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La médiatisation du pape François comme signe de crise de l’Église catholique

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Lu sur le blog « égalité réconciliation » sous la plume de Dario Citati :

« Quelle évolution a connu le catholicisme depuis la démission de Benoît XVI et l’élection du pape François ? Alors que la célébrité du premier Pontife sud-américain fait rage chez les non-catholiques, derrière le respect envers sa fonction pas mal de fidèles de l’Église romaine vivent un malaise caché pour une stratégie qui pourrait changer la forme et le contenu de leur credo.

À première vue la grande popularité du pape François auprès de l’opinion publique internationale semble l’affirmation d’un principe essentiel du catholicisme, qui fonde sa structure ecclésiastique sur la primauté juridique du pape sur les autres évêques. En réalité, il se passe exactement le contraire : depuis son élection comme pontife romain Jorge Mario Bergoglio est devenu très populaire non pas pour son action doctrinaire et de gouvernement en qualité de pape, mais bien à cause de la médiatisation de sa personne et de la sensation qu’il donne d’être différent par rapport à tous ses prédécesseurs. Derrière la vénération pour la personne de François se cache donc un affaiblissement de la papauté comme institution.

Si l’on analyse les questions relatives à l’Église catholique au-delà de la foi, c’est-à-dire au-delà du propre du christianisme, si l’on étudie l’Église tout simplement comme une importante institution internationale, il est hors de doute que le style de Jorge Mario Bergoglio a momentanément augmenté la popularité du catholicisme. La volonté de relancer l’image du catholicisme auprès de non-catholiques en ce moment semble l’emporter sur les questions internes et sur les principes moraux. Néanmoins, sur la longue durée ce seront justement ces questions et ses principes qui décideront le sort du catholicisme.

Sur le plan doctrinaire, la « révolution » du pape François apparaît bien significative.

Premièrement, il s’agit d’un changement de modes et de conduite extérieure : dans la mimique de ses gestes, dans son langage simple et élémentaire, tout semble contribuer à une désacralisation de la fonction pontificale qui plaît beaucoup aux adversaires du christianisme dans la mesure où cela donne l’impression que le pape, c’est quelqu’un comme tout le monde, presque une espèce de grand-père sympathique et affable.

Deuxièmement, on observe une échelle de priorités dans ses interventions publiques qui après un an et demi ne peut plus être jugée aléatoire. Le pape François insiste bien souvent sur des thèmes qui ne sont pas spécifiquement liés à la foi, à la morale, aux mœurs. Au cœur de ses discours il y a souvent l’immigration, la critique du capitalisme, le respect pour l’environnement, les questions proprement religieuses restant en quelque sorte périphériques et subordonnées à un message de concorde civile et humanitaire. Bergoglio n’a jamais renié clairement aucun dogme ou principe catholique : sa « révolution » consiste plutôt à prononcer des propos ambigus ou bien à tolérer des pratiques hétérodoxes sans les approuver ouvertement. 

L’exemple le plus frappant de sa stratégie communicative est sans aucun doute la célèbre proposition « Qui suis-je pour juger ? », utilisée par les progressistes pour justifier l’approbation de toute transgression. Le pape François voulait-il « libéraliser » des actes considérés jusqu’à présent contraires à la loi naturelle ? Ou bien entendait-il seulement rappeler que personne hors de Dieu ne peut juger la conscience de chacun, les actes restant toutefois bons ou mauvais en eux-mêmes ? On dirait qu’il préfère rester sciemment ambigu, en s’éloignant du style des papes du passé tout comme de l’exhortation du Christ à l’égard de la transmission de la doctrine : « Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu’on y ajoute vient du malin » (Mt 5.38).

Les appels à la nécessité d’une Église « pauvre, pour les pauvres » sont aussi très révélateurs. Comme les abus du clergé sont très choquants auprès de l’opinion publique, qu’est-ce qu’il y de plus médiatique du fait que le chef de l’Église réclame une pauvreté généralisée ? Il ne faut pas être un génie pour remarquer la rhétorique d’un tel propos. C’est bien louable de condamner les richesses personnelles du clergé, mais si l’Église comme institution devenait en soi « pauvre » et donc sans ressources, comment pourrait-elle aider les déshérités du monde et s’engager à combattre la pauvreté ? Ce genre de propositions donnent bien l’image fausse d’un pape extraordinaire parmi des « collègues » ecclésiastiques totalement corrompus.

La médiatisation de la figure personnelle du pape François a aussi l’effet de cacher les problèmes à l’intérieur du catholicisme qui restent énormes. Dans l’Église catholique il existe aujourd’hui une fragmentation presque incroyable, avec tellement de groupuscules qui soutiennent des positions incompatibles les uns avec les autres et surtout en contraste avec la foi catholique traditionnelle elle-même. Certains vaticanistes parlent déjà de l’existence de plusieurs églises à l’intérieur de l’Eglise catholique : il suffit d’aller voir les différences, par exemple, entre l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, une société apostolique de forme canoniale très répandue en France et assez fidèle à la tradition catholique, et les pratiques du Chemin néocatéchuménal, un groupe reconnu par les hiérarchies vaticanes que certains experts qualifient toutefois de secte extrémiste protestante.

