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François-Xavier, un compagnon de Jésus très abouti (3 décembre)

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Photo44.jpgUne homélie du père Rondet à l'occasion de la saint François-Xavier (source).

« Allez, de toutes la nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du père, du Fils et du Saint Esprit(…) Et moi, je suis avec vous tous les jours » (Mt.28,19).

Il n’est peut-être pas dans toute l’histoire de l’Eglise d’homme qui ait vécu plus intensément cette parole d’Evangile que François-Xavier. Mais évangéliser toutes les nations n’est pas une tâche facile, nous le savons bien aujourd’hui et il ne suffit pas de le désirer généreusement pour le réaliser. Xavier va en faire la rude expérience.

Parti d’Europe avec les idées de son temps, il va se heurter au sud de l’Inde à des mondes entièrement nouveaux : un Islam compact, un bouddhisme dévotionnel très présent et ce qu’il n’avait pas prévu des chrétiens portugais dont l’exemple et la conduite vont se révéler comme le principal obstacle à la conversion des païens. Habitué à un monde où cité et religion s’appuient, il ne cherchera pas à entamer l’Islam, par contre, il essaiera de regrouper les nouveaux chrétiens en communautés autonomes soustraites à l’influence des portugais. Un peu comme feront plus tard les Jésuites au Paraguay avec les réductions, mais cette stratégie a ses limites et ne tient pas assez compte de l’universalité du salut en Jésus-Christ.

La découverte du Japon va être pour Xavier le lieu d’une conversion apostolique radicale. Il ne se trouve plus en face de populations pauvres et sous développées en qui il pouvait facilement voir, selon la théologie de son temps, des prisonniers de Satan qu’il fallait libérer. Il a en face de lui des hommes cultivés, formés par une sagesse séculaire, vivant un humanisme, différent du sien, mais réel. Des hommes curieux de connaître son message, mais qui vont le discuter point par point : si Dieu existe et s’il a créé le monde par amour pourquoi le mal et surtout comment peut-il admettre un enfer éternel pour ceux qui, sans faute de leur part, n’ont pas été baptisés. Et les japonais pensent à leurs parents qu’ils vénèrent et aux sages qui les ont formés. Toutes questions auxquelles la théologie que Xavier a apporté avec lui n’offre aucune réponse. Il comprend alors qu’il lui faut, comme autrefois Ignace, se remettre à l’école, non plus celle de la scolastique médiévale, mais celle du cœur, celle de l’Esprit qui , depuis les origines, est à l’œuvre dans la création du Père. Il recherchera alors dans l’héritage culturel du Japon les semences du Verbe, comme le firent autrefois les Pères de l’Eglise pour la sagesse antique. Comme le lui fit dire magnifiquement Patrice Hadjadj « J’allais leur montrer l’embouchure, je viens pour épouser leurs sources. »

Il aime ces hommes et rien ne l’arrêtera dans son désir de leur révéler Jésus-Christ. Il pressent que la clef de leur humanisme est en Chine, il ira jusqu’en Chine ne désespérant pas de convertir l’empereur de ce grand pays unifié. Et c’est là, aux portes de ce pays tant désiré, que Dieu lui demandera de tout remettre entre ses mains : sa vie (il meurt épuisé), son œuvre, les compagnons qu’il espérait revoir.

Un homme attachant dans son audace et sa fragilité. Il affrontera des périls inouïs, méprisant toute prudence humaine, mais cette force lui vient, toute entière de sa confiance en Dieu. C’est par obéissance qu’il va de l’avant, n’ayant en vue que la croissance du Royaume, il sait dès lors que Dieu est avec lui et ne lui manquera pas.

