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L'avenir du patrimoine religieux en Belgique francophone

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A titre informatif - et sans nous prononcer sur le contenu des communications - nous reproduisons (en y étant autorisés) le compte-rendu de la conférence « Quel avenir pour le patrimoine religieux en Belgique francophone ? ». Ce compte-rendu n'a pas un caractère "officiel"; il est l'oeuvre d'une étudiante qui y a assisté (grâces lui soient rendues).

« Quel avenir pour le patrimoine religieux en Belgique francophone ? »

Conférence organisée par la TIARE (foi, raison et société – www.latiare.be) et le kot-à-projet « l’Amandier »

Intervenants annoncés

  • Raphaël COLLINET (vicaire épiscopal),
  • Thomas COOMANS (professeur à la KUL)
  • Paul FURLAN (le ministre wallon, mais il sera probablement remplacé)
  • Pierre-Yves KAIRIS (historien de l’art, IRPA),
  • François MOENS (sociologue, UCL-Mons),

Intervention du Professeur François Moens

Le professeur propose ici une approche sociologique du phénomène. Pour remettre brièvement en contexte, quelle est d’abord la situation du « religieux » aujourd’hui ? On observe une désinstitutionalisation et une religion à la carte.

Monsieur Moens a pris une ville, Charleroi, qu’il va étudier en 1998. Il répond à une demande : que va-t-on faire des églises, au vu de la déchristianisation croissante ?

Le sociologue va mener son enquête sur le terrain. Il rencontre les acteurs que sont les prêtres et les politiques et opère également des recensements dominicaux auprès des pratiquants.

Il en ressort d’abord un accueil chaleureux des gens, qui a surpris les scientifiques. Monsieur Moens note un attachement important au « quartier », à Charleroi. Si l’église est importante, c’est parce qu’elle fait partie du quartier.

En 1998, les chercheurs constatent également que, si un bâtiment religieux coûte, ce n’est pas grave. Les habitants ont donc une relation démonétarisée avec leur église. 

Il faut également prendre en compte que la rénovation de patrimoines religieux est un poste budgétaire qui, selon les localités, ne rencontre pas toujours un nombre assez conséquent de personnes se sentant concernées dans la population. Donc au niveau électoral, il n’y a pas toujours un enjeu, pour les politiques.

Pour pallier à ça, il faut élargir la vision de l’utilisation du patrimoine religieux qui n’est pas qu’  « opérationnel » pendant les messes dominicales mais également en dehors, à travers d’autres offices et puis aussi prendre en compte, la possibilité si une église est ouverte d’y entrer (pour se recueillir, méditer de manière générale etc…). Cette dernière pratique permet à des personnes pas forcément attachées à une communauté pastorale de pouvoir entrer dans ce lieu. Parfois en été, ces gens recherchent juste un peu de fraicheur ou une pratique lointaine religieuse…quoiqu’il en soit, c’est un lieu qu’ils ont l’occasion de fréquenter librement par ce biais. L’église ouverte est une des pratiques qui rend l’église vivante.

Ainsi, certains diront que justement le patrimoine c’est l’Eglise vivante. Il y a un dynamisme, indépendamment de l’aspect totalement religieux, qui reste attaché à l’église pour d’autres raisons que la foi théorique, les pratiques religieuses.

Intervention du Professeur Thomas Coomans

Thèse 1 : La destruction des églises, évènement traumatisant

La destruction des églises, édifices qui sont à haute signification symbolique et qui ont une grande valeur culturelle, constitue une perte patrimoniale et identitaire irrémédiable pour la société. C’est traumatisant, c’est comme un deuil. En effet, l’église d’un quartier est comme phénotype pour celui-ci, un repère visuel, une image extérieure.

Exemple notoire : le vide que laisse l’absence de la cathédrale à la place Saint-Lambert, le « trou de mémoire » comme l’appelle un philosophe.

Thèse 2 : La réaffectation des églises est palimpseste

 La réaffectation de bâtiments, y compris d’églises, est une tradition occidentale séculaire, aujourd’hui régénérée par les défis du développement durable. Ainsi la destruction simple de bâtiments encore salubres n’est pas facilement acceptable du point de vue de l’empreinte écologique. Lors de biennales aux Pays-Bas, on a pu observer des réaffectations d’églises en diverses utilisations dont des fermes. Cela répondait à des problèmes d’espace et rentrait dans des perspectives de développement durable.

