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Le drame de l'humanisme chrétien

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La défaite de la pensée catholique

Par Guillaume de Prémare, chronique prononcée sur Radio Espérance – le 6 décembre 2013 (via Liberté Politique)

Le dernier ouvrage d’Alain Finkielkraut – L’Identité malheureuse – est en tête des ventes dans la catégorie Essais. C’est une bonne nouvelle parce que Finkielkraut est un intellectuel inquiet, qui recherche la vérité et se trouve bien malheureux de trouver si peu de semblables pour partager cette quête avec lui.

DEPUIS LONGTEMPS déjà, il s’inquiète de l’avenir de la pensée. Il a écrit La Défaite de la pensée il y a près de trente ans, décrivant le processus barbare de déconnexion de la pensée et de la culture, pour conclure dramatiquement que « la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie ».

Ce zombie, qui est-il ? L’homme asservi aux pulsions de la consommation et de la publicité ? Certes… Mais plus profondément, le zombie est peut-être celui que Finkielkraut nomme « l’homme démocratique ». Je cite L’Identité malheureuse : « Affranchi de la tradition et de la transcendance, l’homme démocratique pense comme tout le monde en croyant penser par lui-même, il ne se contente pas d’adhérer au jugement public, il l’épouse jusqu’à ne plus pouvoir le discerner du sien propre. »

Le vide de pensée de « l’homme démocratique » est ainsi le fruit d’un affranchissement. Ah l’affranchissement ! Voici, disait-on, la condition de l’avènement irrépressible de l’âge adulte de l’humanité. Pour cet homme adulte, la transmission des générations est un encombrant conditionnement ; et insupportable l’idée qu’il puisse y avoir quelque chose au-dessus de lui, de plus grand que lui et qui ne lui appartient pas. La tradition et la transcendance sont incompatibles avec sa quête : le culte narcissique de lui-même.

Le drame de l’humanisme chrétien

Intellectuellement, la pensée catholique dominante a été défaite dans ce mouvement historique. Défaite parce qu’elle s’est elle-même – au moins partiellement – privée de la tradition et de la transcendance, pour proclamer à son tour « le culte de l’homme ». En validant le projet de l’homme moderne, la pensée catholique s’est rendue inutile à l’homme moderne. « Tu reconnais la validité de mon culte — ricane ce dernier —, eh bien ce culte n’a pas besoin de Dieu, il n’a donc pas besoin de toi. Libre à toi de célébrer aussi le culte d’un Dieu mort ; cette survivance de l’enfance de l’humanité m’indiffère ».

Et quand la pensée catholique ordinaire et horizontale se trouve contrainte — en dernier recours — de se référer — quand même ! — à la tradition et à la transcendance, c’est l’incompréhension. Impardonnable blasphème car cela revient nécessairement à faire vaciller l’autel que l’homme s’est dressé à lui-même ; cet autel dont l’humanisme chrétien s’est fait le bien imprudent thuriféraire. Ici se noue le drame de l’humanisme chrétien.

La grandeur de la tradition

L’homme moderne n’a pas principalement besoin que la pensée catholique sacralise la démocratie universelle, les droits de l’homme et une fraternité immanente. Primo, parce que l’homme moderne le fait très bien tout seul. Secundo, parce que ces notions se trouvent vides de sens lorsqu’elles sont arrachées à la tradition et à la transcendance, vides de références communes irréfragables, vides de la sagesse des siècles.

L’homme moderne a davantage besoin que la pensée catholique lui montre la grandeur de la tradition et de la transcendance. Il a besoin que lui soit montrée la beauté de ce qui est plus grand que lui. Il a besoin d’entendre qu’il est petit et non pas grand ; il a besoin d’entendre qu’il n’est rien s’il est seul, que rien ne subsiste sans la transmission des générations ; qu’il  n’est pas simplement le fruit de sa liberté, mais aussi la résultante de tant et tant qui lui échappe. Il a besoin d’entendre que son culte égocentrique est un mouroir pour l’esprit. Il a besoin d’entendre que le seul culte qui élève l’homme est le culte rendu à Dieu.

Si elle n’assume pas cela vigoureusement, la pensée catholique pourra continuer à pisser dans son violon démocratique jusqu’à la consommation des siècles.

Guillaume de Prémare, chronique prononcée sur Radio Espérance – 6 décembre 2013.

Commentaires

  • Je ne comprends pas ce M. Finkielkraut. Dans cet extrait, il me semble décrire assez bien les dérives des hérésies protestantes, totalement opposées au catholicisme, à sa transcendance et sa tradition. Ces hérésies protestantes ont déferlé sur l'Europe depuis cinq siècles, elles y ont donné naissance à de multiples sous-hérésies, et même aux paganismes modernes, à l'athéisme, à l'agnosticisme, à la franc maçonnerie. Elles ont aussi persécuté les populations catholiques, jusqu'à les ranger au 19ème siècle dans une 'catégorie raciale' inférieure par rapport aux populations protestantes.
    .
    Mais pourquoi ce M. Finkielkraut fait-il le procès des catholiques et non pas le procès des protestants ? Comme si les victimes étaient coupables des actes de leurs bourreaux, en dédouanant donc ceux-ci. C'est vrai que, depuis 2000 ans, les catholiques ont toujours fait de bons boucs émissaires, à qui l'on imputait tous les péchés du monde, mais était-il nécessaire que cet écrivain en rajoute lui-même sur le dos des catholiques ? Hypothèse : comme le politiquement correct ne lui permet pas de parler des protestants, et surtout pas des francs maçons, il se voit réduit à collaborer à l'hallali contre les catholiques, ces pestiférés de notre monde moderne.

  • Je pense que l'auteur vise une frange de l'Eglise catholique attiédie, qui s'est coupé de la tradition et du message de l'Evangile, cette frange n'a plus rien de catholique sinon le nom. Elle défend des valeurs, défend la famille, le respect de la vie, mais surtout sans jamais prononcer le nom de Jésus car pour eux la foi reste du domaine privé.

    "L’homme moderne a davantage besoin que la pensée catholique lui montre la grandeur de la tradition et de la transcendance. Il a besoin que lui soit montrée la beauté de ce qui est plus grand que lui."

    L'auteur a tout à fait raison, combien de catholiques oeuvrent pour la promotion de beaux idéaux certes chrétiens mais veulent surtout éviter de parler du Christ et de témoigner de leur foi chrétienne, ancrée dans la tradition de l'Eglise. Et un christianisme sans référence au Christ na plus rien de chrétien, et est même diabolique car il prive l'homme de la seule personne qui peut véritablement le transformer et le convertir. Beaucoup de catholiques sont ainsi comme Pierre reniant Jésus. Et pourtant l'homme aujourd'hui n'a-t-il pas tant besoin de connaître le Christ et l'amour de Dieu ? Ensuite, une fois qu'il a rencontré l'amour du Christ pour lui, il adhérera naturellement à toutes les valeurs qui rendent le monde plus juste et plus humain, qu'autrement nous sommes incapables de lui transmettre. Comme des porcs qui ne peuvent qu'écraser les perles qu'on leur donne.

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