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Les vingt ans d'Evangelium Vitae

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Jean_Paul_II_-_1(1).jpgDe zenit.org :

Evangelium Vitae, une feuille de route, claire, forte, concrète

Entretien avec le P. Lelièvre pour les 20 ans de la publication de l'encyclique 

« Une Lettre lumineuse, prophétique », « une feuille de route, claire, forte, concrète » : c'est en ces termes que le prêtre français Hubert Lelièvre salue l'encyclique Evangelium Vitae, du pape Jean Paul, 20 ans après sa publication (25 mars 1995).

Le P. Lelièvre, fondateur de la Famille Missionnaire l'Evangile de la Vie est aussi délégué épiscopal à la famille, dans le diocèse d'Avignon. Il répond aux questions de Zenit, sur son engagement au service de la vie et de la famille.

Zenit - L'encyclique Evangelium Vitae de saint Jean Paul II, souffle ses 20 bougies. Quels sentiments vous habitent à l'occasion de cet anniversaire ?

P. Hubert Lelièvre - D'abord un sentiment d'une immense reconnaissance pour ce document dont Jean Paul II lui-même dira qu'il est le cœur du magistère de son pontificat (14.2.2000). Une Lettre lumineuse, prophétique. Saint Jean Paul II a vu de l'intérieur que le combat de la vie et de la famille était central pour l'Humanité d’aujourd’hui, avec une force particulière pour nos générations confrontées à la méta-tentation. Une tentation supérieure à celle du péché originel, autour des questions de la vie et de la famille. Jean Paul II, visionnaire au sens propre du terme, voyait bien le combat entre la Vérité et le nihilisme qui allait se dévoiler, se déchaîner de plus en plus, exprimée par l'apostasie silencieuse de la foi et le relativisme. Avec Humanae Vitae et l’Évangile de la Vie, nous avons les deux poumons pour la formation et l'engagement au service de la Vie. La colonne vertébrale étant la loi naturelle, donnée au Matin du monde, et inscrite dans la conscience de chaque personne humaine. Oui, immense reconnaissance à l’Église, ma Mère, de nous donner une feuille de route, claire, forte, concrète.

Comment est née cette encyclique ?

Saint Jean Paul II a vécu depuis son enfance cet Évangile de la Vie, avec ses joies, ses combats, ses victoires et le déchaînement de la haine contre la personne humaine. Contre des peuples. Il a connu le totalitarisme, les idéologies destructrices de la personne humaine. ll le confiera lui-même à plusieurs reprises. Au cours de son pontificat ce sont plusieurs milliers de pages qui sont nécessaires pour rassembler son enseignement, ses avertissements, ses appels en faveur de la vie humaine. Plus de deux fois par semaine pendant les années de son pontificat, il a parlé de la vie et de la famille.

Unanimement les cardinaux réunis en Consistoire extraordinaire début avril 1991, ont demandé au Pape Jean Paul II que l’Église puisse répondre aussi aux nouvelles questions posées par les avancées scientifiques, à travers une Encyclique, réaffirmant ce que vivait l’Église, ce qu'elle avait reçu et dont elle portait la responsabilité pour le bien de l'Humanité, quitte à ne pas être comprise dans un premier temps. Le Saint-Père, à la Pentecôte 1991, écrira à tous les Évêques du monde en ce sens. Puis, on voit combien l’Évangile de la Vie est déjà présent au cœur de l'enseignement du Pape, lors des JMJ de Denver, en 1993. Le Pape invite les jeunes à le crier sur les toits ! Enfin, ce sera la parution, le 25 mars 1995, solennité de l'Annonciation.

Personnellement, comment avez-vous reçu cette encyclique ?

Je l'attendais. Je l'ai reçu comme un immense cadeau dans ma vie de prêtre. Je ne vous cache pas que l’Évangile de la Vie a été un appel dans l'Appel de ma vocation. Je l'ai reçue comme si le Saint-Père m'écrivait une lettre, à moi, personnellement. Du reste, c'est presque simultanément que j'étais nommé aumônier du deuxième centre européen de recherche sur le sida. Ces deux événements ont été, de fait, un avènement dans ma vie de prêtre.

