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Des franciscains dans la tourmente

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Yves Chiron, dans la lettre d'informations religieuses Aletheia (n°204), revient de façon circonstanciée sur l'affaire des Franciscains de l'Immaculée durement touchés par une décision romaine pourtant approuvée par le pape François :

LES FRANCISCAINS DE L’IMMACULEE DANS LA TOURMENTE

Le 2 avril 1970, à Frigento, près de Naples, dans un couvent, dédié à Notre-Dame du Bon Conseil, que les Franciscains conventuels voulaient fermer, naissait à l’initiative de deux religieux, les PP. Stefano M. Manelli et Gabriele M. Pelletieri, et avec l’accord de leurs supérieurs, un nouveau style de vie communautaire selon l’esprit franciscain sous le signe de la pauvreté, de la pénitence et de l’esprit marial. 

Aujourd’hui la Congrégation des Franciscains de l’Immaculée compte des centaines de membres sur tous les continents.

Il y a six ans, suite au motu proprio libérateur de Benoît XVI (promulgué le 7 juillet 2007), la congrégation commençait à adopter de manière habituelle – mais non obligatoire – le rite traditionnel de la messe.

Suite à une visite apostolique commencée il y a un an, la Congrégation pour les religieux (Congregatio pro Institutis vitae consecratae et Societatibus vitae apostolicae) a pris un décret plus qu’étonnant. Il est daté du 11 juillet dernier – mais le texte n’en a été connu que quelques jours plus tard. Ce décret nomme un Commissaire apostolique – qui appartient à l’ordre des Capucins – pour diriger les Franciscains de l’Immaculée jusqu’à la réunion de leur prochain Chapitre général et impose le rite ordinaire de la messe (rite de Paul VI) pour tous les membres de l’Institut, sauf autorisation expresse du Commissaire.

Cette double décision/sanction a beaucoup surpris d’autant plus qu’elle frappe une congrégation en pleine croissance et qui n’a pas été touchée par les scandales qu’ont connus d’autres congrégations. Le décret a reçu l’approbation formelle du pape François.

L’historien italien, et excellent vaticaniste, Sandro Magister a résumé en deux lignes, sur son site (www.Chiesa, 29 juillet 2013), l’événement du 11 juillet 2013 : « Sur un point névralgique – la messe selon le rite ancien –, Ratzinger en a permis la célébration à tous. Bergoglio l’a interdite à un ordre religieux qui la préférait ». La journaliste et écrivain italienne Cristina Siccardi a dramatisé encore davantage l’événement en publiant sur son site (www. Riscossa cristiana, 31 juillet 2013) un article intitulé : « Les Franciscains de l’Immaculée sur la voie des martyrs des Saints de l’Eglise ».

Plutôt que de commenter l’événement d’après d’autres commentaires, je crois utile de donner aux lecteurs français d’abord le texte même du décret de la Congrégation pour les religieux, puis les analyses d’un jeune historien italien de mes amis, Fabrizio Cannone, auteur de deux livres brillants (1) et qui connaît bien, depuis dix ans, les Franciscains de l’Immaculée.

Y.C.

 

(1) La democrazia in Giovanni Paolo II, Vérone, edizioni Fede e Cultura, Verona, 2008 et Pio IX. "Il Papa scomodo", Milan, Ares, 2012.

 

I. Le décret du 11 juillet 2013

CONGREGATIO PRO INSTITUTIS VITAE CONSECRATAE ET SOCIETATIBUS VITAE APOSTOLICAE

PROT. N. 52741/2012

Decreto 

La Congregazione per gli Istituti di vita consacrata e la Società di vita apostolica, attese le considerazioni formulate nella Relazione presentata dal Rev.do Mons. Vito Angelo Todisco a conclusione della Visita Apostolica disposta con decreto del 5 luglio 2012, al fine di tutelare e promuovere l'unità interna degli Istituti religiosi e la comunione fraterna, l'adeguata formazione alla vita religiosa e consacrata, l'organizzazione delle attività apostoliche, la corretta gestione dei beni temporali, ha ritenuto necessario nominare un Commissario Apostolico per la Congregazione dei Frati Francescani dell'Immacolata con le conseguente attribuite dal diritto particolare ed universale al Governo Generale del citato Istituto religioso. 

Atteso che la suddetta decisione il 3 luglio 2013 è stata oggetto di approvazione in forma specifica a norma dell'art. 18 della cost. ap. Pastor Bonus dal Santo Padre Francesco, con il presente decreto si nomina il Reverendo P. Fidenzio Volpi O.F.M. Cap. Commissario Apostolico ad nutum Sanctae Sedis, per tutte le Comunità e i sodali della Congregazione dei Frati Francescani dell'Immacolata.

Nell'espletamento delle sue mansioni, il Rev.do P. Volpi assumerà tutte le competenze che la normativa particolare dell'Istituto e quella universale della Chiesa attribuiscono al Governo Generale. 

Sarà inoltre sua facoltà avvalersi, se lo riterrà opportuno, di collaboratori scelti a sua discrezione e da lui nominati previo assenso di questo Dicastero, a cui potrà chiedere il parere quando lo riterrà necessario. 

Il Rev.do P. Volpi ogni sei mesim, dovrà informare questo Dicastero del suo operato, inviando una dettagliata relazione scritta circa le dicisioni adottate, i risultati conseguiti e le iniziative che riterrà utili realizzare per il bene dell'Istituto. 

Infine, spetterà all'Istituto dei Frati Francescani dell'Immacolata sia il rimborso delle spese sostenute da detto Commissario e dai collaboratori da lui eventualmente nominati, sia l'onorario per il loro servizio. 

