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"Nous avons trouvé le Messie" (Homélie pour le 2e dimanche du temps ordinaire)

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Homélie du frère Francesco de l'Abbaye Sainte-Anne de Kergonan (source) :

1. « (André) trouve d’abord son frère Simon et lui dit : “Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ)” » (Jn 1, 41). Quant à nous, Frères et Sœurs, à cause de la répétition de ce verbe trouver, nous serions tentés de prendre ce jour pour « le dimanche des trouvailles » ou même des retrouvailles ! Avec le retour des dimanches en couleur liturgique verte, nous retrouvons la saveur unique des origines, le charme des commencements qui nous renvoient aux premiers instants d’une aventure inimaginable, et qui pourtant est effectivement arrivée. Une aventure qui se poursuit jusqu’à maintenant, à travers la chaîne ininterrompue de ceux qui ont trouvé Jésus et en ont témoigné, permettant à d’autres de le trouver à leur tour.

Si nous sommes réunis dans cette église en ce début de l’Année, c’est bien parce qu’un fait est advenu qui a changé la face de la terre et l’histoire du monde. Ce fait, l’évangile de Jean qui vient de retentir à nos oreilles ce matin en est en quelque sorte le récit exact. Un événement historique a été perçu par la raison (« Nous avons trouvé le Messie » : Εύρήκαμεν τον Μεσσίαν), il a été cru par la foi puis transmis de personne à personne. Cette transmission s’est faite sur une échelle de plus en plus large jusqu’à atteindre les extrémités de la terre. Mais a-t-elle atteint aujourd’hui le fond de notre cœur ? Les paroles que contient ce récit sont de celles dont rien ni personne n’a pu empêcher l’écho de s’amplifier à l’infini. Elles relatent en effet quelque chose d’inaugural : la formation du premier noyau des disciples, duquel naîtra le collège des apôtres, et de là, de proche en proche, toute la communauté chrétienne.

2. Dans ce passage évangélique, nous saisissons sur le vif la dynamique de la foi et ses trois moments caractéristiques : un fait arrivé qui est une rencontre, une présence exceptionnelle qui fascine, et enfin la stupeur, l’éblouissement qu’elle engendre chez ceux qui vivent l’événement et le ressentent comme un appel. Dans quelques mois l’Église ouvrira l’Année de la foi : une bonne raison pour essayer de mieux comprendre que le fondement de la foi chrétienne est « la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » comme nous le rappelle souvent le pape Benoît XVI (Deux caritas est, n. 1 ; cf. Porta fidei, n. 11).

La première caractéristique de la foi au Christ, c’est donc de partir d’un fait, un fait advenu qui a l’aspect d’une rencontre : ici un doigt, celui du Baptiste, pointé vers le Messie attendu, et une rencontre : « Ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 39). Contrairement à ce que pensent certains, la foi met en œuvre la raison, elle est même ce qui l’exalte au plus haut point. La foi est un mode de connaissance, un mode indirect certes, mais un mode très sûr, dès lors qu’on a reconnu raisonnablement la crédibilité du témoin, qu’on peut se fier à lui en toute sécurité. Même appliquée à quelque chose qui dépasse infiniment la raison, la foi reste une méthode qui met en jeu la raison. Dans ce cas croire est ce qu’il y a de plus raisonnable. (...)

3. Mais comment fait-on pour reconnaître le Christ ? Comment André et Jean, eux deux les premiers, ont-ils fait pour être conquis aussitôt et le reconnaître sans ambiguïté (« Nous avons trouvé le Messie » [Jn 1, 41]) ? Dans cette page d’évangile se détache lumineuse la réponse donnée par Jésus à ceux qui le cherchent : « Venez, et vous verrez » (Jn 1, 39). C’est cela la formule chrétienne, la méthode chrétienne par excellence : tout part de l’expérience vécue d’une présence qui nous précède et nous attend. Il y a une apparente disproportion entre la modalité très simple, presque banale, de ce qui est arrivé « ce jour-là » (Jn 1, 39) et leur certitude à eux, si forte qu’elle est inébranlable. Il devait être facile de reconnaître cet homme-là, qui il était : non pas dans les détails, mais dans sa valeur unique et incomparable, proprement divine. Ils étaient entrés en contact intime avec une présence exceptionnelle et absolument fascinante, la divine Présence. Concrètement quand peut-on définir une présence comme « exceptionnelle » ? Quand elle correspond adéquatement aux attentes originelles de ton cœur, fussent-elles confuses, et même si tu n’en as pas conscience. Quand elle réalise une correspondance parfaite avec ce que tu désires de plus profond. C’est précisément ce qui se passe ici : on a deux hommes dans le cœur desquels une impression nouvelle est entrée à l’improviste, irrésistible, une trace décisive et ineffaçable s’est imprimée, parce qu’un fait inouï, totalement nouveau dans le monde, leur est apparu. Ils sont envahis par le sentiment du mystère qui s’est immiscé dans leur propre vie et lui donne enfin tout son sens.

4. Ces deux-là ont entendu dire en ce monde-ci des choses de l’autre monde, et pourtant ces choses n’étaient pas totalement étrangères à leur mentalité car elles faisaient partie de l’histoire de leur peuple qui attendait le Messie. Mais les entendre dire concrètement, avec un accent qu’ils n’avaient jamais perçu auparavant, par quelqu’un qui était là assis devant eux et les avait invités chez lui (« Rabbi, où demeures-tu ? » [Jn 1, 38]), cela changeait tout et comblait leur attente. Personne n’avait jamais parlé ainsi, c’est certain.

Le caractère exceptionnel de ce qu’il annonçait était pour eux d’une telle évidence qu’ils l’ont vécu comme s’il s’agissait d’une chose simple (et de fait c’était fort simple !), d’une réalité facile à comprendre, pour laquelle désormais ils sont prêts à le suivre toute leur vie.

La deuxième caractéristique de la foi, c’est donc une présence fascinante, comblante et transformante. Ils ne sont plus les mêmes. Le surgissement de la foi comme rencontre qui dévoile l’homme à lui-même. La première chose que Jésus te demande n’est pas d’adhérer à une doctrine, d’observer des commandements ou de réciter des prières, mais de rentrer en toi-même et de connaître ton désir profond : Que cherches-tu vraiment ?

5. Dernier moment caractéristique dans cette dynamique de la foi : la stupeur, l’émerveillement engendré par la rencontre avec ce qu’ils cherchaient sans le savoir. Cet éclair de vérité qui jaillit d’une expérience unique est aussi un appel à suivre Jésus, lui le Messie, et simultanément l’invitation à annoncer son message. Suivre le Christ parce qu’il est en mouvement (« Jésus allait et venait » nous dit Jean [1, 36]) et que son mouvement est entraînant, alors que Jean Baptiste, lui, a fini sa course. C’est cette stupeur qui constitue les apôtres (elle les projette en mission) et qui façonne les martyrs (en les faisant témoigner jusqu’à donner leur vie). Car l’appelé ne s’appartient plus (cf. 1 Co 6, 19) : il est tout entier à un autre qui l’a saisi et qui fait de lui un homme nouveau. Cela, la dernière phrase du texte nous le redit à sa manière : « André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : “Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képha” (ce qui veut dire : pierre) » (Jn 1, 42). Rien ne pourra plus arrêter cette dynamique : en Képha la pierre, toute l’Église est en germe, tout entière elle s’appuie sur cette pierre, sur ce roc ! Forts de cette assurance, nous professons la foi de Pierre en chantant le Credo.

frère Francesco

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