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Voulez-vous partir, vous aussi ? (21e dimanche du temps ordinaire)

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Vingt-et-unième dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6,60-69.
Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s'écrièrent : « Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter ! »
Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : « Cela vous heurte ? 
Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ?. . . 
C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. 
Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et celui qui le livrerait. 
Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » 
A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. 
Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » 
Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. 
Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. »

Le texte de l’homélie qui suit trouve sa source ici : carmel.asso.fr

Il fait référence à la première lecture, tirée du Livre de Josué, et à la deuxième (lettre de Saint Paul aux Ephésiens). Voir : levangileauquotidien

La première lecture et le texte de l’évangile que nous venons d’entendre nous décrivent une situation de crise où il faut poser des choix. Nous savons que chaque personne se révèle en vérité lors d’une mise à l’épreuve, d’une crise. Avant d’avoir traversé celle-ci, d’une certaine manière, on s’ignore, on ne se connaît pas vraiment. Jésus connaît bien cette réalité humaine, c’est pourquoi il ne redoute pas l’épreuve pour ceux qui prétendent le suivre.

D’une manière moins évidente, la seconde lecture, extraite de l’épître de St Paul aux Ephésiens, illustre aussi une situation de crise. Certes, une lecture féministe superficielle peut nous amener à juger ce texte comme rétrograde, voire scandaleux. Mais si on est attentif à ce que l’apôtre veut dire au couple chrétien, on n’y découvre la profondeur de la vocation conjugale. Si dans sa description du couple Saint Paul semble promouvoir une inégalité entre la femme et l’homme, ce n’est pas pour maintenir la femme sous une domination. En effet, la fine pointe du texte est de faire découvrir aux couples chrétiens qu’ils sont l’image du Christ et de l’Eglise. Or ce rapport du Christ et de l’Eglise est inégalitaire, c’est le Christ qui donne la vie, le salut aux hommes qui constituent son Eglise. De plus, le contexte culturel dans lequel écrit Paul l’amène à faire un parallèle presque naturellement entre cette inégalité spirituelle et celle de l’homme et de la femme à l’époque antique. Ce que veut signifier Paul aux chrétiens qui sont mariés, ce n’est pas que cette inégalité est normale, mais que l’union de l’homme et de la femme est l’image de l’amour du Christ pour l’humanité. Ainsi, la crise, que les couples chrétiens ont à vivre, est de passer de l’amour purement humain à l’amour humain assumé dans une vie de foi. Les couples chrétiens ne réaliseront leur vocation conjugale qu’en devenant l’un pour l’autre image du Christ, c’est-à-dire en aimant son conjoint comme le Christ nous a aimés. Et cela n’est possible qu’en abandonnant une manière exclusivement humaine d’aimer pour s’ouvrir à l’amour qui ait été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint.

En effet, l’Esprit du Seigneur habite déjà de notre cœur, l’Esprit Saint est l’amour du Père et du Fils et nous l’avons reçu à notre baptême, don renouvelé à la confirmation. C’est Lui qui nous donne de savoir aimer en vérité, c’est-à-dire de nous donner sans réserve et d’accueillir l’autre sans condition. Dans le « je t’aime » entre époux, dans notre désir d’aimer, il y a déjà une présence mystérieuse de Dieu qui fonde notre amour humain dans son amour divin. L’Esprit Saint en nos cœurs devient en nous, si on s’ouvre à lui, comme un éducateur de notre amour. Il enracine notre amour dans un amour toujours plus grand, il nous fait comprendre ce qu’est aimer et comment aimer. L’Esprit du Seigneur présent en nous peut transformer notre amour, qui est limité, dans l’amour immense de Dieu. C’est pourquoi l’Eglise croit à la possibilité de l’amour conjugal unique, fidèle, et fécond à l’image même de Dieu. Car l’Esprit Saint uni à notre esprit peut nous permettre d’aller infiniment au-delà de ce que nous pouvons concevoir de l’amour. Peu à peu, notre amour humain est conduit et transformé pour participer à l’amour même du Christ pour l’humanité, et par cette plénitude de l’amour du Christ, nous devenons participants de l’amour de Dieu.

