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Belgique : retour sur l'euthanasie de jumeaux de 45 ans

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« Pacte de mort » et euthanasie de jumeaux de 45 ans

source IEB (NL)

Eddy et Marc Verbessem, de vrais jumeaux (monozygotes), étaient nés sourds. Inséparables et restés célibataires, ils ont toujours vécu sous le même toit. Ils ont été euthanasiés ensemble, à leur demande, le 14 décembre dernier à l’UZ Brussel (Clinique universitaire) de Jette. Ils avaient 45 ans. 

Leur demande d’euthanasie trouve son origine dans le diagnostic d’un glaucome, une maladie dégénérative du nerf optique qui peut conduire à la cécité. D’après nos informations (difficiles à vérifier), ils souffraient d’une anomalie génétique en vertu de laquelle ils deviendraient progressivement mais, semble-t-il, irrémédiablement aveugles. Cette perspective, jointe à l’idée de perdre leur autonomie, leur était insupportable. 

L’affaire a été présentée par certains médias comme une première. Il n’était pas encore arrivé que deux frères demandent et obtiennent ensemble l’euthanasie. Par contre, des couples avaient déjà été euthanasiés ensemble. 

Est-on en dehors du cadre de la loi relative à l’euthanasie ? 
Pas nécessairement. Il est probable que toutes les conditions de la loi étaient formellement réunies. On peut penser qu’ils ont formulé  une demande volontaire, répétée et sans pression extérieure. Ils ont fait état d’une maladie incurable et d’une souffrance psychique insupportable. Celle-ci résulte en réalité, ici, de l’anticipation de la souffrance future associée à la cécité et à la perte d’autonomie. Quant aux autres conditions, on peut supposer qu’elles ont été satisfaites : informations diverses à fournir, consultation d’un second médecin, etc. 

Les jumeaux n’étaient pas en phase terminale… 
Le grand public est surtout choqué ou interpellé, en particulier à l’étranger, par le fait que les deux jumeaux n’étaient pas en phase terminale. Il faut toutefois rappeler que la loi belge permet aussi l’euthanasie lorsque le décès n’est pas prévu à brève échéance. Dans ce cas, deux conditions s’ajoutent à celles déjà énoncées. Tout d’abord, il y a lieu de consulter un autre médecin indépendant, psychiatre ou spécialisé dans la pathologie concernée. En l’occurrence, un psychiatre de l’équipe du médecin qui a euthanasié les jumeaux aurait été préalablement consulté.  Ensuite, un mois de réflexion au moins doit s’écouler entre la demande écrite du patient et l’acte d’euthanasie. 

Le ver est dans le fruit
Il reste que cette affaire suscite un malaise. Pourquoi ? Tout se passe comme si, insensiblement, l’euthanasie en venait à représenter la réponse humainement la plus digne dans des situations de souffrance. La loi belge est conçue et interprétée en termes si larges que l’euthanasie et l’assistance médicale au suicide apparaissent acceptables dès l’instant où l’intéressé en formule librement la demande.  Il faut une maladie incurable. Certes, mais la liste des maladies incurables est pratiquement infinie (diabète, rhumatisme, arthrose…). Il faut faire état d’une souffrance physique ou psychique insupportable. Certes, mais la notion de souffrance psychologique est laissée à l’appréciation subjective de l’intéressé. En outre, on l’a dit, l’euthanasie est permise même si le décès n’est pas prévu à brève échéance. Au total, le dispositif légal est pratiquement taillé sur mesure pour autoriser l’euthanasie sur simple demande volontaire et répétée de tout qui souffre de maux divers, de solitude ou de lassitude de vivre… A mesure que diminue le seuil de tolérance à l’égard de la maladie et de la souffrance, l’euthanasie risque bel et bien de se banaliser.  

Cette affaire interpelle car elle met la médecine et la société au défi d’imaginer les manières d’accompagner les personnes en souffrance sur les chemins de la vie, et pas seulement sur la voie de la mort. 

Il est certain que nous assistons déjà, dans les faits, à une banalisation de l’acte euthanasique en Belgique. La preuve en est qu’à l’époque où la loi fut discutée et adoptée, une majorité de parlementaires estimaient que la société n’était pas prête à admettre l’euthanasie des mineurs et des déments. Aujourd’hui, par contre, des hommes et femmes politiques de plusieurs partis considèrent que l’heure est venue de franchir ce nouveau pas. A leurs yeux, la population est désormais prête à accepter ce qu’elle aurait réprouvé dix ans plus tôt. Difficile de nier que l’euthanasie et le suicide assisté se banalisent effectivement… Est-ce la manière dont la société entend rencontrer la détresse et la souffrance des personnes vieillissantes ou fragilisées par la maladie ou un handicap ?

