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Saint Marc, le plus grand reporter de l'Antiquité ?

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On le fête aujourd'hui : saint Marc, « l’évangéliste reporter »

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source : http://rouen.catholique.fr/IMG/pdf/Saint_Marc_l_evangeliste_reporter.pdf

Saint-Marc-l-evangeliste-reporter_article_popin.jpgAu cours de cette année liturgique, qui a débuté le 27 novembre 2011, les catholiques peuvent découvrir Marc, dont l’Évangile est lu chaque dimanche. Un Évangile de plus en plus apprécié par les fidèles d’aujourd’hui et qui incite à réfléchir sur l’identité de Jésus.

Alexandre Darmon : "Qui était Marc ?"

L’Évangile ne fournit aucune indication directe sur son identité. C’est pourquoi certains spécialistes renoncent à toute tentative d’identification. Selon la tradition, il s’agit de « Jean surnommé Marc » connu par les Actes des Apôtres. Marc n’a pas connu Jésus mais fait partie des premiers convertis au christianisme. Il est emmené par Paul et Barnabé lors du premier voyage missionnaire. Plus tard, Marc fut auprès de l’Apôtre Paul.

On sait, selon la tradition, qu’il a également été l’interprète de Pierre. « Il a dû rejoindre Pierre à Rome », raconte Frère Claude Coulot, exégète et professeur émérite à la faculté de théologie catholique de l’université de Strasbourg. Le franciscain s’appuie sur le livre "L’Explication des paroles du Seigneur" de Papias d’Hiérapolis : « Marc qui était l’interprète de Pierre a écrit avec exactitude tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n’avait pas entendu, ni accompagné le Seigneur mais plus tard, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses informations sans faire une synthèse des paroles du Seigneur. De la sorte, Marc n’a pas commis d’erreur en écrivant comme il se souvenait. Mais il n’a eu en effet qu’un seul dessein, celui de ne rien laisser de côté de ce qu’il avait entendu et de ne tromper en rien en ce qu’il rapportait. »

Selon la tradition, Marc serait mort martyr en 68 mais on ne connaît pas sa date de naissance. L’animal qui le symbolise est le lion ailé qui représente le courage et l’élévation.

Quand a-t-il écrit l’Évangile ?

L’Évangile selon Saint Marc est, de l’avis des experts, le premier en date. Il aurait été écrit vers 65. Claude Coulot soutient la théorie des deux sources « qui veut que Marc soit une des sources des évangiles de Matthieu et de Luc écrites entre dix et quinze ans plus tard » . La tradition donne Rome comme lieu de composition de l’écriture. Marc y aurait séjourné auprès de Paul et de Pierre. « L’étude du texte qui mentionne des circonstances de la vie, traduction de paroles araméennes, emploi de mots latins, usage de monnaies romaines, explication de coutumes juives, permet de justifier une telle hypothèse », indique Claude Coulot.

Comment se démarque-t-il des autres Évangiles ?

La place accordée aux disciples est l’une des particularités de l’Évangile selon saint Marc.
« Marc est l’évangéliste qui présente le plus souvent dans ses récits les disciples aux côtés de Jésus, confirme Frère Claude Coulot. Il y a toute une réflexion sur la condition de disciple dans l’Évangile de Marc, le fait de s’engager à la suite de Jésus. » Mais il soulève un paradoxe : « Les disciples manifestent toutefois vis-à-vis du maître une profonde incompréhension. Ainsi Jésus s’étonne de ce qu’ils ne comprennent pas la parabole du semeur (Mc 4, 13). Il est surpris de leur manque de foi (Mc 4, 40). Ils ne reconnaissent pas Jésus qui marche sur les eaux et le prennent pour un fantôme (Mc 6, 45-52). Jésus leur reproche de nouveau leur incompréhension après la seconde multiplication des pains (Mc 8, 14-21). Les disciples sont des personnes qui ont du mal à comprendre ce que dit Jésus ! Il doit tout expliquer… Il est alors aisé de percevoir que derrière les figures des disciples se profilent celles des chrétiens. »

Dans la première partie de l’Évangile, on voit Jésus avec la foule faire des miracles, puis
enseigner ses paraboles dont l’explication est donnée uniquement aux disciples. Dans la
seconde partie, les disciples n’arrivent pas à comprendre le chemin que Jésus doit prendre, et qu’ils devront prendre à sa suite. Pour Marc, tout n’est pas achevé avec la résurrection de Jésus, tout commence.

Autre élément distinctif dans l’Évangile selon saint Marc, le thème de la Passion. Il occupe 50 % du texte de Marc et seulement 20 % du texte de Luc. Marc se concentre sur la narration : à la vie du Christ, à sa personne. Ce sont les deux autres synoptiques, Matthieu et Luc, qui nous transmettent la majeure partie des enseignements du Christ. Marc, lui, veut surtout montrer comment Jésus, le Ressuscité, a dû lors de son ministère faire face à une opposition grandissante des autorités juives qui l’ont fait arrêter et condamner à mort par les autorités romaines.

En quoi est-il encore moderne aujourd’hui ?