Le gouvernement du pape François semble bien privilégier les réalités les plus progressistes, celles qui ne s’opposent pas avec force à la déchristianisation de la société, à l’imposition de la théorie du genre, des thèmes sur lesquels le silence réticent de la hiérarchie vaticane devient de plus en plus assourdissant.

Aussi sur le plan du gouvernement de l’Église y a-t-il des procédés assez douteux. Par exemple, depuis juillet 2013 le catholicisme vit un grand secouement à son intérieur, peu connu par l’opinion publique internationale mais bien étudié par les spécialistes. Celui qui était peut-être le meilleur institut religieux de toute l’Église catholique, la congrégation des Franciscains de l’Immaculée, a été bouleversé par des mesures de la part des hiérarchies vaticanes. Dans un contexte historique où le clergé catholique fait le beau et le mauvais temps, pendant des décennies les frères et les sœurs de cet institut n’ont jamais été touchés par des scandales financiers ou sexuels. Ils se sont répandus partout dans le monde, ils ont conquis la confiance des fidèles, ils ont toujours vécu dans une ambiance d’austérité, de prière, de pratique religieuse. Certains d’entre eux sont devenus des brillants théologiens aussi. À partir de juillet 2013 l’ancien fondateur a été exilé, la plupart des frères ont été mutés des grandes diocèses vers des petites églises, leurs publications ont cessé, les ordinations sacerdotales des prêtres ont été suspendues, le séminaire de l’institut est en crise. Quels crimes ont commis ces religieux pour que les autorités vaticanes procèdent à un tel démantèlement ? Suite à la dénonciation d’une minorité de frères, il semble que l’esprit de l’institut soit devenu trop « conservateur » pendant le Pontificat de Benoît XVI, avec la promotion de la liturgie traditionnelle en latin et l’organisation de colloques modérément critiques sur l’histoire du Concile Vatican II. Rien plus que cela. Cette conduite autoritaire dans la résolution d’une petite incompréhension interne est justement à l’opposé des appels à la miséricorde que le pape aime répéter en toute occasion. Le but, c’est peut-être d’affaiblir les composantes de l’Église qui vivent vraiment dans la pauvreté et consacrent leur vie à la prière, à l’approfondissement de la foi et au salut des âmes.

D’autres mesures contestables concernent le sommet de l’Église. Le Cardinal Raymond Leo Burke, préfet du tribunal suprême de la signature apostolique, est l’un des plus renommés archevêques de l’Église romaine, un homme de haute culture et de réputation exemplaire, très apprécié par les simples fidèles et les milieux académiques. Selon certaines sources, il serait sur le point d’être déclassé à la fonction purement honorifique de chef d’un ordre chevaleresque. Sa faute serait là aussi un excès de « traditionalisme » : Burke a toujours pris des positions claires contre la politique antichrétienne du gouvernement Obama, en participant toujours à des événements publics contre l’avortement et en prenant position contre les théories progressistes du cardinal Kasper.

Certes, il y a aussi des éléments positifs qui ont caractérisé la première année de ce pontificat. La politique étrangère du Saint-Siège, par exemple, est devenue grâce au pape François plus influente : ses prise des positions contre la menace étasunienne de guerre à la Syrie, sa conduite sage et équilibrée par rapport à l’Ukraine, de même que la lettre qu’il a envoyée en 2013 au président Poutine pour le G-20, ont été guidés par le bon sens. Le meilleur résultat du travail diplomatique du Vatican sous le pape François est sans aucun doute la « désoccidentalisation » du catholicisme. Souvent, l’Église catholique a été perçue comme le soutien idéologique aux intérêts de la puissance géopolitique euro-américaine (c’est une opinion très répandu surtout chez les chrétiens orthodoxes). On peut évaluer positivement l’éloignement du Vatican de cette perspective, qui pourrait en principe donner la chance d’un positionnement géopolitique adéquat aux problèmes futurs. En même temps, beaucoup de questions restent ouvertes.

L’Église catholique n’est pas la personne de Jorge Mario Bergoglio, qui ira terminer son existence comme tout être humain. Ce ne sera pas à sa popularité de revitaliser la religion catholique. Le pape François lui-même, dans sa première homélie en 2013, avait affirmé que l’Eglise ne peut jamais se transformer dans une ONG « philanthropique et charitable », ce qui parfois semble être son destin inéluctable. Le catholicisme pourra au contraire survivre dans la mesure où il sera capable d’offrir une perspective alternative aux modèles dominants, d’expliquer la destination métaphysique de la vie humaine dans un monde qui désormais a mis Dieu à l’écart. »

Ref. La médiatisation du pape François comme signe de crise de l’Église catholique

 Article commenté  (sous le titre « La médiatisation de l'Eglise catholique est en crise »), par l’abbé Dominique-Fabien Rimaz sur son blog « Le Suisse romain » et qui le qualifie d’ "intéressant, bien que -précise-t-il- je ne partage de loin pas toutes les conclusions ». http://lesuisseromain.hautetfort.com/

JPSC

Commentaires

  • Quelle tartine de mauvaise foi... On ne devrait même pas en parler. Pas même pour dire que c'est du travail de pseudo intello, qui se complaît dans son verbe stérile, sa critique facile. Ça m'écoeure. Le pape François n'est pas à l'abri d'erreurs, de maladresses, mais il se donne avec grand amour à son troupeau, sans se réfugier dans des divertissements de l'esprit accessibles aux seuls initiés, flatteurs serviles de l'orgueil humain. Lui. Pauvre Saint-Père. Prions plutôt pour lui.

