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Pape François : l’icône et l’homme

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L’image d’une personne publique ne correspond pas toujours à ce qu’elle est réellement. Les papes n’échappent pas à la règle. Pie IX, que l’on se représente toujours majestueux et sévère, était dans son comportement ordinaire un homme chaleureux et spontané, tandis que le « bon pape » Jean XXIII était, dit-on, moins facile à vivre pour ses proches. Jean-Paul II était, par contre, toujours égal à lui-même et sans calcul. Qu’en est-il des comportements du pape actuel ? La célèbre revue "National Geographic" rapporte quelques indications données par le Père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, sur la personnalité de François, pas aussi simple ni limpide qu’il y paraît. Sandro Magister l’évoque sur son site « Chiesa ». Extrait :

[…] « Les opinions du père Lombardi sont exprimées dans un long article, consacré au pontificat de François, qui a été publié dans le numéro du mois d’août de la célèbre revue internationale "National Geographic" :

> Will the Pope Change the Vatican? Or Will the Vatican Change the Pope?

Le journaliste américain Robert Draper, auteur de l’article, rapporte quelques phrases d’une conversation que le père Lombardi a eue, à Rome, avec l’un de ses collègues, l’Argentin Federico Wals, qui a été l’attaché de presse de Jorge Mario Bergoglio lorsque celui-ci était à Buenos Aires.

"Comment te sens-tu quand tu travailles avec mon ancien patron?", demande Wals. Et Lombardi de répondre : "Désorienté".

Il n’existe pas d’équipe parallèle, petite mais compacte, qui travaillerait au service personnel et direct du pape. Lombardi explique que chacun des collaborateurs de François, y compris les plus proches, connaît seulement une partie des décisions et des actes du souverain pontife.

À titre d’exemple, le père Lombardi cite une rencontre, à la Maison Sainte-Marthe, entre François et quarante personnalités juives, dont le bureau de presse et lui-même n’ont eu connaissance qu’une fois la rencontre terminée. "Personne n’est informé de la totalité de ce que le pape est en train de faire", explique Lombardi. "Pas même son secrétaire personnel. Je dois toujours passer une série de coups de téléphone : telle personne connaît une partie de son agenda, telle autre une autre partie".

Il découle de tout cela que Bergoglio utilise l'un ou l’autre de ses confidents les plus intimes en fonction de ce qu’il souhaite et de leurs capacités respectives.

Parmi ceux qui sont les plus proches de lui, certains sont argentins :

- Fabián Pedacchio Leaniz, son secrétaire personnel ;

- Guillermo Javier Karcher, cérémoniaire pontifical et responsable du protocole, le service de la secrétairerie d’état par lequel passent tous les documents du Saint-Siège ;

- Marcelo Sánchez Sorondo, chancelier des académies pontificales des sciences et des sciences sociales ;

- Víctor Manuel Fernández, recteur de l’Universidad Católica Argentina de Buenos Aires et intellectuel de référence du pape, bien que ses activités en ce domaine soient loin d’être brillantes :

> E questo sarebbe il teologo di fiducia del papa?

D’autres sont italiens :

- Antonio Spadaro, jésuite, directeur de la revue "La Civiltà Cattolica" ;

- Dario Edoado Viganò, salésien, directeur du Centre de Télévision du Vatican et également préfet du secrétariat à la communication récemment créé ;

- Battista Ricca, directeur de la Maison Sainte-Marthe, qui a été promu par François au poste de prélat de l’IOR [Institut pour les Œuvres de Religion], en dépit de ses antécédents scandaleux, en particulier à l’époque où il était conseiller à la nonciature de Montevideo, face à Buenos Aires sur le Rio de la Plata :

> Le prélat du lobby gay

En tout cas – toujours selon les termes mêmes du père Lombardi – même avec la curie proprement dite, le pape agit de manière non coordonnée, en s’appuyant tantôt sur tel ou tel fonctionnaire ou service, tantôt sur un autre :

"François a réduit de manière drastique les pouvoirs du secrétaire d’état, en particulier dans le domaine des finances du Vatican. Et il y a un autre problème : la structure de la curie n’est plus claire. Le processus [de réforme] est en cours et personne ne sait ce qui en sortira en fin de compte. La secrétairerie d’état n’est plus au centre de tout, comme elle l’était précédemment, et le pape a beaucoup de contacts qui sont dirigés seulement par lui, sans aucun intermédiaire".

Et cependant, ajoute Lombardi, ce désordre lui-même n’est pas sans présenter quelques avantages : "En un certain sens, il est positif parce que, dans le passé, des critiques ont été émises parce qu’il y avait des gens qui avaient trop de pouvoir sur le pape. On ne peut pas dire que ce soit encore le cas actuellement".

*
Le père Lombardi démythifie également la stratégie du pape François dans le domaine géopolitique. 

Il fait la comparaison entre ce que Benoît XVI lui disait, après une rencontre avec tel ou tel leader mondial, pour lui donner la possibilité de rédiger un communiqué faisant la synthèse de l’entretien, et ce que lui dit aujourd’hui le pape François :

"C’était incroyable. Benoît était d’une telle clarté. Il disait : 'Voici de quoi nous avons parlé ; je suis d’accord en ce qui concerne ces points-ci, j’aurais des objections à faire à propos de ces points-là ; voici quel est l'objectif de notre prochaine rencontre'. En deux minutes, le contenu de l’entretien était parfaitement clair pour moi. Lorsque je suis avec François [je l’entends me dire] : 'Celui-ci [que j’ai rencontré] est un homme sage ; voici les expériences intéressantes qu’il a vécues'. Pour François, la diplomatie n’est pas tellement une stratégie, mais plutôt quelque chose comme : 'J’ai rencontré telle personne, maintenant il y a entre nous un rapport personnel, maintenant nous allons chercher à faire du bien aux gens et à l’Église”.