Thèse 3 : Valeur d’usage

De nombreux lieux de cultes, dont la valeur patrimoniale est aujourd’hui  reconnue, ne doivent leur existence qu’à des réaffectations (Abbaye de Fontenay > patrimoine mondial ou encore les lieux de cultes du Mont Saint Michel). Il ne faut donc pas avoir peur de ces phénomènes de réaffectations qui sont anciens et qui peuvent offrir des solutions diverses et respectueuses des bâtiments.

Thèse 4 : Communauté et intérêt public

L’usage public à caractère socio-culturel d’un lieu de culte désaffecté est préférable à sa privatisation.

Exemple :

  • Immeubles, appartements
  • Salle de sport (cette utilisation permet de rentabiliser l’espace en hauteur)
  • Bibliothèque

Ce sont des exemples de réaffectation monofonctionnelle mais il en existe d’autres…

Thèse 5 : Patrimonialisation et participation

Les usages partagés, « de proximité », y compris religieux sont porteurs d’avenir, ils requièrent un changement de méthode et de mentalités.

Dans certains villages, cela reste le seul bâtiment qui a une fonction publique, un lieu fédérateur quand il n’y a plus de cafés par exemple où se retrouver. La réaffectation d’églises peut se faire par des biais de subdivisions plurifonctionnels : ensemble de bibliothèques, écoles de devoir, etc…

Cependant, il faudrait accepter qu’une église puisse accueillir des activités pour laquelle elle n’a pas été initialement prévue. Pour cela il faut des consultations participatives qui aillent du bas vers le haut, donc rencontrer les demandes et besoins réels des habitants et être à l’écoute de ceux-ci.

Dans ce sens, des expériences positives et moins positives se sont déjà vues ailleurs.

 

Intervention de Pierre-Yves Kairis – historien de l’art

Il ne faut pas se décourager par les désaffections de plus en plus en plus croissantes des églises. Toutefois son propos est qu’il est dommageable que ce soit le mobilier qui « trinque ».  Lors de certaines désaffections, que sont devenus les objets d’une valeur prestigieuse au niveau historique ? C’est une responsabilité du point de vue de l’histoire. Il y a des églises qui représentent un patrimoine culturel tel qu’elles ne pourraient rester que des églises et ne pas subir des désaffections moins judicieuses (ex. : Sainte-Croix à Liège). 

Face à ces dynamiques, apparait la nécessité d’une attitude pro-active, de la part des personnes les plus concernées, par rapport à tout ça. Le contexte est qu’il y a de plus en plus de désaffections d’églises. Qu’on aime ou pas ce phénomène, c’est une réalité. Et cela va se multiplier de manière exponentielle dans le futur. Au-delà de considérations d’attachements affectifs, le rôle du politique est d’alimenter la réflexion dans cette problématique.

L’intervenant donne alors des exemples ou les réaffectations n’ont hélas pas été respectueuses de la préservation de certains objets d’arts de valeur : une église où on a retrouvé le tableau du maître d’œuvre complètement détruit, ou encore en 1979, à l’église de Saint-Mongol où avec un grand mépris pour le patrimoine, certains objets d’arts ont même été brûlés ou enfin à Jamagne où une église a été détruite en raison de son manque de stabilité, il y a eu des ventes d’objets, or pour pouvoir vendre les objets appartenant à une église, il faut une autorisation gouvernementale et diocésaine.

En outre, dans certaines réaffectations, la conception liturgique et pastorale n’est pas vraiment respectée. Le mobilier est parfois détruit.

La réforme liturgique du concile Vatican II, n’a pas été si bénéfique que ça, également, dans la préservation efficace du patrimoine religieux. En revanche, dans les années 60, en Belgique, les ministres ont eu l’idée judicieuse de mettre sur place un inventaire complet du patrimoine religieux en Belgique. La Belgique est le seul pays au monde qui possède un système d’inventaire photographique du patrimoine religieux national. Cela peut servir de base aussi pour les autorités diocésaines. Cet outil est en outre une richesse à exploiter dans la réflexion qui concerne les réaffectations.

Cette photothèque permet de plus d’authentifier certains objets. Comme dans le cas d’un tableau disparu d’une église qui a été retrouvé chez un antiquaire. L’objet a pu être restitué à cette église sans dédommagement financier pour l’achat que l’antiquaire avait surement fait à des receleurs. Il n’y a pas du avoir de contrepartie financière parce que le patrimoine religieux est inaliénable, il est public et national.

L’orateur illustre encore son propos par l’exemple de la chapelle Vertbois à Liège (où se tient une commission pastorale) : les bas-reliefs sculptés de manière artistiquement originale ont été pourtant détruit en 2008. Certains tableaux lors de réaffectations peuvent être préservés en étant confiés à des communautés religieuses. En règle générale, le mobilier reste bien conservé tant que l’église reste une église. L’intervenant regrette qu’il n’existe pas de sélection artistique rationnelle des églises, à propos des réaffectations.