Cet homme qui va au bout du monde, qui croisera sur sa route des milliers de visages, on pourrait le croire prisonnier de son rêve d’universalité, indifférent aux rencontres personnelles. Or il va se révéler l’homme des amitiés profondes, celle d’Ignace qui l’accompagnera dans tout son périple, celle de ses compagnons d’Europe à qui il écrit des lettres débordantes d’affection fraternelle, celle de convertis qu’il s’efforce d’attacher à sa mission. Supérieur des Jésuites d’Asie, il aura souvent à trancher dans le vif, mais il le fera toujours avec le souci d’aider les personnes à grandir dans leur vocation. On a dit de lui qu’il était le saint de l’amitié et c’est vrai, même si ce n’est pas ce qui vient spontanément à l’esprit quand on pense à lui.

Ce voyageur infatigable est aussi un vrai contemplatif. La pensée du Christ l’accompagne partout. Sa prière est continuelle, elle est vraiment la respiration de sa vie d’apôtre et de Compagnon de Jésus jusque dans son agonie solitaire sur la plage de Sancian.

Xavier, celui qui a peur-être le mieux incarné le visage du Compagnon de Jésus qu’Ignace avait tracé dans les Constitutions de la Compagnie. En tout il est allé jusqu’au bout, jusqu’au bout de la terre, mais surtout jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au bout de la confiance et c’est ce message qu’il nous laisse à tous.

Homélie du Père Michel RONDET, sj, à l’occasion de la fête de Saint François Xavier à Grenoble en 2012

 

Lettres de saint François-Xavier à saint Ignace de Loyola (source)

Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile !

Nous avons traversé des villages de chrétiens qui s’étaient convertis il y a quelques années. Aucun Portugais n’habite en ces lieux, car la terre y est extrêmement stérile et pauvre. Faute de prêtres, les chrétiens qui y vivent ne savent rien d’autre que dire qu’ils sont chrétiens. Ils n’ont personne pour dire la Messe ; ils n’ont personne pour leur enseigner le Credo, le Pater Noster, l’Ave Maria et les Commandements de Dieu.

Lorsque je suis arrivé dans ces villages, je les ai tous parcourus activement et j’ai baptisé tous les enfants qui ne l’étaient pas encore. C’est pourquoi j’ai fait enfants de Dieu une grande multitude de petits enfants qui, comme on dit, ne savaient pas même distinguer leur droite de leur gauche. Les enfants m’assiégeaient tellement que je ne trouvais le temps ni de dire mon office, ni de manger, ni de prendre du repos ; il fallait absolument que je leur enseigne des prières ; je commençai alors à comprendre que c’est à eux qu’appartient le Royaume des Cieux.

Je ne pouvais refuser sans impiété une si sainte demande. Je commençais leur instruction par la confession du Père, du Fils et du Saint-Esprit, puis par le Credo, le Pater Noster, l’Ave Maria. J’ai reconnu en eux de grandes ressources ; s’ils avaient quelqu’un pour leur enseigner les préceptes du christianisme, je suis sûr qu’ils deviendraient de très bons chrétiens.

Des foules ici manquent de devenir chrétiennes, faute d’hommes qui se consacrent à la tâche de les instruire. Bien souvent, il me prend envie de descendre vers les universités d’Europe, spécialement celle de Paris, et de crier à pleine voix, comme un homme qui a perdu le jugement, à ceux qui ont plus de science que de désir de l’employer avec profit : « Combien d’âmes manquent la gloire du ciel et tombent en enfer à cause de votre négligence ! »

Quand ils étudient les belles-lettres, s’ils voulaient étudier aussi le compte que Dieu leur demandera pour le talent qu’il leur a donné ! Beaucoup sentiraient peut-être le besoin de s’engager alors à des exercices spirituels qui les mèneraient à découvrir la volonté divine, après avoir renoncé à leurs propres inclinations, et à crier à Dieu : « Seigneur, me voici. Que voulez-vous que je fasse ? Envoyez-moi où vous voudrez, oui, même chez les Indiens. »

(Lettres du 28 octobre 1542 et du 15 janvier 1544,
texte original espagnol dans : Epistolae S. Francisci Xavierii aliaque ejus scripta , éd. G. Schurhammer, s.j., et I. Wicki, s.j., t.I M.H.S.J., 67 Rome 1944, pp. 147-148 et 166-167).

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