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Encore une attaque médiatique contre le célibat sacerdotal

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Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. Sur le site de “La Vie” Jean Mercier s’y colle à son tour, dans une “paposcopie” du 5 mars (extraits):

“ C'est un documentaire qui promet une flambée d'audimat. Diffusé par France 2 le 6 mars, il a pour thème « La vie amoureuse des prêtres ». Il est si tentant de connaître la vie intime de ceux qui se sont volontairement astreints au célibat, et donc à la chasteté... Le moins qu'on puisse dire est que le film est croustillant. Il s'ouvre sur des images d'un couple en automobile. Un prêtre et une femme racontent comment ils se cachent pour se retrouver dans l'intimité, jusqu'à s'échapper à l'étranger.

Kilien et Christine, dont les noms sont donnés en clair, auront sans doute sous-estimé l'impact de ces images sur un diocèse de Lille encore assez bouleversé par le départ de Kilien. Le téléspectateur apprend d'emblée que le documentaire a été tourné alors que Kilien était encore en poste. Il va donc assister en temps réel à la défection du curé... (…)

Le cinéaste, qui ne brille pas par sa discrétion, ne répugne pas à nous faire entrer dans l'intimité d'un autre couple composé d'un prêtre septuagénaire, qui a attendu la retraite pour épouser celle qu'il aime depuis des lustres. L'ancien Père Gabriel raconte qu'il a demandé à Jacqueline de coucher avec lui – sans qu'ils soient déjà amoureux – et qu'elle a accepté. Là encore, était-il vraiment indispensable de nous partager cette confidence ? (…)

Mais venons-en au fait (…). Le film, au-delà des témoignages recueillis sur le célibat (et reconnaissons ici qu'il donne longuement la parole à des prêtres qui assument avec joie et conviction leur célibat, ce qui est justice) laisse entendre que le célibat est un obstacle pour les vocations et un handicap pour l'équilibre des prêtres, renforçant leur solitude (etc, les poncifs habituels). La voix off nous explique que la situation est bloquée et que l'Eglise "conformément aux instructions du pape, n'entend pas la modifier".

Une fois de plus, on a donc trouvé le coupable idéal, celui qui empêche les êtres humains d'être heureux : le pape. Une fois de plus, on invite le téléspectateur à penser que tout irait mieux dans l'Eglise s'il n'y avait pas Benoît XVI.

L'autre énormité de ce documentaire est de confondre sans cesse deux choses - qui se recoupent mais doivent être distinguées - sous l'expression du « mariage des prêtres ". D'une part, la possibilité de l'ordination d'hommes mariés. D'autre part, le fait que des prêtres célibataires catholiques puissent ou non se marier. Ainsi, le film fait déclarer par un sociologue que "jusqu'aux XVIIIe, IXe siécles, les prêtres peuvent se marier". Ce qui est totalement faux. Pour faire bonne mesure, on nous a expliqué avant que l'Eglise a dû changer ses règles en réaction à la décadence sexuelle des papes... Les papes sont en cause, une fois de plus.

Précisons ici deux choses essentielles :

Primo, il n'a jamais été possible pour un clerc de se marier après son ordination. Que l'on soit ordonné prêtre ou diacre, a fortiori évêque, on ne peut pas changer d'état après son ordination. Si on est célibataire, on doit le rester. L'interdiction est établie depuis 2000 ans aussi bien en Orient qu'en Occident. La règle reste valable aujourd'hui : un diacre marié qui se retrouve veuf n'a pas le droit de se remarier. Il a toujours été rigoureusement interdit aux prêtres célibataires de se marier ou d'avoir des relations avec des femmes. Il est avéré que des prêtres ont eu des concubines, mais jamais avec l'aval de l'Eglise, qui a toujours lutté contre cette réalité, en particulier à partir de la réforme grégorienne (du pape Grégoire VII) au XIe siècle. La seule parenthèse historique où des prêtres se sont mariés est la Révolution française, mais le mariage se faisait parfois de force. Bien sûr, la Réforme du XVIe siècle a marié les prêtres, mais elle les a aussi, en même temps, d'un point de vue théologique, désacralisés (ils sont mariés, mais ce ne furent plus des prêtres mais des pasteurs). Dans les Eglises anglicanes, le « prêtre » est théologiquement un pasteur protestant, puisque l'ordination qu'il ou elle reçoit n'est pas un sacrement.

Secundo : l'Eglise catholique latine a pratiqué l'ordination d'hommes mariés (et le fait encore). Jusqu'au XIe siècle, elle a ordonné des hommes mariés au diaconat et au sacerdoce, jusqu'à en élever certains à l'épiscopat. Mais la règle d'airain impliquait que le couple ne fasse plus usage de la sexualité, ce qui conduisait parfois à une séparation de corps, notamment pour les évêques. La difficulté de tenir la continence a conduit à une interdiction de cette pratique lors de la Réforme grégorienne, parmi d'autres facteurs d'ordre politique et économique.(…).

Si le pape peut éventuellement libéraliser la pratique déjà existante d'ordonner des hommes mariés (libéralisation qui n'est pas au programme, et qui pose de nombreux problèmes nouveaux à résoudre), il ne peut pas grand chose pour les prêtres célibataires qui décident de rompre leur vœu de célibat, sauf à inventer une règle totalement nouvelle dans l'Eglise catholique, dans sa sphère latine ou orientale.