  • @ brenti ... Je partage votre point de vue. Mais il faut se rendre à l'évidence, tout ce qui tourne autour de l'Église catholique fait vendre. Il y aura donc toujours des plumitifs qui trouveront profitable de raconter tout et n'importe quoi sur l'Église. Il suffit de s'auto proclamer "vaticaniste" ou "spécialiste des religions" pour impressionner son public. On en trouve à la pelle, y compris parmi les adversaires les plus résolus de l'Église, qui font pourtant toute leur carrière et toute leur fortune grâce à ce qu'ils écrivent sur elle.
    .
    Il faut dire que l'Église est un mystère insondable pour ceux qui ne croient ni en Jésus Christ, son fondateur, ni en l'Esprit saint à qui elle a été confiée. Comment cette institution peut-elle tenir le coup depuis 2000 ans, avec une raison sociale aussi simple : annoncer la bonne nouvelle de la source de tout bien, l'amour charité pour le Créateur et pour sa Création ? Alors que des centaines d'autres institutions et États de toute sorte sont nés, ont vécu et ont trépassé depuis ces mêmes 2000 ans.

  • Propos tarte ou tartine ? Je ne sais pas.

    Si certains espèrent bruyamment que le réformateur inspiré va mettre « le bordel et le feu dans les diocèses » (selon ses propres termes, à Rio, le 29 juillet 2013), il est hors de doute que d’autres, moins démonstratifs et moins sensibles aux agitations médiatiques, s’inquiètent au point que l’on entend de plus en plus, mezza voce, cette interrogation : le pape n’en fait-il pas un peu trop ? Le risque n’est pas nul que la communication de François provoque un grand malentendu. Rendez-vous dans un an ou deux.

  • Depuis longtemps je hurle ici que trop de communication tue la communication. Au risque de banaliser la parole du pape et de diminuer la fonction. J'ai été jadis fortement attaqué par Mizuki à propos de cette opinion. Mais je suis toujours du même avis.

  • @ pierre de v ... Quoi que disent nos Papes, ou même s'ils se taisent, il y aura toujours des gens (y compris chez les catholiques) qui trouveront qu'ils en disent trop ou trop peu à leur goût. Il est impossible de plaire à tout le monde et à Dieu le Père. Car le monde est un spectacle des désunions les plus terribles, une vraie tour de Babel. Essayons au moins comme catholiques de montrer notre unité autour de nos Papes, qui en sont le symbole visible aux yeux du monde.

  • On peut être acteur d'unité et s'interroger sur la communication hasardeuse du pape.
    Quand se dernier accepte une interview d'un journaliste sans enregistrement ni vérification, faut pas être surpris du joyeux bazar que Lombardi doit gérer après...

    On en pense ce que l'on veut mais la razzia subie par les Franciscains n'a reçu aucune justification.
    François a juste confirmé qu'il suivait personnellement ce dossier. C'est un fait pas une opinion.

    Mgr Bonny bénéficie de beaucoup de largesses en comparaison...

    L'obéissance ne s'applique pas partout.

  • C'est marrant, comme dans l'article, je meurs d'envie de dire : ça vous regarde, les mesures que prend le Saint-Siège envers les congrégations ? Vous croyez que tout est à déballer sur la place publique, les tenants, les aboutissants, pour justifier enfin la pointe de l'iceberg, la conclusion de l'affaire, qui est tout ce que nous en voyons ? C'est fou cette envie de tout un chacun de se faire censeur, contrôleur du travail bien fait...

  • @ brenti ... D'accord avec vous. Mais je crois que cela a toujours existé et existera toujours, des catholiques qui se veulent plus catholiques que le Pape. Ils sont comme ces 'supporters' qui aiment leur équipe de football, mais qui sont toujours persuadés de savoir mieux que l'entraîneur quelle équipe il faut aligner et quelle tactique adopter pour avoir des résultats.
    .
    Or, il est certain que le Vatican dispose d'informations sur la situation, sur les attentes et sur les besoins de l'Église universelle, dont ces 'supporters' ne disposent pas. Chacun de nous ne connaît que sa situation personnelle ou locale. Cela ne nous autorise pas à croire que le Vatican devrait venir consulter la petite Belgique seule avant de savoir ce qu'il faut faire. Ce serait croire que la situation de l'Église en Belgique serait bonne au point d'être donnée en modèle au monde entier.

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