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France : les séminaristes à l'heure du choix

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Ce sera le rendez-vous ecclésial de l’automne. Du 8 au 10 novembre, les hommes qui se préparent à devenir prêtres pour l’Eglise de France se retrouveront lors d’un grand pèlerinage à Lourdes. L’occasion de faire tomber les murs entre une trentaine de lieux de formation, qui se disputent (sans toujours l’avouer) ces oiseaux devenus très rares sous nos latitudes. Quelques éléments d’analyse par Jean Mercier, sur le site de l’hebdomadaire « La Vie » :  

« En septembre, 138 nouveaux candidats sont entrés dans la carrière (sic ndB) rejoignant 710 compagnons plus avancés. Comment un candidat à la prêtrise choisit-il le lieu où il va, pendant 6 ans, apprendre le métier ? Il se détermine de moins en moins selon une loyauté géographique (pour le diocèse qui l’a vu grandir), mais se décide au terme d’une longue étude de marché, selon ses goûts et sa sensibilité. Et les modes aussi.

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Dans son bureau de l’abbaye d’Evron, un sublime vaisseau de pierre situé dans la campagne mayennaise où la Communauté Saint Martin vient de s’installer, le responsable de la formation, Don Louis-Hervé Guiny, a les idées claires quand on lui demande pourquoi son séminaire arrive en tête en cette rentrée 2014 (photo), avec 26 recrues, soit quasiment autant que l’année précédente : « La vie commune que nous vivons préfigure la vie des prêtres en communauté, de plus en plus considérée comme indispensable. L’autre facteur est une fierté sacerdotale ». La Communauté est connue pour son attachement à la liturgie de Vatican II, mais interprétée de façon traditionnelle. Au delà de ces marqueurs souvent très attirants pour les jeunes catholiques, la Communauté Saint Martin propose un cadre clair sur l’exercice futur du ministère de ses hommes : un ministère fortement ancré sur le terrain, une vie communautaire systématique. Une netteté qui fait sa force... « Avant d'entrer ici, les deux tiers de nos séminaristes se posaient la question de la vocation sans trop croire à sa réalisation. L'existence de notre communauté a permis l'incarnation de leur vocation. Ils ont pu se projeter. Je crois que la vocation de beaucoup de garçons ne parvient pas à éclore car elle ne peut pas s’incarner dans une représentation mentale, compte tenu du flou qui existe parfois sur la théologie du sacerdoce. Notre fécondité s’explique par le modèle fort qui préside à notre formation, et qui se prolongera dans la vie du prêtre, sur le terrain. »

Un modèle fort ? Serait-ce l'expression d'un prurit identitaire dont il conviendrait de s'inquiéter ? Ou plutôt une revendication très humaine, celle de savoir où l’on met les pieds, qui ne rimerait pas forcément avec le repli sur soi ? Quand on s’engage sur une voie aussi radicale que la prêtrise, qui implique déjà une forte rupture avec ses pairs, notamment à cause du célibat, pas question de se tromper... Les conditions d’engagement doivent être très lisibles, comme l’explique aussi le Père Aymeric de Salvert, responsable des vocations aux Missions Etrangères de Paris : « Les jeunes ne peuvent répondre à des défis exigeants que si le cadre est précis. Chez nous, on a la chance d’avoir des repères immuables depuis 350 ans. On part comme missionnaire en Asie. On va vers les non-chrétiens. On participe à la formation du clergé local. Cette identité forte est paradoxale : elle attire et rebute à la fois. C’est ce paradoxe qui explique que nous recrutons encore, en accueillant des profils aux sensibilités très diverses ».

