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«Le risque de l'athéisme anonyme menace aussi les chrétiens»

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Le cardinal Scola demande de regarder le monde positivement, en abandonnant les jugements et les lamentations. Il annonce aussi l’assouplissement/le désengorgement de la Curie de Milan.  

ANDREA TORNIELLI (merci à EW pour sa traduction)

http://vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/27706/

La lettre pastorale s’intitule  « Le champ, c’est le monde. Chemins à parcourir à la rencontre de l’humain», elle est caractérisée par un regard positif sur le monde et sur ses changements et représente jusqu’à aujourd’hui la tentative la plus significative de syntonie avec le nouveau pontificat de la part de l’un des plus grands diocèses italiens. 

Dans la lettre pastorale du cardinal de Milan Angelo Scola, publiée ce lundi, les critiques réalistes sur l’état de fatigue des Eglises européennes ne manquent pas : «  La situation sociale, politique et religieuse de l’Europe montre toutes les rides du visage d’une mère qui a porté pendant des siècles, parfois avec arrogance, le poids de la complexité toujours croissante de l’histoire. Les chrétiens eux-mêmes en partagent la responsabilité. » Et nonobstant quelques signes encourageants de résistance « Il faut l’admettre avec franchise – écrit Scola –, même parmi les chrétiens de Milan, le risque existe, d’une sorte d’ « athéisme anonyme », c’est-à-dire de vivre dans les faits comme si Dieu n’existait pas. Une lassitude qui se perçoit particulièrement dans la « condition des générations intermédiaires. » 

Mais la nouveauté la plus remarquable de cette lettre réside dans le regard positif sur le monde qu’elle propose. Le monde, c’est le « champ de Dieu », à l’origine de la réalité, il y a l’ « initiative bonne d’un Autre » et, par conséquent – explique le cardinal en paraphrasant le Pape François - , il faut « se laisser surprendre par Dieu. » Le « « monde » a une dimension positive irréductible : il est le fruit de la grâce » de l’amour de Dieu. Un amour qui « nous précède toujours et ne peut être vaincu par aucun mal ! ».

Méditant sur la parabole du grain et de l'ivraie, Scola invite les chrétiens à reconnaître que le mélange du bien et du mal, de l’ouverture et de la fermeture au projet bénéfique de Dieu « est présent dans le cœur de chacun de nous », que ce n’est pas réservé seulement aux autres. Et donc, même s’il faut distinguer le bon grain de l'ivraie «  le jugement portant sur la liberté des hommes n’est pas notre fait, mais celui du Père, qui guide l’histoire du monde ».   

Dès lors, « ce n’est pas à nous de juger de manière définitive, de condamner sans appel » les autres, les éloignés, « parce que le chemin de la vie s’accomplit seulement à la fin et la liberté peut toujours se repentir. La miséricorde de Dieu est patiente et ne cesse jamais de solliciter la réponse de l’homme ».  Le regard ne doit donc pas se concentrer d’abord sur l'ivraie, sur le mal, mais sur le bien qui est à l’origine, sans s’avancer « sur les sentiers de la condamnation, des lamentations et du ressentiment ».

Le regard des chrétiens doit être patient. « Ni naïf, ni irénique, pas plus qu'en connivence avec le mal ; mais patient, telle la patience miséricordieuse de Dieu. Une patience capable de devenir, comme par Jésus, émotion profonde. Il est impressionnant – observe Scola – de constater combien de fois, dans les Evangiles, on note que les pécheurs ne s’éloignent pas mais, au contraire, se rapprochent de Jésus ». 

« Le Fils de l’homme sème le bon grain dans le champ qu’est le monde. – écrit l’archevêque de Milan – Cela signifie que tout ce qui est de l’homme et tous les hommes sont interlocuteurs du Christ. » Comment, dès lors, faire passer le message que la foi est un don à la portée de tous ? Comment dépasser la méfiance, qui s’est insinuée chez tant de personnes, à l’égard de la foi et de l’Eglise ? Ce sont les questions que les chrétiens de Milan sont invités à se poser. 

Scola aborde trois domaines. Le domaine affectif : « Les personnes demandent à être aimées définitivement pour pouvoir aimer définitivement… Le malheur des affections auxquelles ont ne peut se fier infeste le champ comme l'ivraie, bien qu’il ne réussisse pas à asphyxier le désir du « bel amour » ». Ensuite, le domaine du travail : « Aujourd’hui, la situation est tellement dramatique qu’elle décourage tout discours qui ne trouve son origine dans la dénonciation et la protestation. Et cette alarme est pleinement motivée ».

Il faut «des choix politiques et des décisions législatives qui tendent à favoriser une reprise économique capable d’offrir des perspectives d’emploi à tous. » Même si «  la faim du travail peut induire la censure d’autres aspects comme, par exemple, le risque que s’instaurent des formes de précarité et d’exploitation injustifiées, que l’on néglige la sécurité, que l’on évite de se poser des questions quant à la qualité éthique de ce qu’on produit, que certains pouvoirs soient incontrôlés – comme cela se passe souvent dans la finance - , capables de décréter le bien-être ou la pauvreté, allant jusqu’à la misère, de beaucoup, sans devoir en rendre compte à personne. » Enfin, il y a le contexte du repos, expérience « contaminée par les tentations de l’individualisme et de la transgression ».  

Les chrétiens ne doivent pas se construire « à part », mais bien se confronter à tous et sur tout, comme l’a enseigné le cardinal Martini. Et l’attention « ne doit pas se porter sur nos actions, mais sur le bon grain que le semeur, Jésus, a jeté. Au cœur de la crise de foi que traverse notre temps, il y a souvent – observe le cardinal – la perte, ou du moins l’affadissement, de la conscience de la gratuité de la rencontre avec le Christ, qui nous précède et nous attend toujours ». Il ne s’agit pas « d’un projet, et encore moins d’un calcul. Pleins de gratitude, les chrétiens entendent « restituer » le don qu’ils ont reçu sans mérite particulier et qui, pour cette raison, demande à être diffusé avec la même gratuité ». 

Le témoin, «quand, il est authentique, accorde toujours une place à son interlocuteur et à toutes ses questions, quelles qu’elles soient… Il ne récite évidemment pas des théories ou un concentré de, mais il vit des mêmes questions que son interlocuteur doctrines , puisqu’il est immergé dans le même champ : le monde. » Et les chrétiens, se tenant à distance de tout projet hégémonique, «  ne cherchent pas la victoire de leur camp ».

La suite concerne davantage la situation particulière du diocèse de Milan.

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