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« Relatio synodale » à mi-parcours: du côté de ceux qui se réjouissent

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Cet autre son de cloche on le trouve dans « La Vie », sous la signature de Marie-Lucile Kubacki, qui se réjouit par avance de l’abandon du combat mené par saint Jean-Paul II et ajoute, pour conclure, une sentence  à la louange du pape François : « là où Benoît XVI faisait de la charité une conséquence de la vérité, François semble vouloir partir de la charité pour mener vers la vérité ». Il faut espérer qu’il s’agisse de la même (JPSC) :

« Surprise à Rome : sous l’impulsion du pape François, qui a libéré la parole, les évêques changent de discours sur la famille.

« Séisme pastoral », « bombe », « coup de théâtre »… Les observateurs n’ont pas de mots assez forts pour qualifier la relatio, synthèse des contributions des 191 pères depuis le début du synode, rendue publique à Rome le 13 octobre. Il y a presque tous les sujets qui fâchent : divorcés remariés, cohabitation avant le mariage, accueil des homosexuels dans l’Église. Et un ton radicalement nouveau.

Un virage à 180° depuis Jean Paul II

Certes, ce n’est qu’une synthèse à mi-parcours et les pères synodaux doivent encore « approfondir » les pistes évoquées, comme l’a déclaré le cardinal Péter Erdö, archevêque de Budapest et rapporteur général du synode, qui, une semaine avant les échanges, présentait une synthèse présynodale diamétralement opposée. Mais le ton est donné et l’appel du cardinal Walter Kasper qui, à la demande du pape François, avait ouvert la réunion préparatoire il y a un an en appelant à un « changement de paradigme » semble avoir été entendu.

L’idée forte est qu’il faut sortir du « tout ou rien » dans la pastorale familiale et oser se risquer à des « choix courageux ». « Confirmant avec force la fidélité à l’Évangile, lit-on dans la relatio, les pères synodaux ont perçu l’urgence de chemins pastoraux nouveaux, qui partent de la réalité effective des fragilités familiales, en reconnaissant que, le plus souvent, celles-ci sont “subies” plus que choisies en toute liberté. » Mais, poursuit le texte, « envisager des solutions uniques ou s’inspirant de la logique du “tout ou rien” n’est pas signe de sagesse. » On ne part plus de la vérité et de la doctrine pour aller vers les gens, on part des gens, où qu’ils en soient, pour les accompagner vers la vérité de l’Église et de l’Évangile. C’est déjà ce qui se passe en bien des endroits. Mais c’est la première fois que l’institution, à un si haut niveau, reconnaît si clairement l’état de fait.

> A lire aussi : notre synthèse des principaux passages de la relatio
 

Un mot pourrait résumer l’esprit de cette synthèse : pragmatisme. Une proposition revient de manière récurrente : reconnaître des « aspects positifs » dans les situations de cohabitation avant le mariage et dans les mariages civils. « Une nouvelle sensibilité de la pastorale d’aujourd’hui consiste à comprendre la réalité positive des mariages civils et, compte tenu des différences, des concubinages. Il faut que dans la proposition ecclésiale, tout en présentant clairement l’idéal, nous indiquions aussi les éléments constructifs de ces situations qui ne correspondent plus, ou pas encore, à cet idéal. »

Par rapport à l’exhortation apostolique Familiaris consortio de Jean Paul II, fruit du précédent synode sur la famille en 1981, c’est un virage à 180°. Sur le concubinage, le pape polonais exhortait les communautés ecclésiales à certes « bien connaître de telles situations et leurs causes concrètes, cas par cas », à « approcher avec discrétion et respect ceux qui vivent ainsi ensemble »mais pour « leur donner un témoignage familial chrétien, autrement dit tout ce qui peut les acheminer vers la régularisation de leur situation ». Les mots ont un sens et celui de « régularisation » employé alors par Jean Paul II, qui présupposait l’irrégularité, n’apparaît à aucun moment dans la synthèse de 2014.

Sur le mariage civil entre catholiques, même grand écart. En 1981, Jean Paul II, tout en constatant « un certain engagement dans un état de vie précis et probablement stable », concluait que, « malgré cela, l’Église ne peut pas non plus accepter cette situation ». En 2014, la question n’est plus de savoir s’il faut accepter ou non le seul mariage civil. Puisque la situation existe, on fait avec, même si les pasteurs ne doivent pas renoncer à accompagner les couples vers le mariage chrétien : « Dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs », stipule la relatio.