Marc a reçu davantage de crédit à partir du XXe siècle. L’écriture est simple, les récits sont généralement brefs et en même temps imagés. De ce fait, il est sans doute plus accessible.
L’écrivain roumain Petru Dumitriu, auteur du livre "Comment ne pas l’aimer !" Une lecture de l’Évangile selon saint Marc (Cerf, 1997), le désigne comme étant le plus grand reporter
depuis l’antiquité.

Marc est l’évangéliste de l’homme moderne : « À travers son texte, d’une brièveté, d’une
simplicité extrême, mais génial d’expressivité, nous percevons le Christ, nous vivons auprès de lui. C’est pourquoi j’ose affirmer que, dans le monde moderne, désemparé, déchristianisé, irréligieux, Marc est la porte d’accès aux Évangiles. Il est le modeste introducteur à la personne et au message du Christ. » Et d’ajouter : « Marc n’est pas poète comme Jean, n’écrit pas en grec élégant comme Matthieu. Il commet des fautes de grec, des sémitismes et, curieusement, des latinismes (…). Il a le côté terre à terre, pourrait-on dire, qui est comme fait exprès pour faciliter à l’homme d’aujourd’hui l’accès à l’ensemble des Évangiles. »

De son côté, le franciscain Claude Coulot souligne l’importance du travail théologique chez Marc : « Il ne fait pas une biographie systématique de Jésus, mais développe une thèse de théologie. » Marc essaye de faire comprendre à des chrétiens comment celui qui se disait le fils de Dieu a pu être crucifié. La croix étant le supplice le plus honteux qui existait dans l’Antiquité, prêcher cela n’était pas évident. « C’est en cela que je dis que Marc est un théologien, indique-t-il. Marc n’entend pas relater les événements de la vie de Jésus tels qu’ils se sont passés et dans l’ordre selon lesquels ils se seraient passés. En revanche, il reprend les faits et gestes de la vie de Jésus puis les regroupe en parabole afin de faire réfléchir les chrétiens sur l’identité de Jésus. »

Conseil de lecture :

"L’Évangile selon Marc" de Camille Focant, Éd. du Cerf, coll. Commentaire biblique, Nouveau testament (n°2), 672 p., 56 €

Camille Focant, professeur émérite de la Faculté de théologie de l’Université catholique de Louvain, est l’auteur d’un ouvrage de référence concernant l’Évangile selon Marc. Pour l’auteur, Marc symbolise « le point d’interrogation » quand Matthieu est davantage dans l’affirmation. « Marc interroge régulièrement son lecteur, souligne Camille Focant. Cela peut expliquer son succès dans notre époque moderne où les gens se posent beaucoup de questions. Entrer dans le monde nouveau ne peut se faire sans être bousculé ! » Jésus est déroutant pour les autorités religieuses qui s’opposent à lui, mais aussi pour ses disciples qui glissent de l’étonnement à l’opposition, tout en restant à sa suite. Cet Évangile recourt fréquemment aux paradoxes ou aux contradictions apparentes : par exemple, entre le Jésus de la transfiguration « Celui-ci est mon fils bien aimé, écoutez-le ! » et le Jésus de la Croix qui dit « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi tu m’as abandonné » . Les disciples sont séduits par le personnage de Jésus mais vont manifester sans cesse de l’incompréhension, notamment « lorsqu’il leur annonce que le fils de l’homme devra souffrir » . Pierre s’indigne en lui disant que cela ne peut pas lui arriver. « Pour Pierre, celui qui a reçu l’onction de Dieu ne peut être crucifié , indique Camille Focant. Quelqu’un qui vient de Dieu n’a pas un destin de ce type ! Jésus réagit en disant : “Arrière Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu.” »

HUGUES-OLIVIER DUMEZ

Note à propos du "Messie" (H.-O. D.)

« Et vous, qui dites-vous que je suis ? Pierre répondit : Tu es le Messie. Alors il leur donna un avertissement : ils ne devaient rien raconter à son sujet. » Le disciple Pierre proclame sa foi (Marc 8, 29-30) mais Jésus ordonne aux disciples de ne pas l’appeler ainsi. Pourquoi cela ? Le mot « messie » est la transcription de l’hébreu mashiah qui signifie « celui qui a reçu l’onction d’huile ». Dans l’Ancien Testament, cette onction concerne les prêtres et les rois. « Une partie du monde juif souhaitait voir une intervention divine sous la forme d’un Messie qui libérerait du joug romain, explique Camille Focant. Cela pouvait prêter à confusion ! Jésus est le Messie dans un autre sens : il est l’envoyé de Dieu et cet envoyé doit passer par la croix. » Camille Focant donne sa lecture du thème du secret messianique, typique de l’Évangile de Marc : « Oui, Jésus est le Messie. Mais aucun titre ne peut être attribué à Jésus si on n’y intègre pas la perspective de sa Passion. Le Messie n’est pas compatible avec des idées de gloriole humaine mais uniquement avec la crucifixion. »

C’est à Alexandrie que saint Marc l’évangéliste termina son existence, il y fonda la première église chrétienne, et fut martyrisé après une dernière prédication. La légende veut que deux marchands vénitiens dérobèrent sa dépouille, au IXe siècle, et la transportèrent dans leur ville dont Marc devint le saint patron. La basilique qui porte son nom fut construite pour accueillir cette importante relique qui contribuera à légitimer l’autorité religieuse et politique de la Sérénissime, et son autonomie vis-à-vis de Rome, la ville de saint Pierre.

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