens le « croisé idéal », c'est paradoxalement, dit Jacques Le Goff, « parce qu'il a échoué et que ses croisades ont été presque anachroniques. Saint Louis a connu [comme croisé][...] la captivité et la mort. Ces échecs -- dans une société où le modèle du Christ offre la Passion comme une victoire suprême sur le monde -- lui ont conféré une auréole plus pure que celle d'une victoire ». D'où cette idée de voir en lui, comme le fait l'historien Jacques Le Goff, un double laïc de saint François d'Assise, son contemporain.

À la fin, ce roi très chrétien ne parle pas seulement au croyant, qui pourrait vouloir le prendre comme modèle, cela va de soi, mais aussi à l'homme moderne. Saint Louis, explique Jacques Le Goff, « a bien résisté à l'établissement des idées laïques, car il a su incarner des idéaux professés par les nouveaux milieux: la modération, et surtout, la justice et la paix. C'est même la Troisième République qui, à travers l'Histoire de France de Lavisse et les manuels scolaires, a promu un bref passage de Joinville à la dignité d'une image mythologique: saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes ». Saint Louis est proche des laïcs parce qu'il fut un homme de l'expérience pratique. Mais avec ce qu'il faut de distance pour susciter aussi un examen de conscience en tout esprit honnête.

Jacques Le Goff, Héros du Moyen Âge, le saint et le roi, Paris, Gallimard, 2004, 1344 p.

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