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La fête du Christ-Roi, un changement de perspective et de signification ?

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Le déplacement de la fête du Christ Roi de l'univers du dernier dimanche d'octobre (avant la réforme liturgique) au dernier dimanche de l'année liturgique suscite de légitimes questions. Le blog du Mesnil-Marie critique sévèrement ce changement de perspective et de signification.

2007-24. De la Royauté du Christ à la gloire de ses élus.

Le dernier dimanche du mois d'octobre, la liturgie - dans son calendrier traditionnel auquel nous tenons d'une manière très spéciale - nous donne de fêter le Christ, Roi de l'univers.

Il y avait une volonté explicite du Pape Pie XI dans le choix spécial de ce dimanche, lorsqu'il institua cette fête, puisqu'il écrivait dans l'encyclique “Quas primas” du 11 décembre 1925 : “… Plus que tout autre, le dernier dimanche d'octobre Nous a paru désigné pour cette solennité : il clôt à peu près le cycle de l'année liturgique ; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours de l'année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe en tous les Saints et tous les élus.”

La réforme liturgique issue du second concile du Vatican a opéré un double déplacement de cette fête :

a) un déplacement de date : du dernier dimanche d'octobre au dernier dimanche de l'année liturgique,

et b) un déplacement de sens : de la proclamation d'une royauté qui doit être universelle dès ici-bas - par une obéissance de tous les hommes et de toutes les sociétés à la loi d'amour et de sainteté du Christ, non seulement dans le domaine privé des consciences mais dans le domaine public -, à une dimension uniquement eschatologique, c'est-à-dire une royauté qui ne s'exercera plus que dans le Royaume éternel, après le jugement dernier.

Ce changement de perspective correspondait à l'abandon pur et simple de la doctrine de la Royauté Sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Cette mutation du sens donné à cette fête allait de pair, sous le règne de Paul VI, avec une véritable rupture dans la pratique multiséculaire du Saint-Siège cherchant à favoriser la reconnaissance, la garantie et l'institutionalisation, dans la sphère politique et sociale, des devoirs et des droits humains en pleine conformité avec la Loi divine.

On le sait bien, et Pie XII l'avait rappelé à plusieurs reprises de manière magistrale, la forme prise par la société temporelle, dans ses structures politiques et sociales, est véritablement déterminante pour le salut ou la perte de nombreuses âmes. L'enjeu du salut éternel des âmes fait à l'Eglise une obligation de moyen d'intervenir dans l'ordre temporel (sans confusion des pouvoirs toutefois), et de favoriser les structures sociétales qui sont le plus idoines à l'épanouissement de la sainteté. L'Eglise obéit en cela à la parole de Saint Paul: “Opportet illum regnare : il faut qu'Il règne!

En plaçant la fête du Christ-Roi au dimanche précédant immédiatement la Toussaint, Pie XI rappelait que la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ s'épanouit logiquement en fruits de sanctification et prépare heureusement les âmes à la gloire céleste. Tandis que la proclamation d'une royauté seulement eschatologique, à la fin des temps, allant de pair avec l'abandon des “revendications” traditionnelles de l'Eglise dans ses relations avec les états (par une sorte de “rousseauisme spirituel”), ne pouvait qu'entraîner une accélération du laïcisme, de l'indifférentisme, du relativisme… etc., ne pouvait que favoriser le développement de la propagation de doctrines contraires ou même foncièrement opposées à la Vérité révélée, ne pouvait être que très dangereux et dommageable pour les âmes, davantage exposées à l'erreur et aux multiples tentations du monde…

On a bien vu que le virage consécutif à la fameuse “ouverture au monde” en laquelle on a prétendu résumer “l'esprit du concile“, loin de favoriser le développement de la vie chrétienne a tout au contraire produit un déficit considérable pour ce qui est de la pratique religieuse, de la vie spirituelle des fidèles, de leur formation intellectuelle, de l'efficience des mouvements d'apostolat, du recrutement des vocations… etc.

“Toute âme qui s'élève élève le monde”! Et pour qu'une âme s'élève, il faut autant que possible favoriser des conditions propices à une élévation morale, intellectuelle, psychologique et spirituelle. Il faut que les cadres temporels eux-mêmes soient favorables à cette élévation.

N'importe quel jardinier intelligent sait qu'on ne peut permettre à une plante de croître et de s'épanouir dans un terrain inapproprié et dans des conditions d'ensoleillement et d'irrigation inadaptées à sa nature. Ce qu'un jardinier pratique obligatoirement et comme par instinct, sous peine d'accumuler les échecs, pourquoi les conducteurs spirituels du “Peuple de Dieu” l'ont-ils oublié et nié dans les faits? Pourquoi se sont-ils comportés comme des jardiniers qui auraient détruit leurs serres et leurs systèmes d'arrosage en disant: “Ces structures sont d'un autre âge, il faut que les plantes soient responsables d'elles-mêmes et sachent mettre à profit les conditions, même défavorables, dans lesquelles elles se trouvent, afin de parvenir à leur état adulte libérées des structures étrangères à leur nature…

Celui que se lamente parce que “les fumées de Satan se sont introduites dans le sanctuaire” alors qu'il a lui-même contribué à ouvrir les fissures par lesquelles ces fumées se sont infiltrées manifeste - pour le moins - un singulier déficit de lucidité et de responsabilité!