Voir également : http://www.corrispondenzaromana.it/six-lessons-from-death-in-belgium/

Commentaires

  • Mais dans quel pays et dans quelle société vivons-nous ? Seuls les riches, les beaux et les bien portants y seront-ils encore acceptés, considérés comme dignes d'y vivre ? Car enfin, tout un chacun, qui ne se considère pas comme assez riche, assez beau ou assez bien portant, pourrait donc déclarer à un médecin ou psychiatre belge qu'il en souffre trop et en conclure que sa vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Et tout médecin ou psychiatre belge pourrait proposer une "solution finale" à ce mal-être exprimé, lorsque son art de guérir ou de soulager ne pourra plus proposer d'autres solutions. Dans quel genre de pays vivons-nous, quand des praticiens de l'art de guérir et de soulager deviennent en même temps, et dans la foulée, des praticiens de l'art de tuer ceux qui ne désirent plus vivre - ou qu'on ne désire plus voir vivre - ?

    La vie humaine n'aurait-elle plus de valeur et de sens que pour ceux-là pour qui tout semble aller bien, pour une élite chanceuse et bien née ? N'y a-t-il donc plus moyen de faire quelque chose de sa vie, de faire du bien autour de soi, si l'on n'est pas riche comme Crésus, ou beau comme Apollon, ou en pleine santé comme Hercule ? Dans cette société belge, on conserverait donc par exemple en vie un habile escroc, riche et en parfaite santé, mais on euthanasierait ses victimes honnêtes, qu'il a mis sur la paille et qui en souffrent. Heureux les riches, les beaux, les bien portants, le Royaume de Belgique est à eux.

    Le pire, c'est que les adeptes de l'athéisme, notamment ces élites qui font toutes nos lois, trouveront tout cela normal, il n'y a même pas moyen d'en discuter avec eux. En effet, ils professent le dogme que ce monde et la vie n'ont aucun sens ni aucune valeur par eux-mêmes. Ils considèrent donc qu'ils peuvent en faire ce qu'ils veulent. Ils se veulent donc maîtres de la vie et de la mort, ils ne veulent ni Dieu ni Maître. Comme si c'était eux-mêmes qui avaient créé le monde et la vie. Déjà qu'ils sont frustrés de n'avoir pas pu décider eux-mêmes de leur propre vie, Il n'est pas question de les empêcher de décider eux-mêmes du moment de leur propre mort.

    Il me semble que ces lois de suicide assisté sont aussi une gifle pour les très nombreux Belges malades ou handicapés qui ont décidé, malgré leur maladie ou leur handicap, de faire quelque chose de leur vie, de continuer à faire du bien autour d'eux, selon leurs moyens. On peut même dire que c'est une gifle à la majorité des Belges, car qui peut dire honnêtement que tout va très bien dans sa vie, qu'il n'a pas des raisons objectives d'en avoir marre, d'être accablé, de trop souffrir, de ne plus voir de solution à certains maux ou certains problèmes.

    Et comment expliquer tout cela aux enfants belges, qui sont déjà trop souvent traversés par des idées de suicide dans cette société si désespérante ? Au lieu de leur donner ou de leur rendre espoir dans la vie, on les enfonce dans ces idées en leur faisant miroiter bientôt des solutions ad hoc. Déjà que la Belgique se dépeuple, que les Belges n'acceptent plus de mettre assez d'enfants au monde, pourquoi faut-il en plus favoriser, chez ceux qui sont nés malgré tout, les idées de désespoir face à la vie et de "solution finale" ? En Belgique, après avoir éliminé en masse les enfants "non désirés", va-t-on proposer d'éliminer aussi les enfants qui ne désirent plus leur propre vie ? C'est un pays sans avenir ce pays qui ne veut plus d'enfants ou qui ne leur donne aucun espoir dans la vie, comme si celle-ci était absurde, n'avait aucun sens ni finalité.

  • Nous sommes bel et bien sur la pente glissante des dérives auxquelles il fallait s'attendre face à cette loi mortifère. Il suffira bientôt à un ado déprimé de demander à être "euthanasié" pour ne pas envisager une forme violente de suicide (comme se jeter sous un train, par exemple). Est-ce la manière dont la société entend "aider" nos jeunes fragilisés psychologiquement ?

  • " Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" !
    Sait-on ce que nous aurions fait à leur place ?

    Vous dites dans l'article : " Le grand public est surtout choqué ou interpellé, en particulier à l’étranger, par le fait que les deux jumeaux n’étaient pas en phase terminale."

    Une grande partie du public ? Ce n'est pas ce que je perçois !

  • Merci de nous rappeler que nous n'avons pas à juger la personne. Toutefois, nous pouvons juger cet acte de donner la mort comme étant un mal.
    Nous pouvons aussi nous questionner, chacun, comment accompagnons-nous nos malades, nos parents âgés ? Quel investissement de VOLONTE mobilisons-nous pour poser un regard d'amour sur la personne fragile et atteinte d'un handicap ?
    Les personnes que nous sommes, sont des êtres de relation; c'est donc fondamentalement à ce niveau-là que tout se joue, en commençant par notre propre mentalité. Nous pouvons décider aujourd'hui de nous émerveiller face à la fragilité portée ensemble pour rendre la souffrance supportable.
    Par cercles concentriques, notre engagement peut être contagieux: famille, voisins, travail, amis, bénévolat...
    C'est à une véritable prise en charge des plus vulnérables que nous sommes appelés pour lutter contre la PESTE de l'euthanasie.

    Certains lieux d'accueil pour patients en soins palliatifs offrent cette qualité d'accueil parce que des bénévoles s'y donnent.
    Pour 15 lits, 90 bénévoles, en plus des soignants!

  • @ jacques d... Vous dites « " Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" ! Sait-on ce que nous aurions fait à leur place ? »

    Ainsi pour vous, aucun acte ne serait mauvais, puisqu'il suffirait de s'imaginer à la place de quelqu'un pour comprendre et admettre son geste, quel qu'il soit ? D'ailleurs, personne ici ne juge ces deux frères, avec leur angoisse, leur désespoir et leur incapacité à imaginer d'autres solutions. On ne sait tout simplement pas « se mettre à leur place ». On juge simplement que cette société et ses lois sont mauvaise et ne répondent pas comme il faut à l'angoisse et au désespoir de ces deux frères. Ou pire, qu'elles alimentent et renforcent leur angoisse et leur désespoir.

    En outre, vous ne nous donnez pas votre avis argumenté sur cette loi légalisant l'euthanasie, le suicide assisté par un professionnel de la médecine et remboursé par la collectivité. Il me semble que vous vous contentez précisément de "juger" ceux qui ne sont pas d'accord avec cette loi et ses conséquences sur la société. Contestez nos arguments tant que vous voulez, mais ne vous contentez pas de nous "juger".

  • Sans prendre parti pour le cas d'euthanasie concerné par l'article, essayez, ne serait-ce qu'une journée complète, de :
    1) mettre des lunettes qui vous empêchent de voir quoi que ce soit ; 2) de placer dans vos deux oreilles un "bouchon" suffisamment performant que vous ne puissiez entendre AUCUN son ! Et vous verrez !

    Je prends parti pour l'euthanisie ? Nenni, mais il y a une législation qui définit clairement les conditions pour y arriver! Ces deux jumeaux avaient une espérance de vie assez importante ! A leur place, vous auriez dit : "Laissez-nous encore vivre durant 40 ans sans pouvoir "voir" et "entendre" ...
    Laissez-nous devenir totalement dépendants ..." ?

  • @ jacques d... Mais nous sommes tous "dépendants" de notre état de santé, physique ou psychologique, et nous sommes tous "dépendants" les uns des autres. Que diriez-vous alors aux très nombreuses personnes qui sont sourdes et aveugles, ou qui sont même plus gravement handicapées, et qui décident de vivre pour apporter encore un peu de bien autour d'elles, dans la mesure de leurs capacités ? Leur diriez-vous qu'elles sont stupides, qu'elles n'ont rien compris de la vie et que la mort vaudrait bien mieux ? Il n'y a rien de plus "dépendant" qu'un petit bébé, et pourtant il n'y a rien qui puisse apporter plus de bonheur autour de lui. Le fait d'être dépendant n'enlève rien à la dignité et à la qualité de vie d'un être humain. C'est l'orgueil de ne jamais se vouloir dépendant de quoi que ce soit (ni Dieu, ni Maître) qui blesse la dignité de l'homme.

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