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Aimer c'est préférer (13e dimanche du temps ordinaire)

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Lu ici (archive 2013) ce commentaire de l'évangile du 13e dimanche du "temps ordinaire" :

Aimer, c'est préférer 

Tout renoncement tire sa force de l’amour qui le précède. On ne refuse jamais rien dans l’apesanteur, on refuse parce qu’on préfère. Refuser telle ou telle chose n’est possible que lorsqu’il y a un bien plus précieux, plus cher à notre cœur qui donne la vigueur à notre choix.

Si les Samaritains refusent d’accueillir le Christ car il a les traits du pèlerin montant à Jérusalem, la ville dont ils nient le caractère sacré, leur refus dit clairement : nous préférons notre tradition locale à des devoirs d’hospitalité, nous préférons notre particularisme à l’alliance du peuple élu.

Si le Christ monte avec courage et résolution à Jérusalem, où il subira la Passion, son refus d’une vie tranquille et plaisante n’est qu’un revers de son désir ardent. Il désire la gloire de son Père et notre salut. C’est la puissance de ce désir qui lui donne de laisser derrière lui tout ce qui a trait à une consolation trop humaine. Jésus préfère le Royaume des cieux aux royaumes de la terre, il préfère la tendresse du Père à l’adulation du tentateur, il préfère notre salut à sa propre vie. Tout renoncement est fort de l’amour qui le fonde. Tout amour est une préférence.

Il est aisé d’entendre que nous sommes appelés à aimer Dieu. Nous sommes prêts à le faire. Mais à quelques conditions. Il nous est facile d’aimer Dieu si seulement c’est un amour parmi d’autres. Dans ma vie il y a moi, il y a mon travail, mes projets, mes amitiés, ma famille. Dans ma vie il y a aussi Dieu. Parfois il est très présent : lorsque j’en ressens un besoin vif et impérieux, je prie, je lis l’Ecriture, je vais à la messe. Parfois nos relations se font plus distantes, j’ai d’autres chats à fouetter, j’ai d’autres préoccupations : la prière m’apporte peu, l’Ecriture m’ennuie, la messe – je suis pour, lorsque l’occasion se présente et lorsque son style me convient. Un jour peut être je renouerai une relation plus intense, plus profonde avec Dieu. Aujourd’hui je largue quelque peu les amarres, j’ai d’autres horizons à explorer !

Cela ne marche pas. Dieu est un amant jaloux. Il ne se contente pas de peu. Il n’accepte pas d’être aimé, il exige d’être préféré. Le Seigneur de l’Alliance est un feu dévorant, il ne supporte pas d’être traité en costume de dimanche, que l’on sort du placard pour certaines occasions. Le Dieu de la Bible s’impose. L’aimer, c’est le préférer.

Dans la page d’Evangile que nous venons d’entendre, l’exigence – rude et radicale ! – du Christ s’adresse à tout homme qui veut le suivre. Je te suivrai partout où tu iras ! – le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. Nul ne peut refuser le confort et le bien-être s’il ne voit pas un bien plus grand : l’amitié, la solidarité, le salut de l’âme l’exigent. Pourquoi un enfant du pays aisé part-il en coopération dans un lieu rude et austère ? Parce qu’il a saisi qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Parce qu’il a vu que servir c’est régner, que posséder c’est souvent être dominé par ses possessions.

Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. Nous avons quelque chose à donner au monde. Ce quelque chose est bien plus grand qu’un simple accompagnement de ses misères : « Le monde va vers le mort, nous l’accompagnons avec dignité et compassion ». Non. Il ne s’agit pas de suivre l’agonie. Il s’agit de donner le Verbe de Vie. Il s’agit de faire rencontrer Celui qui est la Résurrection et la Vie. Il s’agit d’annoncer le Règne de Dieu et non pas se lamenter sur les malheurs du monde. Nous, les catholiques nous sommes très tentés de nous enfermer dans notre tour d’ivoire et de pleurer sur le déclin du christianisme dans nos contrés (ce qui ne nous empêche nullement de bénéficier de tous les biens de la modernité que nous snobons par ailleurs). Il nous faut préférer la parole vivifiante de Dieu au pessimisme morbide du monde. Les pleureurs ne manquent pas, les témoins de l’Evangile, si !

Il nous faut préférer d’avancer, le regard tourné vers le Royaume, plutôt que de s’éterniser dans les adieux à ce que nous quittons. Surement, toute conversion exige des sacrifices : cela est vrai pour tout chrétien, pas pour quelques super héros de la vie spirituelle. Préférer trouver sa joie à labourer le champ du Seigneur, le champ de notre vie, plutôt que de s’extasier devant son propre renoncement nous donne une liberté et une sérénité incomparables.

Préférer Dieu à tout le reste – chaque chrétien y est appelé. Affirmer le contraire, c’est faire de la sainteté, et donc du salut, l’apanage de quelques êtres extraordinaires. Cette sainteté est certes exigeante, mais souvenons-nous que tout renoncement que nous aurons à faire n’a pas d’autre source que l’amour infini de Dieu pour nous.

fr. Pavel Syssoev, op

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