Déjà en 1900, un évêque, sur ce sujet, disait qu’il existe deux sortes de vandalisme : le vandalisme destructeur et le vandalisme restaurateur. Ainsi, le curé d’une église où on a récemment restauré une stature de Sainte-Catherine s’est exclamé en découvrant l’oeuvre modifiée : « Le restaurateur nous a transformé notre Sainte-Catherine en barbie de type moderne » (moins évident, en effet pour la dévotion).

Tous ces petits exemples témoignent d’un manque de respect pour le patrimoine religieux. « On ne fait pas n’importe quoi, n’importe comment ».

L’IRPAH (Institut royal du patrimoine artistique et historique), préconise la prévention auprès des personnes concernées, la conservation et l’information.

Dans certains pays, comme l’Italie et la France, des professionnels d’oeuvres d’arts spécialisés dans le patrimoine artistique et historique viennent en appui aux Fabriques d’églises (pour des éclairements, des diagnostiques, des conseils,…). Par exemple, pour donner des indications pratiques pour une bonne conservation des œuvres d’art lors des transports. Cela permet de partager différentes techniques pour ne pas prendre le risque de l’amateurisme.

Concernant les vols dans les églises, fermer les églises pendant la journée n’est pas la solution idéale selon l’orateur. Il trouve que c’est une alternative radicale. Les responsables de police témoignent, en outre, que la plupart des vols de ce type ont lieu justement quand la porte est fermée (mais quid du vandalisme). Ils conseillent plutôt de mettre un fond musical qui induit une présence…

Pour revenir à la disparité de certains objets religieux, parfois ce sont les Fabriques d’églises eux-mêmes, qui vendent ces objets. Comme dans une église où la fabrique a vendu un vieux calice pour réparer le toit avec les bénéfices car la commune leur avait dit qu’elle n’avait pas de fonds pour la réparation et qu’ils pouvaient vendre des objets…. Or, le patrimoine religieux est national. Cela pose donc un problème pour une commercialisation. Ce patrimoine religieux a été nationalisé  en octobre 1995. Pierre-Yves Kairis insiste sur le fait que la Belgique est un pays qui a une culture de tradition catholique qu’elle devrait assumer davantage.

Le dernier point qu’il souligne est l’aspect de la dévotion populaire dans certains cas par rapport à la préservation du patrimoine religieux. C’est ainsi que la statue de la vierge du 15 août à Liège traverse les rues de Liège, d’années en années, passant par de multiples mains. Cela entraine un conflit entre la conservation du patrimoine mobilier et l’exercice du patrimoine immatériel, culturel. Il y a alors des choix à faire.

 

Intervention du bourgmestre d’Etampuis

Penser l’église c’est aussi penser les évènements qui s’y déroulent, où feront-nous les communions, les baptêmes, ou célèbrerons-nous les mariages quand il n’y aura plus d’églises. Il y a aussi des questions de repères affectifs qu’il faut préserver dans chacune des localités.

Le bourgmestre d’Etampuis affirme qu’avant, il y avait 4 curés dan sa commune et aujourd’hui, il y en a 0, donc plus de « gardien » dans les 7 églises d’Etampuis. Ce bourgmestre attaché à cette problématique participe à chacune des réunions de fabriques d’églises. Il parle avec les gens pour mieux les comprendre et pour trouver des solutions qui aillent dans les mêmes directions. Il accorde de l’importance à la concertation aux fidèles, aux habitants à propos des églises. Il y lance une restauration tous les 2 ou 3 ans. Mais ces préoccupations de préservation sont confrontées aux déclarations de politiques régionales. Pourtant, pour lui, ces questions ne concernent pas que les pratiquants fidèles, les prêtres mais aussi l’ensemble de la population touchée par ces évènements de vie familiaux, les célébrations de communions etc…

Il préconise donc d’adopter une attitude pro-active par rapport à ces réaffectations afin qu’elles se passent au mieux de la préservation des lieux.

Madame Simonis préconise des états de lieux pour se rendre compte des conditions sanitaires etc…afin de classifier les églises à classer. C’est une proposition de décrets qui est suffisamment outillée.

