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Une innommable exploitation des femmes pour satisfaire le besoin d'enfants

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Nous lisons sur la Nuova Bussola Quotidiana ces informations terribles sur l'exploitation des femmes que la misère conduit à vendre leur ventre pour porter les enfants des autres (traduction par nos soins). Cet article nous intéresse parce qu'il met en évidence l'exploitation de femmes vulnérables. Cependant, nous sommes plus réservés sur certains passages (que nous "zappons") où l'auteur s'en prend à "l'homosexualisme" avec des accents qui nous mettent mal à l'aise, non pas que nous trouvions normal le recours à la maternité de substitution par des couples de même sexe mais parce qu'il nous semble, qu'en tout domaine, il faut savoir faire preuve d'un jugement équilibré, de bon sens, et de sens des nuances.

"(...) Lors d'une visite de routine avec le Dr Manish Banker, une femme qui s'était rendue au Pulse Hospital s'est effondrée sur le sol. Premila Vaghela, qui était enceinte de huit mois, est décédée peu après. C'est arrivé en mai dernier, à Ahmedabad, région pauvre et agitée du centre-ouest du Gujarat, en Inde. Le Dr Banker est un privé spécialisé dans les FIV (fécondation in vitro). 

Premila était l'une de ces mères porteuses, femmes pauvres qui offrent leur appareil reproductif pour de l'argent à de riches couples étrangers (américains, taïwanais, arabes, européens, singapouriens, et aux Indiens eux-mêmes des classes les plus riches), femmes qui, en substance, loueront leur utérus pour y implanter un ovule fécondé. Ce phénomène, appelé tout simplement par les anglophones "maternité de substitution" est à présent un enjeu important pour la société indienne, ainsi que pour la culture libérale américaine. Comme pour tout autre phénomène économique dans le cadre du marché globalisé, à une demande spécifique des «consommateurs» de l'Upper West Central Park (la région des riches New-Yorkais) ou de Californie, répond une offre ad hoc des travailleurs délocalisés du tiers monde, ici à Anand, dans le Gujarat, la capitale mondiale de la maternité de substitution, où les couples étrangers investissent leur argent pour produire leur propre progéniture. Ahmedabad, la ville où se déroule l'histoire de Premila n'est pas loin de là. 

Premila est morte, mais pas avant d'avoir achevé sa misérable besogne. L'histoire de sa  très brève hospitalisation est importante, car elle met en évidence (renversement fou par rapport à la culture de l'avortement) la valeur de la vie d'une femme par rapport à celle d'un enfant qui n'est pas le sien, mais un produit, grassement payé, destiné à d'autres. Premila, s'est écroulée au Pulse Women’s Hospital - un établissement privé qui gère les mères porteuses - et a été immédiatement transportée à l'unité de soins intensifs prénataux, où ils ont enlevé le bébé par césarienne. Plus tard, après avoir constaté ses graves problèmes de santé, Premila. a été envoyée dans un autre hôpital, l'hôpital Sterling. Les rapports officiels de l'hôpital constatent son état désespéré au moment où cette femme a subi une grave crise cardiaque; les tentatives de réanimation ont été infructueuses. Premila laisse un mari et deux fils. Le bébé, mis au monde pesant 1.75 kg, a été mis en couveuse. On ignore si le couple des riches Américains anonymes a finalement reçu livraison de la commande qui a coûté la vie à Premila. Le Dr Banker a donné les informations nécessaires à la police qui, au moment de la tragédie avait promis une enquête. mais il semble qu'aucun dossier n'ait été ouvert pour ce cas.

Récits sans espoir du colonialisme biologique 

Coolie est un vieux mot, une appellation méprisante par laquelle les colons anglais désignent les indigènes des terres colonisées. Le mot semble dériver de frais; les coolies étaient les serviteurs munis de grands éventails qui accompagnaient les Anglais élégants à travers les canicules entre Asie et Afrique. Le mot, qui est considéré comme très offensant dans l'Inde indépendante, est brutalement réapparu dans le discours public: on décrit mères porteuses comme des coolies biologiques, pratiquement des esclaves biologiques. Cela signifie que les modalités concrètes de ce phénomène font penser à l'esclavage, ou peut-être même à une servitude plus dangereuse et plus humiliante. Beaucoup évoquent un "colonialisme bioilogique", un retour à l'impérialisme des pays riches, de forme invasive qui atteint son sommet dans l'exploitation de l'utérus de la femme indigène. Le Herald de Sydney , dans un article consacré à celle-ci le 7 septembre, évoque l'indifférence de nombreux «clients» à l'égard des mères porteuses de leurs enfants que, souvent, ils ne veulent même pas rencontrer. «J'aurais voulais battre un gay qui m'a demandé, après que son fils est né, où il pourrait trouver une nounou,» a déclaré au journal le gynécologue Anita Nayar. "Il voulait que son enfant bénéficie de la protection immunitaire que procure le lait maternel, comme si les Indiens étaient les esclaves de plantations dont on fait le tour pour s'occuper des enfants." 