In aggiunta a quanto sopra, sempre il 3 luglio u.s. il Santo Padre Francesco ha disposto che ogni religioso della Congregazione dei Frati Francescani dell'Immacolata è tenuto a celebrare la liturgia secondo il rito ordinario e che, eventualmente, l'uso della forma staordinaria (Vetus Ordo) dovrà essere esplicitamente autorizzata dalle competenti autorità per ogni religioso e/o comunità che ne farà richiesta. 

Nonostante qualunque disposizione contraria.

Dato dal Vaticano, l'11 luglio 2013 

Joao Braz Card. de Aviz, Prefetto 

José Rodrìguez Carballo, O.F.M., Segretario


II. Entretien avec Fabrizio Cannone

1. Avant d’évoquer le décret du 11 juillet, pouvez-vous nous présenter brièvement la congrégation des Franciscains de l’Immaculée, ses origines et son apostolat ? 

La Congrégation des Frères Franciscains de l’Immaculée a été fondée en 1970 par deux prêtres franciscains conventuels, le P. Stefano M. Manelli (né le 1er mai 1933 à Fiume, au nord-est de l’Italie) et le p. Gabriele M. Pellettieri (né le 11 juin 1940 à Vaglio di Basilicata, dans le sud). Cette congrégation a été approuvée, selon le droit diocésain, par l’archevêque de Benevento, Mgr Carlo Minchiatti, en 1990. Le 1er janvier 1998, par volonté de Jean-Paul II, elle a été reconnue de droit pontifical. 

Dans l’histoire et les péripéties des différentes réformes franciscaines, leur particularité est d’avoir ajouté un 4e  vœu aux trois vœux traditionnels de religion : le vœu dit de consécration illimitée à la Vierge Marie, suivant en cela le charisme marial de saint Maximilien Kolbe. Un autre élément typiquement ”kolbien” est le zèle pour la conversion des âmes et l’apostolat à 360 degrés : les Franciscains de l’Immaculée, qui aujourd’hui comptent environ 400 religieux dans plus de 50 maisons, ont fondé des stations de radio et de télévision dans différentes parties du monde, ils gèrent plusieurs sites internet et ils ont publié auprès de leur maison d’éditions, Casa Mariana Editrice, des dizaines d’ouvrages de spiritualité et de formation catholique. Ils se signalent aussi par le nombre et la qualité de leurs publications périodiques, notamment Annales Franciscani (revue annuelle d’histoire et de spiritualité franciscaines), Immaculata Mediatrix (revue internationale de mariologie, qui œuvre pour une définition dogmatique de la Corédemption de Marie), les Quaderni di Studi Scotisti (revue de philosophie et de théologie), et Il Settimanale di Padre Pio (revue de dévotion et d’apologétique). 

Entre temps est née la branche féminine de l’institut, les Sœurs Franciscaines de l’Immaculée, érigée de droit pontifical la même année que les Frères (en 1998) et qui compte plus de 400 religieuses. En 2006 se sont agrégées aussi à l’Institut les Clarisses de l’Immaculée, qui ont trois couvents en Italie. Enfin certaines Sœurs de l’Immaculée ont aspiré à vivre dans une plus stricte clôture et ce rameau a sa maison-mère dans le monastère Santa Chiara delle Murate à Città di Castello, en Ombrie. Les laïcs qui veulent suivre le charisme franciscano-marial de la communauté sont regroupés dans une sorte de tiers-ordre, la MIM (Missione dell’Immacolata Mediatrice), qui est une Association publique de fidèles, organisée en cénacles et guidée par les prêtres de la congrégation. L’Institut dans ses branches masculine et féminine est présent sur tous les continents, mais plus particulièrement en Italie et aux Philippines.

2. Quelles sont les conséquences concrètes du décret du 11 juillet ?

Sur les conséquences concrètes du décret, un canoniste expert serait plus à même de répondre. On constate qu’il y a la volonté de retirer aux autorités actuelles, y compris au Supérieur général et fondateur, le P. Stefano M. Manelli, la direction de la congrégation. Un Commissaire a été nommé, il guidera la  communauté jusqu’au Chapitre général qui se tiendra à Rome en 2014 et qui, certainement, renouvellera les charges internes à l’Institut, à partir de l’organe décisionnel le plus élevé qui est le Conseil Général. La chose qui a stupéfait beaucoup de gens et qui a suscité le plus de commentaires est l’interdiction de célébrer la messe selon la forme extraordinaire du Rite romain, appelé aussi, dans le décret du 11 juillet, Vetus Ordo (”Ancien ordo”). Depuis le motu proprio Summorum Pontificum (2007), on pensait communément qu’une disposition aussi générale contre un droit reconnu aussi clairement ne pouvait plus être prise. Tous les amis de la communauté, que je connais et fréquente depuis 2003, savent qu’avant le motu proprio de Benoît XVI aucun prêtre de la congrégation ne célébrait la messe avec le Missel de 1962. Depuis la ”libération” de 2007, beaucoup, et même certainement la majeure partie des prêtres, des séminaristes et des sœurs de l’Institut ont commencé à apprécier la messe traditionnelle, la sentant profondément en harmonie avec le charisme propre de leur fondation, charisme qui est non seulement apostolique mais aussi ascéticopénitentiel. Par ailleurs, les Franciscains de l’Immaculée, avec un grand équilibre, dans tous leurs couvents, sauf ceux de vie strictement contemplative (comme l’ermitage d’Amandola, dans les Marches), célèbrent habituellement, depuis 2007, sous les deux formes liturgiques. Aussi, la prohibition du rite traditionnel contenue dans le décret paraît étrange et insuffisamment motivée.

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