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Rien ne justifie de provoquer la mort d’une personne pour laquelle « on ne peut plus rien »

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On sait que le débat est ouvert dans l'Hexagone sur la question de la fin de vie. Le communiqué de Mgr Rey éclaire les enjeux de ces discussions à la lumière de l'enseignement de l'Eglise; les vérités qu'il rappelle méritent notre attention même si, dans notre pauvre pays, la ligne rouge a été franchie depuis longtemps...

Communiqué de Mgr Dominique Rey, évêque de Frejus-Toulon (source) :

Rapport Claeys-Leonetti : Entre ambiguïté et tentation de l’euthanasie

L’embarras qui entoure la publication du rapport Claeys-Leonetti remis au président de la République reflète l’ambiguïté dont il se refuse à sortir. On comprend qu’il n’est pas question d’aborder de front euthanasie et suicide assisté. Dont acte. En revanche, la proposition phare du rapport jongle avec les mots lorsqu’elle parle de « sédation profonde et continue ». Quel est cet « accompagnement vers la mort» pour permettre de «mourir dans la dignité » dont parle M. Hollande ?

Un « nouveau droit à mourir » ?

Créer ou reconnaître un nouveau droit à mourir, c’est pour le moins favoriser le développement d’une mentalité euthanasique. Faire de la sédation en phase terminale, déjà pratiquée par les médecins en particulier dans le cadre de soins palliatifs, un droit du patient, c’est modifier de fait la relation entre le médecin et son patient. On a du mal à comprendre pourquoi ce protocole devrait faire l’objet d’un droit sauf à penser que les médecins ne remplissent pas leur mission ou, plus simplement, à induire des pratiques euthanasiques là où une sédation peut être légitime face à une détresse extrême. La sédation en phase terminale, acte pris collégialement, est déjà suffisamment délicate pour qu’on ne rajoute pas de pression aux médecins en les empêchant de privilégier toujours l’écoute et la qualité de la relation avec leurs malades. Pour soulager les souffrances il faut parfois prendre le risque d’accélérer la mort du malade, mais « faire mourir ne peut jamais être considéré comme un soin médical, même si l’intention était seulement de répondre à une demande du patient ».

Le nouveau droit n’introduit-il pas de la confusion là où l’on attend clarté et apaisement ? Ne nous leurrons pas : l’utilisation d’un vocabulaire très technique pourrait servir à détourner le principe du respect de la vie en permettant certaines dérogations.

Lorsqu’une loi prétend introduire et défendre un nouveau droit, il est inévitable de voir les demandes d’en bénéficier affluer, en l’espèce demandes d’ « endormissement » jusqu’à la mort. Le nouveau droit n’introduit-il pas de la confusion là où l’on attend clarté et apaisement ? Ne nous leurrons pas : l’utilisation d’un vocabulaire très technique pourrait servir à détourner le principe du respect de la vie en permettant certaines dérogations. Il est tout à fait adapté de parler ici de « droit fondamental » à la vie, principe inviolable qui est à la base de toute vie en société, principe qui ne doit pas conduire non plus à l’acharnement thérapeutique. Il ne souffre aucune exception : un régime de « dérogation encadrée » mène souvent aux pires excès.

Il est à craindre également que les directives anticipées, si elles devaient s’imposer au médecin, ne favorisent pas la confiance et le dialogue entre patients et soignants. Elles pourraient même inciter les plus fragiles à des demandes radicales, qui disparaissent lorsque les personnes en fin de vie sont prises en charge dans de bonnes conditions.

Prendre soin de la fragilité

Si l’on doit saluer la volonté de développer les soins palliatifs et d’améliorer la formation des médecins sur les questions de fin de vie, il est urgent de ne pas céder à des dérives qui pourront conduire à l’euthanasie. Comment ne pas rappeler à ceux qui préparent et votent les lois les paroles fortes du Pape François, lors de sa visite à Strasbourg, sur la vocation de parlementaires : « Vous êtes appelés à prendre soin de la fragilité », c’est-à-dire à lutter contre la « culture du déchet » qui a tendance à ne considérer la vie humaine qu’en fonction de son utilité. Lorsqu’elle ne l’est plus, « elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades, des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin. »

L’Eglise, qui encourage l’argumentation rationnelle sur ces questions, se souvient aussi que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu. « Affirmer la dignité de la personne, c’est reconnaître le caractère précieux de la vie humaine, qui nous est donnée gratuitement. » Pas plus que de sa vie, qu’il reçoit de Dieu, l’homme n’est le maître de sa mort. Aimer la personne mourante, c’est aussi accepter de se laisser désarmer par sa fragilité extrême : la vulnérabilité ne fait jamais perdre la dignité. Rien ne justifie de provoquer la mort d’une personne pour laquelle « on ne peut plus rien ».

Enfin, il n’est pas inutile de se souvenir que la mort n’est pas irrémédiablement fermée à toute perspective de sens et à toute espérance. Pouvoir ne pas la vivre seul est aussi un droit de la personne qu’il faudrait être capable d’honorer de même que la possibilité de la préparer à la rencontre avec Dieu.

Commentaires

  • Bravo et merci Monseigneur Rey. Tout est dit et bien dit.
    Ce rapport est une fourberie car il crée délibérément la confusion pour introduire l'euthanasie, le droit de tuer. Les médecins devront-ils faire précéder leur numéro d'inscription à l'ordre des médecins d'un double zéro, signe du permis de tuer.

    Endormir jusqu'à ce que la mort s'en suive est un homicide volontaire avec préméditation, éventuellement commis en bande organisée.
    Il est possible de tuer avec de la morphine, des barbituriques, des curares, du chlorure de potassium, de l'insuline, de la digitaline et mille autres poisons donnés en dose létale. Mais ces substances, à doses contrôlées sont des drogues utiles. Et en cas de surdosage, d'intoxication, pour tous ces poisons il existe des antidotes. Il est (presque) toujours possible de « rattraper » une intoxication menaçant la vie. Tous les anesthésistes réanimateurs le savent, tous les centres de soins intensifs le font. Mais évidemment si le médecin décide, non pas de laisser mourir, mais de faire mourir, alors le patient va mourir, intentionnellement.

    Pas de droit sans devoir. Un droit opposable crée un devoir, une obligation de le satisfaire. Je réclame moi, comme médecin, le droit (et le devoir) de faire exclusivement ce qui est dans l'intérêt de mon patient, sans que celui-ci ait à me dicter ma conduite, sans tenir compte de raisons financières. Soulager est un devoir du médecin, tuer non, même par compassion.
    De facto il n'y a pas de liberté individuelle du médecin ou de l'infirmière dans les centres qui pratiquent l'euthanasie (ou l'avortement). Je refuse que ce déni de liberté de conscience le soit de jure. Non, ni la loi, ni mon patient, n'ont à me dicter ce que j'ai à faire.
    Si vraiment quelqu'un a envie de mourir qu'il trouve un exécuteur qui ne soit pas médecin, ce n'est pas son rôle et c'est contraire à son éthique et au serment d’Hippocrate originel. Pour ma part j'ai toujours essayé et j'essaierai toujours d'empêcher les suicides et de récupérer les tentatives manquées.
    Soulager mais pas tuer. Tuer n'est pas soulager.

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