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Quel regard sur le monde animal ?

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Le « chamour » est mort et l’abbé Guillaume de Tanoüarn a béni sa tombe…

10154384_10152429599364813_2385619349017702773_n (1).jpgComment s'appelait-il le chamour? Il n'avait pas de nom. Un nom eût semblé réducteur. Il était "le chat". Parvenu à l'âge vénérable de 19 ans, âge splendide pour un chat, atteint d'un cancer du foie qui l'empêchait même de boire, il s'est éteint sans souffrance sous la seringue du vétérinaire. Ses propriétaires ont tenu à l'enterrer, à côté d'un autre chat, mort dix ans auparavant. J'ai béni la tombe de cette créature de Dieu, d'une simple mais sentie bénédiction. Il suffisait de regarder les deux petits de la maison, quatre et sept ans, leur sérieux, leur gravité, pour comprendre que cette si simple cérémonie était sous le signe de la piété.

Ce court hommage ne relevait absolument pas de je ne sais quel fétichisme animiste. Le chat, réceptacle de tendresse, se charge de toutes les affections dont il est entouré. Il devient quelque chose d'humain, par toutes les caresses dont il a été sujet et objet. Il est un appel à la solidarité avec le monde animal dont nous sommes issus. Une occasion aussi de mesurer l'extraordinaire mystère qui nous a faits "humains". Nous sommes tellement supérieurs aux chats et aux chiens qui partagent souvent notre existence. Et en même temps (il suffit d'écouter un animal ronfler) nous leur sommes tellement proches. Un texte de l'Ecclésiaste dit cela avec force:

"Le sort de l'homme et le sort de la bête sont un sort identique ; comme meurt l'un ainsi meurt l'autre et c'est un même souffle qu'ils ont tous les deux. La supériorité de l'homme sur la bête est nulle, car tout est vanité. Tout s'en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s'en retourne à la poussière. Qui sait si le souffle de l'homme monte vers le haut et si le souffle de la bête descend en bas, vers la terre?" (Eccl. 3, 19 sq.)

L'Ecclésiaste semble ici ne pas croire en l'immortalité de l'âme humaine. Cela avait beaucoup marqué Cajétan. On retrouve en tout cas l'anthropologie fondamentale énoncée au Commencement du Livre, en Genèse 2, 7 :

"Yahvé Dieu modela l'homme avec la poussière du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint une âme vivante".

L'homme est cet individu absolument unique fait de poussière et de souffle. Le souffle? C'est l'esprit. La poussière avec le souffle? C'est l'âme, la psyché, avec les tours et les détours, les sinuosités du souffle dans la poussière.

Mais l'animal? N'est-il pas aussi souffle et poussière? C'est en tout cas la question que pose Qohélet. L'animal, comme l'homme, vient de la poussière et retourne à la poussière. Et qui dit que le souffle de l'homme s'élève et s'élèvera au dessus de la poussière? Qui sait si le souffle de l'homme descend en bas comme le souffle de l'animal? On retrouve chez Qohelet le grand existentialisme biblique, sublimé par le Christ : tu es ce que tu fais. Tu deviens ce que tu aimes. "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur".

Regarder l'animal en face, c'est accepter de considérer aussi la précarité de notre situation d'animaux plus ou moins raisonnables. Pour prétendre à être vraiment autre chose que l'animal, il faut nous laisser racheter. Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes, pas tout seuls. Sans le Christ, qui nous fait vivre, que serions-nous?

Et lorsque l'on a éprouvé cette fraternité par le bas avec l'animal, lorsque l'on a compris que sans le Christ et sans son salut, nous sommes tous des bêtes, juste "des êtres pour la mort" (Heidegger), alors que nous reste-t-il à faire? Il nous faut sauver l'animal. Pourquoi cette oeuvre de Dieu n'aurait-elle pas droit à un salut? Peut-on penser que Dieu fait toutes ces belles choses en vain? Peut-on donner raison à l'Ecclésiaste qui ne voit en toutes choses que "vanité et poursuite du vent"? Chaque animal, chaque végétal, chaque composition de paysage est une pensée de Dieu. En tant que telle, elle ne meurt pas. "Les concepts des créatures sont des concepts de Dieu" dit Cajétan sublimement en jouant sur le sens du génitif. Il avait compris la transcendance analogique du Logos mieux que beaucoup.