Les détails juridiques, économiques et sociaux du phénomène donnent raison à ceux qui utilisent le terme «esclavage». Même s'il avait conscience d'en avoir le droit, le mari de Premila ne peut pas poursuivre l'hôpital pour obtenir une indemnisation. L'accord de "subrogation" signé par elle, comme tous les autres, met à l'abri les médecins et les couples étrangers de toute complication avec la mère porteuse, en spécifiant que son mari assumera tous les risques, médicaux, financiers et psychologiques. Le Herald de Sydney explique encore que «les contrats précisent que si une mère est atteinte d'une maladie mortelle à la fin de la grossesse, elle sera maintenue en vie par des moyens  artificiels pour protéger la qualité du fœtus et pour assurer la naissance de l'enfant en bonne santé pour le compte des parents génétiques." Le Dr Banker affirme que le couple américain a payé spontanément un million de roupies à la famille des Premila. 

"Le montant de la somme est hors de propos» tonitrue Kishwar Desai, une écrivaine indienne qui vient de publier un roman sur le sujet intitulé Origines de l'Amour. Avec Desai, on a une des premières réactions intellectuelle à la propagation de ce phénomène, lit-on encore sur le quotidien populaire britannique The Guardian. "Combien d'autres femmes comme Premila n'avons-nous pas entendu? Personne ne veut écrire sur la mort d'une pauvre femme", rapporte un quotidien australien. L'écrivaine est irritée par le fait que l'Inde est devenue l'eldorado de la maternité de substitution. 

L'industrie de la maternité de substitution vaudrait aujourd'hui, deux milliards et demi de dollars, avec la production de quelque chose comme 25.000 enfants par an. L'armature du système est très éloquente: aux cliniques, s'ajoutent les recruteurs, les avocats pour les contrats, les lieux où les cliniques ont tendance à faire vivre ensemble des femmes enceintes, les hôtels qui accueillent les parents étrangers qui viennent pour vérifier l'état de votre commande ou «retirer» le produit prêt à être livré. La clientèle est majoritairement américaine, mais on dit que la moitié des cas impliquerait des Indiens de la classe supérieure: le cas le plus notoire, délibérément diffusé par les médias, est celui d'une de stars de Bollywood (...). Dans la clientèle de plus d'un millier de cliniques du sous-continent, il y a des Australiens, des Taiwanais, des Singapouriens et des Européens. Le groupe dont l'augmentation est la plus sensible est constitué par les gays occidentaux. 

Une étude réalisée par le Centre for Social Research (CSR) à New Delhi est sortie en avril dernier et est intitulée La maternité de substitution: éthique ou commerciale ? Elle commence par communiquer des données et des épisodes vraiment inquiétants. Ranjana Kumari, directeur du centre, a déclaré: "Nous avons trouvé une femme qui avait subi 25 cycles de FIV. Une autre a été forcée d'avoir quatre embryons implantés à la fois, en contradiction avec la pratique internationale qui n'en prévoit qu'un ou au maximum deux. Du document que l'on peut consulter en PDF sur la toile, il ressort que beaucoup de mères porteuses sont invitées à signer un contrat, mais qu'elles n'en reçoivent aucune copie. Un grand nombre d'entre elles ont trois ou quatre enfants qu'elles tentent de faire vivre en recourant à deux ou trois grossesses de substitution. Elles sont confinées des hôtels où elles ne peuvent recevoir de visites de leur mari ou de leurs enfants dans le cas où ceux-ci auraient contracté des maladies. Dans le cas où un enfant naît "défectueux" (il faut vraiment s'habituer à ce jargon des affaires car il s'agit d'un vrai commerce) la femme n'est pas payée. Etant donné que que le risque de  malformation lors de la fécondation in vitro est deux fois supérieur à celui des fécondations naturelles, cela signifie que beaucoup de mères porteuses ne sont pas payés à la fin de la gestation, et en ce qui concerne le sort du «déchet» qu'est l'enfant, on aimerait le connaître mais on n'a aucune information à ce sujet pour le moment. Enfin, il y a le contexte social qui incite la femme à se prêter à la maternité de substitution : c'est souvent le mari avec des problèmes d'alcool, un mari qui gaspille, un mari qui a besoin d'un capital de départ pour démarrer une entreprise. Une fois que le capital sera épuisé (ce qui arrive souvent), elle procédera à une nouvelle grossesse pour des tiers. La directrice de la CSR Ranjana Kumari n'a pas peur de déclarer à la presse australienne: «Notre étude montre qu'il se constitue une véritable mafia de trafiquants; les femmes sont repérées dans des endroits éloignés par des agents de recrutement dans le seul but de gagner de l'argent. La vulnérabilité des pauvres est exploitée. "