D'ailleurs, c’est à ce moment là que vous avez lancé la Famille Missionnaire l’Évangile de la Vie...

Oui. J'avais eu le texte de l'Encyclique quelques jours avant sa parution. J'ai dévoré le texte. Ou plus exactement, cette Lettre, comme un cri du cœur du Pape, m'a saisie, retournée au plus profond de moi-même. Les paroles du Pape s'inscrivaient dans mon âme, dans mon intelligence, saisissant toute ma personne. Mon cœur de prêtre. J'ai lu et relu cette Lettre, en soulignant et stabilotant bien des passages ! Les paroles de feu, qui ont particulièrement brûlé mon âme étaient :"Une grande prière pour la Vie qui parcourt le monde entier est une urgence" (EV 100) et puis celle-ci, cœur de l'être, de l'agir, de n'annonce et du service de la vie et de la famille : " L’Évangile de la vie n'est pas une simple réflexion, même originale et profonde, sur la vie humaine; ce n'est pas non plus seulement un commandement destiné à alerter la conscience et à susciter d'importants changements dans la société; c'est encore moins la promesse illusoire d'un avenir meilleur. L’Évangile de la vie est une réalité concrète et personnelle, car il consiste à annoncer la personne même de Jésus." (EV 29). Tout le reste en découle. Tout le reste en est le fruit. J'ai toujours reçu et vécu combien cette annonce de l’Évangile de la Vie était enveloppée d'une autre Encyclique de Jean Paul II, Dives in Misericordia. Les deux sont pour moi intimement liées. Comme un écrin sur laquelle cette annonce de la vérité sur la personne humaine peut être annoncée, vécue.

Vous avez déposé un document sur le bureau de Jean Paul II ?

J'ai rédigé quelques pages de ce que pouvait être une réponse à cet appel du Saint-Père de prier pour la vie, exprimé dans le paragraphe 100 qui reste à lire et à méditer. Il se trouve que ce petit document s'est retrouvé sur le bureau du Saint-Père. Par son secrétaire, j'ai eu la réponse et l'encouragement de Jean Paul II que c'était bien cela qu'il attendait, ce que son cœur désirait. Que c'est bien par la prière et à travers la prière que les nuages se dissiperaient et qu'une nouvelle saison au service de la vie serait de fait possible, comme don de Dieu.

Concrètement, qu'avez-vous fait alors ?

Nous avons d'abord pris conseil auprès de plusieurs associations et mouvements qui étaient déjà engagés au service de la vie et de la famille. Nous travaillons toujours en lien et en profonde communion avec des mouvements et associations. Puis, assez simplement, nous avons publié un premier numéro de l’Évangile de la Vie en 25000 exemplaires, qui a pu être présenté lors du premier congrès international des mouvements au service de la vie et de la famille, en octobre 1995, à Rome. La prière pour la vie qui conclue l'Encyclique a été imprimée. 20 ans après, cette prière a été diffusée en plus d'un million d’exemplaires, sur les cinq continents.

Que proposez-vous comme engagement ?

Nous proposons de porter la cause de la vie et de la famille dans la prière personnelle, familiale, paroissiale, communautaire etc..., en priant une dizaine du chapelet chaque jour. De se former dans un monde ou on veut nous formater ; et de s'engager à faire du bien là où je vis. Parce que la foi s'incarne. L'amour de la vie s'incarne. Tant de bien est à faire autour de moi. C'est aussi cela annoncer l’Évangile de la Vie. Pour permettre cette annonce et encourager à vivre l'engagement de prière, un journal parait six fois l'an. Puis un site internet et une collection de livres permet de nourrir les raisons de cet engagement. Cela s'adresse aux jeunes, aux fiancés, aux jeunes mariés, aux futurs prêtres, aux familles, aux personnes âgées.

Quelles valeurs défendez-vous ?

Aucune.

Quand même, vous défendez la valeur de la vie, du respect de la vie. Vous défendez et servez des convictions en ce domaine depuis plus de 20 ans ?

