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Quelle place pour le catholicisme dans le monde occidental ?

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Sur le site Figaro-Vox, le sociologue Mathieu Block-Côté se pose la question vue du Québec. Extraits :

La chose est connue mais conserve une part mystérieuse qui intrigue encore les historiens et les sociologues: alors que le Québec était jusqu'aux années 1960 un bastion nord-américain du catholicisme, celui-ci s'est brutalement effondré dans la dynamique de la Révolution tranquille. Un pays particulièrement pieux s'est vite transformé en société radicalement sécularisée, ce dont les Québécois, aujourd'hui, se font encore une fierté (…).

Mais la question du catholicisme n'est pas morte avec sa pratique. Elle s'est transposée, au fil des ans, dans la mémoire collective. Longtemps, on a présenté son expulsion de la vie publique comme une libération.(…). Pour autant, on la voit resurgir peu à peu, au fil des commémorations et des débats portant sur l'héritage culturel de l'Église(…)

C'est que le catholicisme, abandonné dans la pratique, puis passé dans la mémoire, se pose de plus en plus à la manière d'une référence identitaire que le débat public pousse à redécouvrir, non pas à la manière d'une foi, mais bien davantage, à la manière d'une culture qu'on ne saurait abolir sans s'oublier soi-même.

Cette redécouverte de la fonction identitaire de l'héritage catholique s'est jouée surtout, ces dernières années, autour d'un débat passionnel: la place du crucifix à l'Assemblée nationale, où il trône au-dessus du fauteuil du président. Certains au nom du multiculturalisme, d'autres au nom d'une conception intransigeante de la laïcité, ont multiplié les appels pour qu'on le décroche. Sa présence serait une offense aux citoyens d'autres confessions religieuses, comme aux incroyants. La riposte a manifestement convaincu une majorité de citoyens: le crucifix est là à la manière d'un rappel historique, et non pas comme le symbole d'une subordination du politique au religieux. Surtout, le catholicisme, au Québec, n'est pas une religion parmi d'autres. Toutes les convictions sont égales devant la loi, mais toutes les religions ne sont pas égales devant la culture.

Nous sommes ici au cœur de la question identitaire, si dominante aujourd'hui, et pour de bonnes raisons. Elle rappelle une chose: le culte de l'indifférenciation, qui pousse chaque peuple à oublier son identité, représente une forme paradoxale de barbarie universaliste. L'homme nouveau a désormais le visage de l'homme sans culture ni mémoire. On espère le transformer en cobaye pour les idéologies mondialisées, qui voudraient bien unir les hommes en les réduisant à leur plus petit dénominateur commun. C'est une très étrange idée de l'homme qui amène à croire que c'est en le privant de toutes les ressources de sens qui alimentent son existence qu'on l'émancipera.

Mais on ne se fera pas d'illusion: la patrimonialisation du catholicisme n'a aucunement entrainé sa renaissance comme foi, et l'Église, dès lors qu'elle entend se manifester sur la place publique pour rappeler sa vision de la société, est tout de suite invitée à se taire et ramenée au souvenir traumatique de la Grande Noirceur. On le voit à travers les questions sociétales qui en France, suscitent de grands débats sociaux et politiques qu'on peinerait à imaginer au Québec, tellement s'y est installée une orthodoxie progressiste qui tolère difficilement qu'on la questionne. Le Québec était en 1960 une société intégralement catholique: il est devenu une société intégralement postmoderne. Bizarrement, il se prend pour un modèle et s'en fait une fierté.

C'est à la question de la place du catholicisme dans le monde occidental qu'il faut réfléchir. L'Église a un privilège singulier dans le monde qui s'est installé suite de la révolution des sixties qui a programmé une mutation anthropologique: elle en représente l'opposition philosophique officielle. Alors que l'individualisme contemporain ne connaît plus de limites, chacun au fantasme de l'auto engendrement, l'idéologie du genre en étant l'expression aussi radicale que caricaturale, l'Église s'en tient à une définie idée de l'homme et multiplie les mises en garde: la désacralisation de l'homme pourrait aboutir à sa marchandisation pure et simple. La déchristianisation pourrait bien conduire à une forme d'appauvrissement anthropologique.

Il ne s'agit pas de reprendre les consignes du catholicisme à part entière, et le voudrait-on de toute manière que les Québécois tourneraient en ridicule ceux qui voudraient renouer formellement les liens entre la culture et la religion. L'homme contemporain n'est pas disposé à suivre d'autres consignes que celles de sa conscience, mais on peut souhaiter que cette conscience ne se détourne plus complètement d'un certain humanisme chrétien, enraciné dans la finitude et ouvert à la possibilité d'une transcendance, rappelant que si tout est permis, le pire sera à peu près certain. Qu'on ait ou non la foi, il n'est pas interdit de souhaiter que la dissidence philosophique de l'Église puisse de nouveau se faire entendre

Ref. Quelle place pour le catholicisme dans le monde occidental ?

Mathieu Bock-Côté est sociologue (Ph.D). Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels Exercices politiques (VLB, 2013), Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007).

JPSC

Commentaires

  • Excellent commentaire qui pourrait très bien coller à la réalité de notre pays, particulièrement au nord même.

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