Les Indiens commencent à se poser des questions au sujet de cette commercialisation de la maternité. Un pays qui n’a pas de lui-même une large perception de l'étranger, commence à se demander pourquoi l'Inde doit offrir un service qui est un crime ailleurs. Mais plus encore: les images des femmes enceintes sur panneaux d'affichage des cliniques, désormais si répandues, offensent de plus en plus les gens conscients du fait que ces femmes sont souvent parquées ensemble dans des dortoirs qui ressemblent beaucoup à de l'élevage de bétail : baby-factories, fabriques de bébés, usines d’enfants. Il n'est pas rare, en effet, que le contrat prévoie la séparation temporaire de la femme fécondée de sa famille afin d'éviter tout risque de relations sexuelles avec son mari, et la transmission de maladies vénériennes qui peuvent affecter la qualité du produit, c'est à dire de l'enfant de substitution.             

LE COÛT DE LA VIE: PUBLICITÉ : une des sources qui dévoile en détail l'histoire de Premila est l'article écrit à chaud dans le Times of India, disponible sur le site Web d'Indian Head. En faisant défiler la page vers le bas je tombe sur des annonces Google occupant les espaces où des annonces automatiques sont censées être en rapport avec les intérêts de l'utilisateur à partir de son profil et des mots-clés Internet pour cette page spécifique. Eh bien, cette fonction sans moralité de l’algorithme me conseille des sites tels que le Centre de FIV de New Delhi (répondant aux normes internationales avec un bon taux de succès. Donateurs et maternité de substitution). J’en recommande aussi d'autres de ce type, certains ont comme extension de domaine. Ru (Russie) ou. Gr (Grèce). Mais c’est oneinsix.com qui attire mon attention ; le titre : « La maternité de substitution et la gestation pour autrui coûte 26,500 $ en Inde ». Sur ce site, qui est nu et moche, la clé pour payer avec Paypal est bien visible, puis, sur la page «coût», un texte, dans un anglais plein de fautes grammaticales typique de certains Indiens : «En 2005, la maternité de substitution coûtait 12.000 $. Aujourd'hui, les mêmes cliniques payent 35.000 dollars. C’est un suicide économique que de reporter ou de retarder votre traitement sans nécessité », écrit insidieusement le site. « Deux cliniques offrent aujourd’hui la maternité de substitution pour 26.000 dollars, prix de juin 2012. Ces cliniques procurent pour ce prix une maternité de substitution comprenant un dépôt pour la livraison du bébé. » Quand on pense à des êtres humains traités comme de la marchandise, on a du mal à imaginer que l'on puisse être aussi explicite. Le site continue en énumérant ce qui est inclus dans le prix: «recrutement et examen de la mère porteuse, préparation de la mer porteuse, notes d’honoraires des cliniques pour le cycle de la FIV, les médicaments et les injections en fonction de la dose, le remboursement de la mère porteuse, la chambre et la pension pour les 9 mois de grossesse, les travailleurs sociaux [sic], l'assurance, la provision pour l'hôpital en cas d'urgence… » La liste est incohérente, imprécise et effrayante. Plus bas, dans une section intitulée tout simplement «l'Occident», le site, avec les erreurs grammaticales habituelles, atteint des sommets d’ignominie: «Une autre zone d’inquiétude est qu’on nous dit que nous vivons dans l'arnaque à l’anglaise. Les lois du gouvernement limitent le nombre d'embryons implantés chez une femme à trois (...) et ils veulent maintenant réduire les embryons à un! (...) En Inde, où l'on peut implanter une moyenne de 4-6 embryons, et plus encore, le coût est nettement inférieur par embryon. » Suivent les comptes arithmétiques du prix d'un embryon, et la critique méprisante de ceux qui osent parler d '«exploitation». 