C'est cette réalité subtile que le documentaire de France 2 devait expliquer. Mais il préfère brouiller les pistes afin que le public puisse s'apitoyer sur le sort de Kilien et Christine, et que l'on considère que l'institution est, une fois de plus, inhumaine et inadaptée à la modernité...(…)

Reste le problème de ces prêtres qui tombent amoureux d'une femme. Ne serait-il pas plus humble et juste, de la part de ces prêtres, de reconnaître qu'ils se sont trompés, qu'ils ont surestimé leur capacité à observer le célibat, plutôt que de mettre en cause une règle qu'ils ont acceptée en pleine liberté, et tenter de prouver que l'Eglise est dans l'erreur ? L'ex-prêtre qui témoigne, Gabriel Doin, explique d'ailleurs qu'il s'est trouvé en désaccord avec la définition du prêtre selon l'Eglise catholique. Il devrait logiquement reconnaître que sa théologie est ici plus protestante que catholique.

Par ailleurs, la question de l'affectivité du prêtre et de sa solitude ne se laisse pas "solutionner" par la vie conjugale Un prêtre célibataire peut être affectivement équilibré grâce à des amitiés masculines et féminines. Côté affectif, de nombreux prêtres décident de vivre en communauté pour ne pas être seuls au quotidien. D'autres prêtres revendiquent la solitude comme une pauvreté librement choisie en union avec le Christ, en solidarité spirituelle avec ceux qui n'ont pas choisi d'être célibataires et qui en souffrent. Ils n'en sont pas moins joyeux et sains pour autant, j'en suis témoin. A ce propos, on verra le très beau documentaire La pastorale de la cafetière où le Père Bertrand Chevallier parle dans ce sens. Etre célibataire ne signifie pas renoncer à être aimé...(…)

Certes, il ne faut pas se voiler la face : de nombreux catholiques ne comprennent pas que l'Eglise n'autorise pas les prêtres célibataires à se marier après leur ordination. Où serait le mal ? se demandent-ils...

Le sacerdoce est une union d'identité si forte avec Jésus qu'il configure le prêtre comme Jésus, c'est-à-dire époux de l'Eglise : le prêtre participe du mariage spirituel qui unit l'Eglise et le Christ d'une façon si intense qu'il ne peut être que célibataire, comme d'ailleurs Jésus l'était. C'est un grand mystère, qui ne se laisse pas percer facilement, mais dont ont témoigné ceux qui ont reçu cette grâce, dont plusieurs saints...

Il est vrai aussi que des (jeunes) hommes qui songent à devenir prêtres renoncent à ce projet à cause du célibat. Ceci ouvre le débat, que l'Eglise n'a jamais considéré comme illégitime, de l'ordination d'hommes mariés. Mais cette piste (au demeurant très complexe, et qui est loin d'être la panacée, car d'autres questions se présentent) ne répond pas au drame de Kilien et de Gabriel, qui est de tomber amoureux d'une femme (ou d'un homme, ce qui s'est déjà vu).

Ce drame renvoie à la question de la Grâce : la force que Dieu donne à un moment et sur laquelle se fonde un homme pour répondre à l'appel du Christ en devenant prêtre peut-elle s'évanouir en fumée ? Que faut-il faire pour qu'elle dure toute une vie ? Là est la question... qui ouvre sur un mystère inoui.

Le Christ a sans doute vécu ce mystère. Si jamais le jeune Jésus n'avait pas été consacré comme un "nazir", c'est-à-dire offert au Seigneur dans le célibat (et les Ecritures sont muettes à ce sujet), il ne devait pas être facile pour lui d'être célibataire dans une société qui valorisait le mariage et la famille à l'extrême. On peut imaginer les quolibets que Jésus a pu subir à Nazareth, entre l'âge où il était "bon à marier" et le début de sa vie publique, soit une quinzaine d'années... Marie a dû aussi endurer les regards en coin au lavoir, les chuchotements qui se taisent à son passage dans les ruelles, parce que son fils n'était pas marié.

Le choix du célibat sacerdotal est radical. Mais regardons les exigences du mariage catholique : on s'engage à aimer l'autre pour toute la durée de sa vie à lui ou à elle, et à lui rester indissolublement fidèle, même si l'autre s'éloigne ou choisit d'être infidèle et de vivre avec un tiers... Choix aussi fou, sinon plus, que le célibat sacerdotal... Si l'Eglise était "sage", elle devrait donc d'abord commencer par abolir le mariage avant de relativiser le célibat sacerdotal...

La fidélité du prêtre dans son célibat aide les couples engagés dans le mariage à tenir dans leur propre fidélité conjugale, elle-même parfois soumise à tentation. Et vice versa. Tout se tient dans la communion des saints.

Et ceci n'est pas la faute du pape, mais le mystère de la grâce de Dieu.

Tout l'article ici: Le pape, coupable idéal

Commentaires

  • C'est donc à notre époque, où le mariage n'a plus du tout la cote, où il va complètement à vau l'eau, où il n'a plus aucune valeur, que certains trouvent opportun de proposer aux prêtres de s'y lancer ?

    Alors que pendant des siècles, quand le mariage était vraiment respecté à sa juste valeur, le célibat des prêtres n'était pas remis en question. Ce célibat était aussi respecté à sa juste valeur.

    Cette société marche sur la tête, n'a plus aucune valeur à proposer et respecter, et elle voudrait que l'Église l'imite.

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