Premières objections au document 

Plus loin, encore, il est écrit que « les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne » même si la position de l’Église sur le fait que « les unions entre des personnes de même sexe ne peuvent être assimilées au mariage entre un homme et une femme »est confirmée. Quant à la possibilité d’ouvrir les sacrements aux divorcés remariés, au terme d’un « chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants », elle est sérieusement étudiée. En distinguant toutefois les « victimes » de séparation des « auteurs ».

Avec un tel revirement de perspectives, et compte tenu de l’ambiance tendue du synode, il est évident que c’est un électrochoc pour tous ceux qui campaient sur les positions de Jean Paul II. D’ailleurs les premières objections n’ont pas tardé à émerger. Dès la première session de travail après la publication de la relatio, certains pères synodaux ont « regretté la quasi-absence dans le texte du mot péché, et rappelé combien le Christ a fortement condamné le danger de céder à la mentalité du monde ». Le président de la conférence épiscopale polonaise, Stanislaw Gadecki, juge quant à lui la ­relatio « inacceptable » pour bon nombre d’évêques.

François se démarque de Benoît XVI

On pourrait se contenter d’expliquer ce bascule­ment par une volonté de parler différemment, de ne pas faire fuir les catholiques des périphéries en s’adressant à eux en des termes dissuasifs. La première semaine, des évêques ont en effet appelé à bannir des expressions comme « mentalité contraceptive » ou « vivre dans le péché ». Mais on aurait tort de ne voir là qu’un effet de style ou une stratégie de communication.

Si François confirmait ces orientations dans l’exhortation apostolique qu’il devrait prononcer en 2016, il s’agirait d’une inversion de perspective dans la lignée de l’exhortation apostoliqueEvangelii gaudium, son programme pontifical. Il déclarait alors : « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. » Ainsi, là où Benoît XVI faisait de la charité une conséquence de la vérité, François semble vouloir partir de la charité pour mener vers la vérité.

Ref. Le Synode des évêques renverse la table

Relevant de la même « sensibilité », lire ici  Pour le cardinal Luis Antonio Tagle, "l'année qui vient va être cruciale" l’interview par « La Vie » du cardinal Tagle, archevêque de Manille : Tagle est un disciple de l’ « école progressiste de Bologne » pour laquelle « la tradition est aussi faite de ruptures ». Il est président délégué du synode. Dans une conférence de presse, il a salué le « groupe des héros » auteur de la « relatio » controversée et déclaré ironiquement « le drame continue ». A bon entendeur...

JPSC

Commentaires

  • Vérité ou charité? A ce propos, une pensée de Raïssa Marirain (Le Journal de Raïssa, édité par son époux, Jacques Maritain): "Dieu, c’est pour nous d’abord la Vérité et puis l’Amour, car s’il n’était pour nous d’abord la Vérité il serait n’importe quel amour. Mais il est seulement cet amour qui ne fait qu’un avec la vérité souveraine et éternellement vivante.

    Et encore de la même Raïssa: "Une seule force peut s’opposer encore à la folie générale : l’intelligence éclairée par la foi – pour sauver ce qui peut encore être sauvé.

    A méditer.

  • @ libert pierre … Question de forme. Je suis toujours perplexe quand une personne utilise le mot 'Amour', qui peut vouloir dire des tas de choses dans la langue française. Et surtout lorsque cette personne est catholique. Pourquoi le mot 'Charité' ou l'expression 'Amour Charité' tendent-ils à être escamotés ? Ils sont pourtant beaucoup plus précis et beaucoup plus catholiques que le mot 'Amour', très ambigu.

  • Parlant des vertus théologales, s. Paul affirme avec raison que "la plus grande de toutes, c'est la charité", qui englobe et assume (dans le sens d'une assomption) tout le reste. Qua Raïssa Maritain affirme le contraire est compréhensible de la part d'une intellectuelle. Or, la vérité ne peut se comprendre et se dire que dans la charité. C'est le sens pratique de la "correction fraternelle".

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