La prime à l’identité forte se vérifie aussi dans certains lieux de formation où le magnétisme de l’évêque joue un rôle déterminant, si l’on en croit deux diocèses dont les effectifs sont disproportionnés par rapport à leur bassin de recrutement : Fréjus-Toulon (Mgr Dominique Rey) et Bayonne (Mgr Marc Aillet), deux hommes à la personnalité puissante, pour ne pas dire clivante, qui attirent des jeunes venus de toute la France. Un phénomène qui suscite la perplexité – que se passe t-il si l’évêque s’en va ? – mais révèle un énorme besoin de paternité, au delà de toute considération idéologique. En effet, on trouve aussi bien à Toulon des séminaristes en soutane qu’en jeans-baskets.

Mais choisir un lieu de formation selon une projection trop personnelle peut se révéler contreproductif, selon le Père Didier Berthet, supérieur du séminaire d’Issy les Moulineaux, où se forment des ressortissants de plusieurs diocèses : « On ne peut nier que les séminaristes sont attirés par certains lieux à forte identité, dans laquelle les séminaristes trouvent une sécurité réelle. Mais en donnant trop de poids à sa volonté et ses goûts pour optimiser son choix, s’appuie-t-on sur Dieu, ou sur soi-même ? En cas de déception, le séminariste se retrouve fragilisé, car il remet en question sa vocation. Or il y a toujours des épreuves dans un parcours de formation. » Même son de cloches chez le Père Stéphane Duteurtre, supérieur du séminaire de Paris : « Il y a sans aucun doute chez les jeunes la tentation de chercher la meilleure formation, qui correspond à un fantasme du “parcours idéal”. Mais le séminariste est très vite confronté au réel, à ce qu’il est vraiment, avec ses limites. Et à ce qu’est réellement l’Eglise. Alors, les fantasmes tombent très vite ».  

Entre besoin de sécurité et quête identitaire, le choix d’un lieu reste une alchimie secrète, où l’on peut pourtant isoler des critères gagnants. La joie de vivre, d’abord. La qualité de la formation, ensuite, les jeunes privilégiant aujourd'hui la fidélité au Magistère. La dimension missionnaire, enfin, plébiscitée par tous. Le facteur “historique” reste cependant prioritaire, comme en témoigne Damien, séminariste récemment rattaché à Nanterre après un long parcours avec les Légionnaires du Christ. « J’ai senti le besoin de me donner dans ce diocèse, où j’ai fait des rencontres importantes et trouvé la paix. Dieu parle à travers les circonstances ! » Et le terroir reste un facteur d’attachement puissant. Louis, 32 ans, qui étudie au séminaire universitaire des Carmes à Paris, n’aurait jamais songé à s’engager ailleurs que pour le diocèse de La Rochelle : « Ma vocation est ancrée dans ce pays où j’ai vécu si longtemps. Je me sens appelé par le Christ à le servir pour ce peuple là. Et pas un autre ! »

La course en tête des « Martiniens »

Ses prêtres en soutane sont devenus incontournables dans le paysage ecclésial. La Communauté Saint Martin, fondée en 1976, perçoit désormais les dividendes d’une lente et patiente progression, après avoir été longtemps marginalisée en raison de son style traditionnel. Ses 86 prêtres et diacres sont présents aux quatre coins de l’Hexagone, sous forme de petites équipes d’au moins trois prêtres, qui changent de lieu après leur mission. Elle vient en tête de tous les séminaires français, avec 95 candidats au sacerdoce. On comprend pourquoi les dossiers de demande s’accumulent sur le bureau du modérateur général, l’abbé Paul Préaux, en provenance d’évêques de toutes tendances et sensibilités, qui sollicitent son aide quand la pénurie de prêtres est devenue insupportable dans leur diocèse.

On voudrait se tromper en présumant qu’aucun évêque belge n’est venu frapper, jusqu'ici, à cette porte de Saint-Martin, ouverte à tous les diocèses en manque de prêtres. Et ce nonobstant les demandes exprimées par des communautés et groupes de fidèles confrontés à la grande misère des vocations dans notre pays. Etrange. Qui parle de pluralisme?

 Réf. France : les séminaristes à l'heure du choix

JPSC

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