En fêtant, demain, tous les Saints, tous ceux qui sont parvenus à la gloire céleste - et souvent à travers des combats héroïques contre l'esprit du monde - nous n'omettrons pas de leur demander la grâce de nous donner à nous qui peinons, “gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes“, la force et le courage de travailler énergiquement au rétablissement du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ, générateur de sainteté. Et pour que le règne du Christ s'épanouisse dans la société, il faut travailler à ce que l'idée même triomphe des erreurs du temps dans l'intelligence et dans le coeur de nos contemporains, clercs et laïcs!

Frère Maximilien-Marie."

Commentaires

  • Cette analyse est tout à fait juste et lucide. Le placement de la fête du Christ Roi à la fin de l'année liturgique au lieu de la garder proche de la fête de tous les Saints est l'un des manoeuvres les plus tristes des "réformateurs" liturgiques. Dans ses mémoires inédites, le Père Louis Bouyer qualifie le petit groupe qui, à lui seul, a fomenté le nouveau calendrier de "trio de maniaques" qui a voulu imposer ses propres idées à l'Eglise universelle, avec la bénédiciton de Bugnini et pratiquement à l'insu du Pape régnant. Le glissement sémnatique et, avec lui, doctrinal de la fête est très bien décrit dans l'article ci-dessus.

  • Toujours la tentation de la théocratie, alors que le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde.
    Concrètement, et restant sauve la distinction des pouvoirs, qu'est-ce que : "la royauté sociale de NS Jésus-Christ "? Je pense malencontreusement aux illustrations genre "paradis sur terre" qu'on peut voir dans les brochures "La tour de garde" des Témoins de Jéhovah...
    En réalité, "le Christ est en agonie jusqu'à la fin des temps" et "le monde entier gît au pouvoir du Malin".
    La seule société divine possible est eschatologique. Si ma théologie est bonne, il a existé une société parfaitement "chrétienne" : quand Dieu et ses anges vivaient en harmonie, avant la révolte de Lucifer. N'espérons pas faire mieux que Saint-Michel et les archanges...

  • Notre Père...que ton règne vienne sur la terre comme au ciel....

  • La Religion n'est pas une simple affaire individuelle et privée. Elle concerne tout l'homme, y compris dans sa dimension sociale et collective. Il n'y a donc rien d'illégime à oeuvrer pour que l'esprit du Christ règne ("tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" St. Matthieu ch.28, St Luc ch.24)toujours davantage dans nos sociétés imparfaites. C'est ce que Pie XI a voulu souligner en instituant la fête du Christ-Roi en 1925. Je ne pense pas qu'il ait jamais eu pour autant l'illusion de faire descendre le ciel sur cette terre. L'accomplissement absolu du royaume est bien sûr celui du monde eschatologique dont parlent les évangiles.

  • La royauté incomparable du Seigneur Jésus-Christ est d'abord dans les coeurs (volonté, pensées et décisions) cela fait elle s'exprime en des actes concrets d'abord envers les plus démunis comme gestes prophétiques et comme mise-en-accusation du monde régit par la violence meurtrière de l'égoïsme et de l'hypocrisie...Le Christ Jésus s'identifie clairement à ceux-là et les ignorer, puisqu'ils ne comptent pas dans notre monde, c'est L'ignorer Lui et Le trahir alors même que nous nous revendiquons de sa Personne Sublime, Incomparable et Adorable...
    Il y a là une exigence et un avertissement décisifs et miséricordieux car nous sommes prévenus quant au critère du jugement...Mais qui y croit encore parmi les catholiques dont je suis...pour ma part pas vraiment assez parce qu'avec Cet amour là nous serons toujours en reste...

  • "La transformation des rapports sociaux répondant aux exigences du Royaume de Dieu n'est pas établie dans ses déterminations concrètes une fois pour toutes. Il s'agit plutôt d'une tâche confiée à la communauté chrétienne, qui doit l'élaborer et la réaliser à travers la réflexion et la pratique inspirées de l'Evangile.

    "C'est le même Esprit du Seigneur, qui conduite le peuple de Dieu et, en même temps, remplit l'univers, qui inspire, de temps à autre, des solutions nouvelles et actuelles à la créativité responsable des hommes, à la communauté des chrétiens insérée dans le monde et dans l'histoire et, par conséquent, ouverte au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté, dans la recherche commune des germes de vérité et de liberté disséminés dans le vaste champ de l'humanité" ("Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise", Cerf, 2005, p. 29).
    Nous sommes loin du règne du sabre et du goupillon, de l'union du trône et de l'autel...

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