Nous découvrons alors qu’un mystère nous habite, qu’il y a en chacun de nous quelque chose de plus grand que nous. Quand les époux échangent entre eux, quand ils se pardonnent, même quand ils se donnent l’un à l’autre charnellement, leur amour n’est plus simplement le leur, il est l’œuvre de Dieu et participation à l’amour de Dieu. Car en Jésus-Christ, Dieu nous a adressé une parole, il nous a pardonné, il s’est donné à nous comme l’époux de l’humanité. Il y a une véritable similitude entre la vie de Jésus, telle que nous la livrent les Évangiles, et l’amour conjugal. Jésus nous apprend à dialoguer, à pardonner, à donner sa vie et à porter du fruit. C’est pourquoi le couple est sacrement du Christ et de l’Eglise, car, dans sa perfection, l’amour conjugal met en lumière l’amour du Christ pour tout homme, et non pas par des discours, mais dans la vie quotidienne.

Pour durer, sans simplement se supporter, en s’aimant véritablement, le couple chrétien apprend à entrer dans ce chemin de l’amour oblatif. Si ce passage ne se fait pas, les époux pourront se dire, comme le Christ dans l’évangile, « toi aussi tu veux me quitter ? ». Il est important, il est vital que la crise se déclare, que le malentendu ne couvre pas sous la cendre, mais éclate au grand jour. Les époux, comme le Christ dans l’Evangile, pourront poser la question essentielle : « de quel amour m’aimes-tu ? » Ainsi chacun est amené à reconnaître en son propre fond ce qu’il a reçu de Dieu, ou ce qu’il ne veut pas recevoir.

Prise de conscience, douloureuse parfois, mais qui ne peut être éludée. Dans la vie conjugale, comme dans la vie chrétienne, Jésus ne cherche à retenir personne, il ne force aucune liberté. Au contraire, ses plus proches disciples, il les délie de tout ce qui aurait pu, à leur insu, les river à sa personne. Devant l’absurdité de sa chair à manger, c’est-à-dire l’absurdité du point de vue humain de l’amour qui nous amène à nous donner entièrement, Jésus pose la question de la fidélité pour que les disciples s’engagent en toute liberté sur ce chemin du don de soi. Pour rentrer sur ce chemin, nous devons découvrir la vérité de la réponse de Saint Pierre à Jésus : « Seigneur, vers qui pouvons-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Pour entrer et durer sur le chemin de l’amour offert et reçu, nous devons découvrir que ce chemin est pour nous le vrai chemin de la vie en plénitude. Qu’en fin de compte, ce qui nous paraît difficile est pour nous le chemin de l’apprentissage de l’amour véritable. Si nous refusions d’entrer, finalement nous serions les plus grands perdants en ne découvrant pas la grandeur et la profondeur de l’amour véritable.

Mais comment pouvons-nous savoir que nous pouvons participer à cet amour du Christ ? Nous en sommes tous trop loin pour y accéder de nous-même. Jésus nous le dit dans les Évangiles : C’est moi qui vous ai choisis et établis dans cet amour de Dieu. Ce n’est donc pas nous qui avons choisi de participer à l’amour de Dieu, mais nous découvrons ce cadeau de Dieu en nous, c’est-à-dire cette capacité en nous d’aimer et d’être aimé. Capacité qui nous rend plus heureux quand nous la mettons en œuvre. Et c’est pour cela que l’amour peut-être un commandement. Car le Christ nous demande de mettre en œuvre ce qu’il nous a déjà donné de pouvoir faire et ce qui nous rend heureux. Si Dieu nous commandait d’aimer sans nous en donner la capacité, ce serait un Dieu sadique. De même si cela nous rendait malheureux. Or notre Dieu n’est pas un Dieu sadique ! Mais parce que j’en ai la capacité, même si c’est difficile, et parce que c’est bon pour moi, le Seigneur nous donne le commandement de l’amour qui est la voie de notre réussite humaine. Nous aimons et cela nous réussit, nous sommes plus heureux en aimant, nous portons du fruit et un fruit qui demeure toujours.

Ainsi, les crises mettent en lumière non l’impossibilité de l’amour, mais l’origine divine de l’amour. Quand aimer devient difficile, il nous faut nous tourner vers Jésus, « À qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle ! »

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