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Miséricorde sans conversion ?

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De Thibaud Collin sur le site du bimensuel "L’Homme Nouveau ":

« Débattu aujourd’hui à nouveau, l’accès à la communion des divorcés remariés s’inscrit dans un processus général qui en se déconnectant de la conversion dénature la notion même de miséricorde et méconnaît l’appel à la sainteté du Père de toute miséricorde. Sans péché, plus de miséricorde possible ni conscience de la possibilité de se tourner vers Dieu.

 Paradoxe ?

Une telle expression joignant miséricorde et tentation n’est-elle pas un paradoxe douteux ? Jean-Paul II dans Dives in misericordia note que « plus peut-être que l’homme d’autrefois, la mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde ».

Il me semble qu’une des figures de cet effacement est une représentation mentale pervertie de la miséricorde. On peut en effet s’opposer à quelque chose soit en le rejetant, soit en s’en faisant une image tronquée et dénaturée. La deuxième attitude est plus subtile car elle ne se présente pas comme une opposition mais bien au contraire comme une manière d’honorer ce qui est, en réalité, bel et bien rejeté dans sa nature propre.

La question des divorcés-remariés

La question de l’accès aux sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation des fidèles divorcés et remariés civilement est revenue au cœur de l’actualité ecclésiale et médiatique. À cette occasion beaucoup ont de nouveau réclamé une approche pastorale et non plus juridique de ce problème majeur. La première serait attentive aux personnes accueillies dans leur unicité ; la seconde serait objective et impersonnelle. Ces deux approches s’incarneraient dans deux pratiques opposées de la vie sacramentelle. La miséricorde est alors invoquée pour souligner à quel point seule la première correspond au cœur de Dieu. La loi n’est-elle pas liée à la justice dont la miséricorde est le dépassement ? Rester sur une approche légaliste de l’accès aux sacrements serait une nouvelle forme de pharisaïsme. Le magistère ecclésial aurait jusqu’alors toujours privilégié la loi et le dogme, ressemblant étrangement à ces pharisiens disposant de lourds fardeaux sur les épaules de leurs disciples. Le temps serait enfin venu de vivre pleinement les valeurs évangéliques dont la miséricorde est la quintessence. Au terme d’un temps de pénitence, dont les conditions seraient à préciser, les divorcés remariés devraient être admis à la réconciliation sacramentelle et à l’Eucharistie. Leur refuser serait faire preuve d’obstination aux antipodes de l’empressement de Jésus à guérir les blessés de la vie et à pardonner aux pécheurs.

Le pardon de Dieu

Si Dieu n’est que pardon pourquoi l’Église s’entêterait-elle à mettre des conditions au don de Dieu ? La médiatrice de la grâce divine deviendrait-elle son principal obstacle dans une sorte d’avarice insupportable ? Une telle Église serait davantage un organe de pouvoir (nostalgique d’un temps de chrétienté ?) qu’une servante de l’humanité souffrante. Depuis quand le Bon Samaritain ou n’importe quel médecin digne de ce nom ­pose-t-il des conditions objectives au soin qu’il dispense ?

J’utilise à dessein le préfixe « méta » car celui-ci renvoie en grec à une dimension plus fondamentale et englobante. La méta-tentation assume toutes les autres et donc les rend vaines. Comme le dit Jean-Paul II, la mentalité contemporaine a du mal avec la miséricorde car celle-ci semble impliquer la misère, et du coup être synonyme de pitié. Être l’objet de la miséricorde, c’est perdre sa dignité d’homme capable et autonome. Est-ce paradoxal avec ce que je viens de dire plus haut ?