Non. La vie est d'abord un don. Un don de Dieu. Elle a de la valeur parce qu'elle est un don de Dieu. Parce que chaque personne est créée à son image et ressemblance et appelée à vivre avec Lui dans la Gloire. Dans l’Évangile Jésus dit : "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie". Et ailleurs il est écrit : "La Vérité vous rendra libre". C'est la vérité qui nous rend libre. Jésus ou Saint Jean ne parlent pas de convictions qui rendent libres ; ou bien d'opinions qui rendent libres. Ou encore de valeurs qui rendent libres. Non. Jésus parle de la Vérité. Il est la Vérité. La Vérité n'est pas une opinion, des valeurs, des convictions. La Vérité est une Personne. Celle de Jésus. La Vérité a un Visage depuis l'Incarnation. Le doux Visage de Jésus. Pour faire miennes les paroles de notre bien-aimé Pape Benoit XVI, nous sommes des "serviteurs de la Vérité". De la Vérité qu'est Jésus-Christ. De la vérité sur la personne humaine, défendant il est vraie, chaque personne depuis sa conception jusqu'à son terme naturel et son entrée dans la Gloire. C'est au nom de la Vérité que nous sommes des serviteurs-témoins de l’Évangile de la Vie. Nous nous trompons de combat quand nous cherchons à tout prix à défendre "nos valeurs" et "nos convictions". Notre combat est celui de la Vérité. C'est vrai au niveau de la foi : est-ce que je rayonne quand je ne dis rien de ma foi, quand je me tais ? C'est vrai aussi par la culture. Je vous renvoie au discours historique de Jean Paul II, à l'UNESCO, à Paris, le 2 juin 1980. Et à celui de Benoît XVI, aux Bernardins, en 2008. Lumineuses pages !

Le Sacrement du mariage n'est pas servir, défendre, protéger une valeur. Ni même des convictions. Lorsque les époux s'échangent le Sacrement, ils ne se disent pas : "Je défends ta valeur, tes convictions. Nos valeurs et convictions sur le Mariage chrétien mis ensemble, en commun, font que je fonde avec toi une famille". Je ne donne pas ma vie à des valeurs, à des convictions. Je n'expose pas ma vie pour cela. Nullement. Les époux s'échangent le Sacrement en ces termes : "Je te reçois et je me donne à toi...". C'est bien autre chose qu'une valeur et que des convictions.

Dans la réalité d'une personne au soir de sa vie, réduire la fin de vie à un primat des soins palliatifs, est une erreur. Réduire la fin de vie à un défi de fraternité est une erreur. Tout cela est utile et vrai, mais n'est pas premier. Au soir de la vie, de manière si forte, ce qui est premier et décisif, c'est bien le salut de l'âme. L’Éternité. Là encore, ne nous trompons pas de combat. Une personne en fin de vie qu'elle y croit ou pas, le désire ou pas, ce qui est certain, et ce sera un jour notre tour, est que "nous verrons Dieu tel qu'il est... face à face" !

Comment voyez-vous le combat pour la vie et la famille aujourd'hui ?

Il est clair que le combat est bien présent. On peut le résumer ainsi me semble-t-il. L'homme cherche à s'affranchir de manière définitive de la paternité de Dieu en refusant la Loi naturelle. Il veut "réaménager la création", selon la si belle expression de Benoît XVI, dans son livre "Regarder le Christ". Ainsi, évacuant la Loi Naturelle, Humanae Vitae et Evangelium Vitae n'ont plus lieu d'exister. Et de même pour Familiaris Consortio, le résumé de l'enseignement de l’Église sur la famille, sur le sacrement du mariage. On peut et doit parler ici d'un combat eschatologique. C'est peut être pas catholiquement correct, mais c'est un fait. Nous laisser éclairer et imprégner par l'homélie de Benoît XVI à Fatima, le 13 mai 2010 nous aidera à mieux saisir combien la cause de la vie et de la famille se trouve au cœur de la présence de Marie à Fatima, de son message pour l'Humanité. Benoît XVI n'a-t-il pas écrit ces mots qui bousculent les consciences, dans Caritas in Veritate (74 - 78) "Parce qu’on est désormais parvenu à la racine de la vie... la question fondamentale (est )de savoir si l’homme s’est produit lui-même ou s’il dépend de Dieu...Sans Dieu, l’homme ne sait où aller et ne parvient même pas à comprendre qui il est ".