A l’acheteur, on donne de nombreuses options pour personnaliser le produit final : «Si la donneuse de l'ovule ne répond pas à vos requêtes concernant les apparences, etc., vous pouvez passer des annonces pour une donatrice d’ovocytes dans le journal Times of India. En 2005, le coût de l’annonce était de 600 $ dans une douzaine de villes, une fois par semaine pendant deux mois. Une donneuse d'ovules s'attend à un paiement allant jusqu'à 50.000 roupies. » Nous faisons regarder que c’est sur le Times of India, qu’est paru l'article de journal sur la mort de Premila par lequel nous avons commencé. Il semble que, face à cette tragédie flagrante, l'ensemble du système social indien (autorités, médias, intellectuels) est de connivence sinon complice. Un examen attentif de l'éventuel coût de la maternité de substitution en Amérique (120.000 dollars, d’après le site), que l’on condamne parce que « comme toujours en Amérique, une grande partie de l’argent va à l'agence et aux médecins », pousse à de nouveaux calculs en faveur de la commodité du recours à des utérus indiens grâce à oneinsix.com. Mais il y a plus: «Si vous aviez la possibilité d'implanter 6, 9 ou plusieurs embryons à la fois, ne sauteriez-vous pas sur une telle possibilité? Bien sûr, vous auriez le risque de naissances multiples, mais elles peuvent être réduites de façon sélective. » Maternité de substitution, hyper-implantation d’embryons, élimination d’embryons, avortement sélectif: fermer la page (...)

 

L’ultra-prostitution et le Far West biologique : jusqu’à quand ?

 

Les médecins indiens, qui sont en train de s’enrichir comme collabos autochtones de cette nouvelle colonisation ovarienne, réagissent avec rage aux critiques qui commencent à s’élever du côté de l’opinion publique et des milieux politiques indiens. En Inde, les partis de gauche existent et se font entendre, tout comme il existe une grande liberté de presse dans le sous-continent. Ainsi, l’industrie de la « surrogacy » commence à se défendre avec des paradoxes ridicules mais parfaitement légitimes aux yeux d’une certaine mentalité du Tiers-Monde : dans les baby-factories, nous disent-ils, les mères porteuses mangent de la nourriture saine pour la première fois de leur vie, et reçoivent également des visites médicales et des soins qu’elles n’auraient jamais pu se permettre si elles avaient été enceintes de leurs « propres » enfants. De même, il est intéressant de noter que certaines réactions de rage de médecins et de mères porteuses à l’endroit des premières critiques mettent en avant le fait que les féministes sont souvent « non-mariées » (quelque chose de suspect pour la culture civile indienne, qui est encore solidement fondée sur le mariage, surtout arrangé).

 

Il se pourrait que les jours de ce Far West biologique, de cet Eldorado de la post-humanité, soient comptés. Il était impensable que passe inaperçu un phénomène social monstrueux comme celui-là, dans lequel la valeur du corps et, dans le cas de Premila jusqu’à la vie même de la femme, contrairement à n’importe quelle théorie féministe, est réduit au point que les naissances adviennent la plupart du temps par césarienne, selon les billets d’avion des « commanditaires » étrangers qui arrivent en Inde pour la « livraison » du produit humain, le nouveau-né.

 

Une ébauche de loi de la part des autorités indiennes existe.  Elle s’intitule Artificial Reproductive Technology Bill, c’est-à-dire « proposition pour la technologie de reproduction artificielle ». Cela fait trois ans que le parlement doit en discuter : on imagine qu’un marché de deux milliards d’euros aura ses lobby dans la très démocratique et « braquée sur le fric » New Dehli (rappelons que « lakshmi », l’argent, est une déesse à laquelle on peut se vouer, et non un « excrément du démon »). (...)

 

En outre, selon ce texte, les femmes étrangères qui voudraient utiliser des utérus indiens devraient fournir la preuve médicale de leur stérilité : exit Sarah Jessica Parker, ces femmes en pleine carrière en veine de maternité extra-corporelle et les "too-posh-to-push". Le texte donnerait encore à la justice indienne le pouvoir de poursuivre pénalement un couple qui refuserait l’enfant succédané né « défectueux », interdirait aux indiennes en dessous de 21 et au dessus de 35 ans de devenir mères porteuses, empêchant la subrogation au-delà de la cinquième grossesse incluant les enfants naturels.

 

Comme nous le disions, la loi n’a même pas encore été discutée, elle est « pending », en attente, depuis plus de trois ans. Mais la question ne regarde pas seulement l’Inde. Il s’agit d’une affaire (dans tous les sens du terme) globale. 

Commentaires

  • Pourquoi cet article sort-il justement le 13 janvier ? N'y aurait-il pas été plus sain d'alarmer bien avant ? Vous faites de l'amalgame. La situation ne provient pas de personnes "homosexuelles" dans la plupart des cas. Certains couples "hétéros", en besoin d'enfant(s), qu'il faut en partie comprendre, tentaient tous les moyens, y compris les illégaux ... de pouvoir satisfaire leurs attentes de progéniture ! Pour le bien des enfants ? Ne vous trompez pas de cibles !

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