Miséricorde sans conversion

Non car ce refus de la miséricorde, chez beaucoup de chrétiens imprégnés de la mentalité actuelle, se drape justement dans l’appel à la miséricorde. En effet, le présupposé de tout ce que j’ai exposé consiste à déconnecter la miséricorde de la conversion. Les divorcés remariés sont bien sûr l’objet de la miséricorde de Dieu comme n’importe quel pécheur mais seuls la contrition de son péché reconnu comme tel et le ferme propos de le rejeter peuvent permettre de recevoir la miséricorde. Vouloir être pardonné sans reconnaître son péché est une contradiction dont l’apparente solution consiste à dénaturer ce que l’on entend par miséricorde. En fait, c’est tout simplement le péché qui est nié en tant que tel. Ainsi les divorcés remariés ayant de nouveau accès à la vie sacramentelle ne seraient ni mariés ni adultères, ils seraient dans un entre-deux qui en tout cas ne serait pas peccamineux. Or s’il n’y a pas de péché, vaine et inutile est la miséricorde, puisque celle-ci est la réponse de Dieu à la misère de l’homme. Avec l’évacuation du péché disparaissent aussi la conscience de la liberté et sa capacité à se tourner vers Dieu en réponse à l’appel à la sainteté qu’Il adresse à tous les hommes quel que soit leur péché.

Réf  La méta-tentation de la miséricorde

Thibaud Collin est philosophe. Dernier ouvrage paru : Sur la morale de Monsieur Peillon, Salvator, 142 p., 14,50 €.

De son « dialogue » avec le pape François, Eugenio Scalfari pensait déjà pouvoir conclure dans le journal italien laïc de gauche « La Reppublica » : l'éthique est l'exigence la plus changeante d'homme à homme, de société à société, de temps et de lieu. Si la conscience est libre, et si l'homme ne choisit pas le mal mais choisit le bien « comme il l'entend », alors le péché, de fait, disparaît et avec lui la punition. Et de s’exclamer :  « Ce n'est pas une révolution? Comment voulez-vous l’appeler? ».

Mais on a peine à croire que François ait ainsi confondu subjectivisme et liberté de conscience, car, en effet, la miséricorde qu’il appelle de ses vœux deviendrait  alors inutile.   JPSC 

Commentaires

  • La notion de péché est indissociable de notre foi chrétienne. Or, l'homme contemporain refuse de plus en plus de faire son examen de conscience et se prend de plus en plus pour l'égal de Dieu, quand il n'en nie pas tout simplement l'existence. En cette semaine sainte, où le Christ a souffert pour racheter nos péchés, ayons l'humilité de confesser nos fautes avant de communier à Pâques.

  • "Examen de conscience" ! Vous croyez qu'il n'y a que ceux qui confessent leurs "péchés" à un prêtre qui font leur examen de conscience ? Et de surplus, qu'ils se prennent, selon votre expression, comme étant l'égal de Dieu ? Quel fameux procès d'intention !

    Jésus est d'abord venu sur terre pour "nous mieux nous faire connaître le Père" qui est AMOUR ! Pour cela il est allé jusqu'au bout de sa logique d'amour et de justice. Il ne pouvait donc, surtout à son époque où l'on mettait des milliers de gens sur le bois (de la croix, que mourir de cette manière.

    Maintenant, cela ne me dérange pas qu'un forme de théologie insiste sur la logique qui veut que Jésus devait passer par le supplice "de la croix" pour "effacer nos péchés" (nous décharger du péché dit originel). Je préfère dire que Jésus est mort parce que toute sa vie d'engagement ne pouvait que l'amener "là"! Et c'est à partir de ce " profond du mystère (est descendu aux enfers)" qu'il nous a montré aussi la voie de la Résurrection! Nous y sommes, nous aussi, appelés !

  • Il est vrai que l’examen de conscience est, naturellement, aussi concevable en dehors de toute préparation à une confession sacramentelle.

    Par ailleurs, pour un catholique, l’examen de conscience n’est jamais un libre-examen car la liberté de conscience, au sens catholique du terme, postule que je m’efforce d’éduquer cette conscience en sorte que mon jugement personnel se rapproche autant que possible du jugement idéal de la raison droite et se soumette à la loi morale naturelle pour se conformer, de la sorte, à la volonté de Dieu.

    À cette condition seulement, je puis dire que j’agis bien si je me décide à l’action selon ma conscience.

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