J'ai personnellement pu m'entretenir de cela avec Benoît XVI.

Quelles sont les priorités selon vous ?

Pour nous catholiques, assumer notre foi. Ne pas commencer par s'excuser à chaque fois que nous prenons la parole. Dire que notre engagement est "non confessionnel" est une sédation silencieuse de notre foi. Jean Paul II et Benoît XVI parlaient de l'apostasie silencieuse, lorsque nous agissons ainsi. Assumer notre foi. Sinon, nous séparons, puis opposons la foi et la raison. L'un devenant très vite la rivale de l'autre. Et ainsi, nous bottons en touche aussi la doctrine sociale de l’Église.

Nous devons bien être conscients que ceux qui nous raillent, au fond d'eux mêmes nous admirent. Si, si nous ne renions pas notre foi. Ils ont soif eux aussi. Et Jésus a soif de leur âme ! Ne l'oublions pas. Si nous sommes des cathos constipés, c'est clair que cela ne donnera pas envie ! SI nous sommes contagieux de la joie de l’Évangile comme nous l'enseigne dans ses actes le Pape François, alors, les portes s'ouvriront. On peut nous railler publiquement. Mais le soir, ces mêmes personnes lorsqu'elles se retrouvent sur leur oreiller, comme elles nous envient !

Ensuite, dénoncer le mal c'est bien. Et il faut le faire. Annoncer, est urgent. Nous avons surtout le devoir d'annoncer d'abord, cet Évangile de la Vie, en posant des actes concrets. Ainsi, pourquoi ne pas ouvrir un campus universitaire avec les meilleurs professeurs sur la planète. Pour préparer une nouvelle génération de chercheurs, de médecins, infirmières, sages-femmes, intellectuels sur les questions bioéthiques, scientifiques. Sans renier notre foi en Jésus.

Mais aussi, par exemple l'ouverture de Miséricordes : dans un esprit de famille accueillir la vie (écoute etc...) ; accompagner au soir de la vie, permettant à chaque personne à vivre l'acte d’offrande cf Ste Thérèse). J'ai l'intime conviction que cela viendra un jour.

Les idées ne manquent pas.

C'est bien vos idées, mais il faut beaucoup d'argent !

Il faut surtout la foi. Nous manquons de foi. Prions Dieu qu'il nous donne des fous de son Amour, de sa Miséricorde. C'est de cela que nous avons urgemment besoin. L'argent suivra. Le problème de Saint Joseph n'a jamais été la planche à billets. Son souci est de passer d'une poche à l'autre. Cela dépend de lui. Mais aussi un peu de nous, par la prière et l'abandon confiants !

Alors...

Le temps est venu de poser des actes prophétiques, qui feront sortir notre société des impasses dans laquelle elle se trouve et apporteront des réponses concrètes aux défis de notre temps. Comme jamais, le monde regarde vers l’Église; c'est bien pour cela qu'elle est autant persécutée, parce qu'elle n'a jamais autant été aussi si belle, parce qu'elle n'a jamais autant fleurie ! Tous les signaux sont au vert contrairement à ce que d'aucuns pensent et disent ou veulent nous faire croise. Oui, tous les signaux sont au vert. Des portes s'ouvrent et vont s'ouvrir. Dieu va nous surprendre ! Si nous le voulons. Si nous Lui laissons l'initiative ! Une manière très simple de ne pas être déçus... est de s'engager dans cette aventure de la Vie !

Le P. Lelièvre vient de publier "Osez le Bonheur pour vos enfants" (Ed. du Peuple Libre) collection de l’Évangile de la Vie, des conseils concrets pour les parents dans leur mission d'éducateurs.

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