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La Wallonie s’interroge : que faire du patrimoine immobilier d’une Eglise désertée ?

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Depuis les années conciliaires, on a observé (de l’aveu même du cardinal Danneels) un « lent déclin » de la pratique religieuse en Belgique. Avec la disparition des générations éduquées avant 1960, ce déclin se solde aujourd’hui par un véritable effondrement général, dont témoigne matériellement la désertification du patrimoine religieux immobilier : églises, chapelles, couvents,  monastères et  autres bâtiments à vocation ecclésiale.

Parmi les 2.800 biens classés en Wallonie, plus de 700  sont destinés à l'exercice d'un culte, avec les répercussions financières que l'on sait sur les pouvoirs publics tant régionaux que locaux.  De plus, 380 églises sont classées comme monuments et 200 chapelles bénéficient de la même protection.  Parmi ces 380 églises protégées, 38 sont  reprises sur la liste du Patrimoine exceptionnel de Wallonie.

A côté de ces monuments faisant l'objet d'une mesure de protection, s'ajoutent les édifices non classés, afférents aussi au culte catholique, qui se chiffrent à plus de 1.900 en Wallonie.

Alors, les pouvoirs publics concernés, tant par l’obligation que leur fait la loi de se porter au secours des fabriques d’église en difficultés financières et de conserver le patrimoine immobilier de ces dernières que par celle de subvenir à la restauration des biens classés, font leurs comptes.

D’une part, le Ministre de tutelle des pouvoirs locaux, Paul Furlan (PS) estime nécessaire une réforme de la loi sur les fabriques d’églises pour « rationaliser » les dépenses publiques obligatoires relatives à l’entretien et à la conservation des lieux de culte.

D’autre part, Isabelle Simonis, Présidente du groupe socialiste au Parlement wallon, vient de déposer, avec le député wallon Daniel Senesael, bourgmestre socialiste d’Estampuis, une proposition de décret visant à réaliser un cadastre des monuments classés affectés à l'exercice d'un culte en Région wallonne. Le but : disposer d'une photographie de la situation existante et d'une base objective nécessaire à toute décision raisonnée, tant en termes de restauration que de réaffectation à d'autres fonctions, comme du logement, des locaux pour associations ou des activités culturelles. De son côté, l’Union des villes et communes plaide pour une simplification de la procédure de désaffectation tout en maintenant l’obligation de la double décision, civile et religieuse et sans remettre en cause l'opportunité d'octroi des subsides, qui est acquise, s'agissant de monuments classés.

Quelle est la réaction des milieux d’Eglise face à cette double initiative politique ?

Selon le député Senesael « il n'y a pas encore eu de concertation officielle avec les autorités cléricales » mais il précise en avoir discuté avec l'évêque de Tournai « qui ne verrait pas d' inconvénient au projet à condition que cela se fasse en bonne intelligence et concertation", précise le député. Mgr Harpigny est aussi l’un  des trois évêques membres du comité épiscopal pour les relations avec les pouvoirs publics,

Qu’en pense Mgr Jousten, l’autre évêque « wallon » membre de ce comité épiscopal ? Réponse peut-être le 22 octobre : l’évêché de Liège organise ce jour-là, dans l’ «Espace Prémontrés » (autrement dit, l’évêché), un colloque intitulé « un logement pour tous ». Son objet est de réfléchir, notamment, sur la réaffectation sociale des biens d’église « dans un contexte économique et social où le fossé entre riches et pauvres se creuse et où la difficulté de se loger décemment s’accroît » car « l’Eglise ne peut rester indifférente. En effet, elle dispose de bâtiments inoccupés et il en va donc de sa crédibilité dans l’annonce libératrice de l’Evangile de s’impliquer pour contribuer, en collaboration avec d’autres, à relever le défi du logement ».

C’est déjà mieux que d’avoir la velléité de  revendre des biens à usage cultuel ou ecclésial pour les transformer en restaurant, friterie, boîte de nuit ou  mosquée. Comme le note Paul Vaute dans la « Gazette de Liège » du 24 septembre, « ces dévoiements de finalités et de symboles heurtent le sens commun, comme le feraient d’éventuelles tentatives de reconvertir une (ex-)synagogue en ashram ou une (ex-)maison du peuple en casino »

Mais le logement est-il la réponse adéquate ou la seule alternative ? Dans le commentaire précité, Paul Vaute, constate que si « les croyants désertent d’eux-mêmes les maisons du Seigneur, quitte ensuite à verser une larme quand on en prononce la fermeture définitive ou le retour à la collectivité qui leur cherchera un nouvel usage, l’attachement au patrimoine, peut fort heureusement faire, en de nombreux endroits, barrage aux désaffectations pour cause de défection des fidèles (…). Là où la communauté chrétienne est trop clairsemée pour justifier la charge financière publique engendrée par l’édifice, la piste d’une fonction mixte, ecclésiale pour une partie et culturelle ou sociale pour une autre, doit sans doute être encouragée ». Dans un esprit conforme à la destination principale du bâtiment, ajouterions nous, et sans qu’il soit dès lors question de le désacraliser. C’est la voie dans laquelle certains responsables de lieux de culte se sont déjà engagés et elle mériterait certainement d’être approfondie.

Il  est enfin une autre réponse, beaucoup plus fondamentale, pour réinvestir les lieux de la foi : celle d’une évangélisation dégagée de la mentalité de l’enfouissement répandue dans les milieux cléricaux : si cette nouvelle évangélisation dont on parle est autre chose qu’un slogan ou un rêve  bureaucratique, nos évêques devraient ouvrir toutes grandes leurs portes aux missionnaires issus des communautés nouvelles ou des pays dans lesquels  la foi catholique est épanouie et où «la  moisson est abondante ». Or, trop souvent, ces derniers trouvent, dans les structures de nos diocèses, mines circonspectes, accueil parcimonieux voire portes closes, pour des raisons « culturelles » ou « pastorales » qui en cachent d’autres. Là se trouve peut-être la cause première de la désertification dont on se plaint.

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