Mieux que les cartésiens en tout cas. C'est le délicat Malebranche qui avait compris le problème que pose à la conscience la souffrance animale. Je soulignais tout à l'heure que le Chat a été euthanasié. C'est normal : lui ne peut pas donner un sens à la souffrance, comme d'ailleurs il ne peut donner un sens à sa vie. Seul l'homme cherchant le sens de sa vie, donne un sens à sa souffrance - et cela d'ailleurs qu'il le veuille ou pas, que ce soit pour la révolte ou pour l'amour. Il n'y a pas d'acte humain indifférent. Il n'y a pas de vécu humain sans signification et l'absence revendiquée de signification est encore sans doute la plus terrible des significations.

Malebranche qui avait si bien compris cela, ne pouvait supporter la souffrance animale et, au lieu de remettre les bêtes au Logos commun dans un acte de foi (ce que je tâche de faire ici), il a pensé qu'il valait mieux les exclure de ce logos, en faire de pures mécaniques, incapables de vrais retours sur elles-mêmes. On sait qu'il battait sa chienne, lui le doux, le délicat, en disant : "Ça crie mais ça ne sent pas".

Si l'on est d'accord avec Malebranche, il n'y a pas d'enterrement de chats. Mais alors il faut aller jusqu'au bout et ôter aux bêtes toute forme d'âme. Est-ce bien raisonnable? Ni Aristote ni Leibniz ne l'auraient admis.

Je crois qu'il faut être capable de contempler le Logos, oui, le Verbe de Dieu, indéfiniment participable par ses créatures, qui, chacune, en expriment quelque chose. De la même façon, les hominidés, néanderthaliens et autres, ou les géants dont parle la Bible, ou les extraterrestres putatifs ne sont pas des hommes, ils n'appartiennent pas à l'espèce homo sapiens, mais ils participent à leur façon au Logos divin, dont rien ne vient limiter la fécondité que sa propre volonté et le principe de contradiction.

Comment Malebranche accepte-t-il, lui, d'expulser les animaux du Logos? Il le fait par sensibilité, parce que la souffrance animale, cette souffrance sans signification, cette souffrance qui ne peut jamais devenir un sacrifice, lui est insupportable. En ce domaine comme en d'autres, la raison se contredit elle-même, Malebranche le montre bien : c'est son amour raisonnable pour les animaux qui les lui fait expulser de l'Intelligence universelle, pour qu'ils ne souffrent pas.

Cette question de la souffrance animale requiert non seulement notre raison mais notre foi : dans la foi, nous savons que nous comprendrons un jour le sens de la vie animale et le mode d'immortalité des chats et des chiens.

 Réf. J'ai assisté à l'enterrement d'un chat

C'est toute la création qui sera assumée par les cieux nouveaux et la terre nouvelle, aux temps fixés par Dieu...

JPSC

Commentaires

  • Croire en la résurrection, c'est croire qu'un jour dans l'au-delà, toutes les souffrances et les injustices d'ici-bas seront réparées et cela comprend celles subies par les animaux. "Toute la création souffre dans les douleurs de l'enfantement", écrit saint Paul et ce, en attendant les cieux nouveaux et la terre nouvelle où, notamment "le loup habitera paisiblement avec l'agneau".
    Jean-Pierre Snyers (adresse blog: jpsnyers.blogspot.com)

  • J'aime beaucoup cette perception globale de "la Vie" !

  • La théologie de saint François d'Assise est celle qui nous fait frère avec toute la Création, y compris donc avec frère chat. S'il fallait réécrire le livre de la Genèse aujourd'hui, sans doute pourrait-on le faire sur base de cette théologie de saint François et aussi sur base de ce que l'on sait un peu mieux que nos ancêtres sur le début du monde, sur le début de la vie sur Terre, et sur le début de la pensée humaine.
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    Il y a treize à quatorze milliards d'années terrestres, un phénomène surnommé « big bang » fit apparaître le monde des briques de base, du physico-chimique. Il y a trois à quatre milliards d'années, une sorte de deuxième « big bang » fit apparaître le monde du vivant, du corporel, sur Terre. Et il y a deux à trois millions d'années, une sorte de troisième « big bang » fit apparaître le monde du pensant, du spirituel, dans l'espèce humaine.
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    Ces trois événements incompréhensibles furent comme les trois miracles majeurs de Dieu. Si quelqu'un vous met au défi de lui montrer un miracle de Dieu, montrez-lui le monde, montrez-lui un chat ou montrez-lui un homme. Nous sommes tellement habitués à ces miracles majeurs que nous ne les voyons même plus comme miracles. Qui a conscience d'être la propre image des trois plus grands miracles de Dieu ? Sans le miracle du physico-chimique, sans le miracle du vivant, sans le miracle du spirituel, nous ne serions pas là.
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    Les enfants ne sont-ils pas ceux qui ont le plus facilement conscience d'être devant un miracle de Dieu, lorsqu'ils contemplent une pierre, un animal ou un être humain ? Cette foi simple (de l'enfant et de ceux qui sont restés comme des enfants, de 7 à 77 ans) est sans doute celle qui émerveillait Jésus.

