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La présence réelle du Christ dans l'Eucharistie : un éclairage de Fabrice Hadjadj

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Hostie1.jpgDe Fabrice Hadjadj dans "La Terre, Chemin du Ciel", pp.90-92, Les Provinciales (Cerf), 2002 :

Cette présence substantielle (du Christ) ne fut-elle que le bref privilège des disciples qui, sous Ponce Pilate, parcoururent la Palestine auprès de Lui, le Ciel fait terre? « Pour les consoler de son départ, écrit l'abbé Guerric d'Igny, il inventait ce nouveau mode de présence, [le sacrement de son corps et de son sang] ; ainsi tout en les quittant et leur ôtant sa présence corporelle, il restait non seulement avec eux, mais même en eux, et au milieu d'eux, par la vertu de ce sacrement*. » Telle est la violence de l'amour de Dieu pour nous qu'Il s'offre substantiellement chaque jour à nos gueules fétides, à nos dents cariées, à nos aigres estomacs. Il veut que nous mastiquions son Éternité. Il veut que nous déglutissions l'Infini. Mais cet Amour que nous avalons est plus fort que nous et c'est lui, en fin de compte, qui nous dévore.

Ainsi le fruit de la terre et du travail des hommes devient miraculeusement le Ciel parfait. Le froment de ces champs, le raisin de ces vignobles, tout ce qui fut commandé hier par la piété des moines-laboureurs, tout cela se trouve dans les oblats et, à l'instant de la consécration, se convertit au Corps et au Sang en lesquels habite la plénitude de la divinité.

J'ai lu naguère l'histoire véridique d'un roi qui aimait à travailler parmi les vignes et les blés : il voulait choisir lui-même les épis les plus beaux, les grappes les plus vermeilles qui serviraient à fabriquer les offrandes de l'Eucharistie; il savait qu'il n'y avait pas d'office plus royal. Ne fût-ce que pour cette raison, le chrétien doit prendre soin du sol, s'émerveiller de la moindre graine et révérer les meules, enfin par-delà la culture « bio », envisager une culture « théo », qui ne se préoccupe pas que de santé, mais aussi de sainteté, en contemplant avec hommage et tremblement les nourritures terrestres qui peuvent être transsubstantiées en Pain des anges.

Sous l'apparence d'une miette sans levain et d'un peu de vin blanc qui pour croître exigent toute notre terre et l'alternance des saisons, le Ciel est là. Un instant, notre corps tient son Bien-Aimé, et avec Lui, parce qu'Il est le Créateur, tous les pays, tous les hommes, et son propre voisin M. Franchon, et l'éventuel habitant de Proxima du Centaure, et sa maison de pierres grises, et les vivants et les morts. Un instant, le Tout-Puissant entre dans notre formule brève, l'Immensité du Ciel fond dans notre bouche, descend par notre gorge, diffuse sa grâce du fond de nos viscères. Mais il demeure dans cette petite église, autour de quoi jadis s'organisaient le village et les travaux des champs. Il est là, au coin d'une rue, derrière les bruyantes voitures qui l'ignorent et les passants pressés qui ne se signent pas. Où allons-nous plus loin? Pourquoi ces oeillères qui nous font chercher au-delà? Faudra-t-il que nous mangions les pissenlits par la racine, comme on dit, faudra-t-il l'obscurité de la tombe, l'inhumation profonde, pour nous faire enfin reconnaître la clarté meuble et l'amour sous les remblais?

* Sermons pour la fète de l'Ascension, 1, Sources chrétiennes 202.

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