Pour que certaines églises perdurent dans le temps et continuent d’accomplir leur mission, une stratégie pour ce bourgmestre est d’occuper ces églises en les faisant vivre à travers des activités mêmes connexes : concerts de musiques, représentations de théâtres pour les élèves. Comme ceci l’église conserve à côté de ces utilités cultuelles, des utilités culturelles et cela dans une osmose, une complémentarité. Le politique peut être un acteur essentiel dans le dialogue instauré de la gestion des églises. Pour cet intervenant maintenir les églises est capital pour garder ces lieux qui sont aussi des repères affectifs, culturels mais également des témoignages de l’histoire. Il y a un terreau chrétien qui n’implique pas que les pierres mais aussi les mains qui les ont façonnées.

 Clôture des exposés et débat.

Quelques questions posées

  • On a surtout parlé du patrimoine public religieux mais qu’en est-il du privé religieux ?
  • Comment concilier l’église à une utilisation plurielles ?
  • Est-ce qu’il y a toujours un culte à Sainte-Catherine à Bruxelles ?
  • Qu’en est-il d’ouvrir l’église à d’autres cultes ?
  • ….

Ø Quelques réponses

-       Il y a plusieurs facteurs qui nécessitent la réaffectation utile d’églises…. En cette période de crise économique, par exemple, il faut savoir ce que ça représente de chauffer une église….la diminution de la pratique est aussi un élément…la crise de la pédophilie a fait quelque peu tomber l’église de son piédestal…Il y a des réalités d’avenir à oser regarder…Cela représente un des grands défis patrimonial de ce début de siècle…Au Pays-Bas, sur les 45 000 clochers, 15 000 ont déjà été réaffectées (en ferme, en salles de sport qui utilisent au mieux l’espace en hauteur).

-       Concernant le partage avec d’autres cultes, les traditions ecclésiales ont façonné des structures spécifiques d’église. Bien entendu, il y a donc des différences architecturales notables : certains orthodoxes pourraient se retrouver dans l’architecture des églises catholiques  mais pas les calvinistes par exemple qui sont iconoclastes ni les musulmans par exemples qui également n’ont pas d’icônes. Donc les églises ont été inscrites de manière spécifique. Les lieux sont donc difficilement interchangeables. Il évoque le fait que le partage entre différents cultes ne serait pas adéquat car les lieux de cultes en sont pas des locaux polyvalents, il y a aussi un sens.

-       Pour la préservation du patrimoine, le spécialiste en histoire du patrimoine religieux est bien conscient qu’on perd toujours des choses du passé. Mais il serait intéressant d’avoir la culture de sélectionner et de critérier ce qui est essentiel. Si on essaie de tout conserver on peut risquer de tout perdre. On ne saurait pas arrêter le mouvement des désaffectations. Par contre, M. Kairis, ajoute qu’il existe déjà dans d’autres pays des conservatoires qui permettent de recueillir le patrimoine religieux mobilier qui doit être conservé. Et ces lieux d’accueil du mobilier possèdent des inventaires.

-       Par rapport à l’utilisation multiple des lieux de cultes. Ce phénomène date du concile de trente. Avant les lieux de prières n’étaient pas non plus « chimiquement pur », réservés exclusivement aux cultes. Il y avait du marchandage, on y égorgeait des moutons… Aujourd’hui, utiliser ces lieux de cultes pour des écoles de devoir réactualiserait cette pluri-fonction.

Cependant, une église, bâtiment signant aussi le paysage, doit avant tout permettre l’eucharistie. Et ce n’est qu’à la lumière de ce dernier critère qu’une utilisation polyvalente peut être pensée.

-       Un des intervenants rappelle un phénomène qu’il appelle « la réversibilité » de certaines pratiques. On ne peut pas s’approprier le devenir des groupes humains. Comme dans les exemples des chaussées où on a introduit à un moment quatre bandes et plus tard avec le constat d’accidents on est revenu à l’installation de dos d’ânes pour agir sur la diminution des vitesses ou le cas des trams qu’on a supprimés avant de vite les remettre dans certaines villes par nécessité ou encore ces petites gares que la SNCB a supprimées, mais se rendant compte de l’importance de la mobilité des transports en commun veulent en rétablir l’utilisation.

Quelques sources utiles :

www.KRIPA.be (le site de l’IRPAH) > des données peuvent servir pour l’inventaire annuel des fabriques d’églises ou pour les objets disparu > valable jusqu’en 2013 (10 historiens ont travaillé pendant 20 ans à cet inventaire).

On mettra en rapport avec ce qui précède cette information publiée par catho.be : de-plus-en-plus-dobjets-dart-sacre-voles-ou-vendus/

Commentaires

  • voici l'adresse internet de l'Institut Royal du patrimoine Artistique (IRPA) www.kikirpa.be
    vous pouvez collaborer à la mise à jour de la photothèque en signalant les objets déplacés ou disparus...

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