  • Auriez-vous lu le tout récent ouvrage d'Alain Meunier (Dunod, 2013) : " La naissance de la Terre. De sa formation à l'apparition de la vie." qui ressemble fort à ce que vous décrivez dans votre commentaire ? Celui-ci me fait penser aussi à une oeuvre nettement plus ancienne (1922) de Pierre Termier : "A la gloire de la Terre. Souvenirs d'un géologue." qui est un vibrant hommage à la création. Selon Wikipedia, " Pierre Termier, catholique pratiquant, était par ailleurs Tertiaire de Saint François d'Assise ", ce qui ne devrait pas vous déplaire.
    Les deux méritent d'être lus, d'autant qu'ils se mettent l'un et l'autre à la portée d'un chacun, autant que faire se peut.

  • @ eleison ... Non, je ne les connaissais pas. Merci de me les signaler.
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    En fait, cette façon de voir les choses m'était venue par une sorte de recherche de juste milieu entre des affirmations de créationnistes protestants et d'évolutionnistes païens, affirmations tout autant abruptes et intégristes les unes que les autres.
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    C'était ainsi leur dire que création et évolution ne s'opposent pas, mais au contraire se supposent l'une l'autre. Tout ce que l'on voit évoluer en ce bas monde doit nécessairement avoir été créé précédemment. Et tout ce qui se crée un jour devra nécessairement évoluer avec le temps.
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    L'opposition créationnisme - évolutionnisme est l'opposition entre deux pures idéologies, toutes deux créées sur le terreau des hérésies protestantes, puis ayant évolué selon cette loi universelle de création-évolution.

  • C'est en effet un grand mystère ... un grand miracle dont le Seigneur a le secret. Revenons aux noces de Cana, si nous y croyons - le Seigneur changea l'eau en vin et en grande quantité - Mystère! Miracle! et parait-il de la qualité du meilleur crû !
    Je pense quant à moi que tout est possible à Dieu, tout a été initialisé avec ordre et méthode a un moment fixé pour obtenir la superbe Création que nous pouvons admirer. Et la vie est donnée en abondance et cela continue ...
    Les animaux en connaissent les codes, tous les végétaux aussi, c'est inscrit dans leur puce, ils fonctionnent tout naturellement. Mais nous, non !
    il faut chercher pour trouver le pourquoi de cette merveille qu'est la Création et pourquoi il a voulu que nous passions quelques années sur cette terre. Tout a été programmé par le Seigneur et continue de l'être ...
    Les humains ont un programme particulier pour dominer la Création, l'utiliser avec Raison et Intelligence et la gérer pour la plus grande gloire de Dieu.
    On peut ne pas être d'accord avec la réponse des évolutionnistes, selon moi ce n'est pas assez divin, mais hasardeux ...
    Cette théorie est une belle recherche et l'étudier pour satisfaire notre intelligence est plaisant, et plus facile pour soigner les accidents de la vie, sans aucun doute, c'est utile.
    Mais est-ce bien cela la Vérité de notre Foi au Dieu Créateur ?

  • @ Pauvre Job. Parfaitement d'accord avec vous sur cette "théorie du juste milieu" où " création et évolution ne s'opposent pas, mais au contraire se supposent l'une l'autre ". Je l'avais compris il y a un certain temps déjà en lisant l'ouvrage d'un scientifique philosophe, Pierre Lecomte du Noüy (voir Wikipedia), intitulé " L'avenir de l'esprit" (Gallimard, 1941). Il y développe la théorie du "téléfinalisme" qui rencontre parfaitement la vôtre. Encore un auteur pas si ancien mais oublié qui mériterait d'être relu.

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