*
En revanche le père Lombardi – toujours dans l’article paru dans le "National Geographic" – affirme avec insistance que François est "totalement spontané" même lorsqu’il accomplit des gestes éclatants comme, par exemple, l'accolade à trois que lui, le pape, l'imam musulman Omar Abboud et le rabbin juif Abraham Skorka, qui sont deux de ses amis argentins, se sont donnée à Jérusalem, devant le Mur Occidental. 

Mais l’affirmation selon laquelle Bergoglio serait une personnalité entièrement instinctive, portée à l’improvisation, a été démentie, dans ce cas spécifique, par le rabbin Skorka. Celui-ci a déclaré qu’il avait discuté avec le pape de l'idée de l'accolade avant même leur départ pour la Terre Sainte.

D’une manière générale, il existe de nombreux témoignages, émanant de gens qui connaissent Bergoglio de longue date, qui décrivent celui-ci comme un "joueur d’échecs", un calculateur raffiné, dont chaque journée est parfaitement organisée et chaque mouvement soigneusement étudié.

D’autre part voici ce que François a lui-même déclaré à la revue "La Civiltà Cattolica" à l’occasion d’une interview qui est la plus importante de celles qu’il a accordées depuis qu’il est pape :

"Je me méfie toujours de ma première décision, c’est-à-dire de la première idée qui me vient à l’esprit lorsque j’ai une décision à prendre. En général cette idée-là est erronée. Il faut que j’attende, que je fasse intérieurement une évaluation, en prenant le temps nécessaire pour cela".

De même il est difficile d’attribuer son comportement au contact des foules, tellement souriant et extroverti, uniquement à une inspiration spéciale du Saint-Esprit, survenue à la suite de son élection au souverain pontificat, comme lui-même l’a affirmé quelquefois. Tous ceux qui le connaissent depuis longtemps et sont de ses amis – le dernier en date à s’être exprimé à ce sujet étant l'archevêque Agostino Marchetto, dans une longue interview accordée à "Critica marxista" et publiée au mois de juin 2015 – parlent de lui comme de "quelqu’un d’extrêmement sérieux, qui ne riait jamais, jamais". Un changement aussi net dans le comportement extérieur ne peut pas ne pas résulter aussi d’une évaluation rationnelle de son opportunité.

Et l’on peut en dire autant en ce qui concerne l'évidente préférence du pape pour la communication orale par rapport à la communication écrite.

Dans le numéro de "L'Osservatore Romano" qui a été publié le 15 juillet, Mgr Viganò – c’est un spécialiste en la matière - a démontré que cette préférence n’est pas dépourvue de tout lien avec une pondération consciente, de la part du pape, des avantages apportés par l’oralité :

> Francesco nel villaggio globale

Toutefois on peut ajouter que François commence à mesurer également les inconvénients d’une communication orale trop désinvolte.

Lorsque, par exemple, François insiste sur la nécessité de soumettre les propos qu’il tient lui-même à une "herméneutique" correcte – comme il l’a fait au cours de la conférence de presse qu’il a donnée pendant le voyage aérien qui le ramenait à Rome à l’occasion de son dernier voyage – il pense peut-être également à la gaffe colossale qu’il a commise le 11 juillet à Asunción, dans une improvisation adressée aux représentants de la société civile et aux plus hautes autorités politiques du Paraguay.

En effet, à un moment donné, il a déclaré textuellement : "Il y a deux choses que, avant de terminer, je voudrais mentionner. Et cela, comme il y a des politiciens présents ici – y compris le Président de la République – je le dis fraternellement, n’est-ce pas ? Quelqu’un m’a dit : 'Ecoutez, telle personne a été séquestrée par l’armée, faites quelque chose'. Je ne dis pas que ce soit vrai, ou que ce ne soit pas vrai, que ce soit juste, que ce ne soit pas juste, mais l’une des méthodes des idéologies dictatoriales du siècle passé, auxquelles je me suis référé tout à l’heure, c’était d’éliminer les gens, ou par l’exil, ou par la prison, ou dans les camps d’extermination nazis ou staliniens par la mort, n’est-ce pas ? Pour qu’il y ait une vraie culture chez un peuple, une culture politique et du bien commun, [il faut qu’il y ait aussi] des procès rapides, des procès transparents. Et un autre genre de stratagème ne sert pas. La justice transparente, claire ! Cela va nous aider tous. Je ne sais pas ça existe ici ou non,  je le dis avec tout le respect. On m’en a fait part quand j’entrais. On me l’a dit ici. Et il m’a été demandé de prier pour quelqu’un. Je n’ai pas bien entendu le nom de famille".

Le nom que François n’avait pas “bien entendu” était celui d’Edelio Murinigo, un officier qui est séquestré, depuis plus d’un an, non pas par l’armée régulière du Paraguay – comme le pape l’avait compris – mais par une soi-disant "Armée du peuple paraguayen" (Ejército del pueblo paraguayo), groupe terroriste marxiste-léniniste qui est actif dans le pays depuis 2008.

Et pourtant, bien qu’il ait déclaré et souligné qu’il ne connaissait pas cette affaire, François n’a pas craint d’utiliser les informations peu nombreuses et peu claires qu’il avait mal entendues peu de temps auparavant pour accuser “fraternellement” le président du Paraguay, qui n’en était pas coupable, d’un crime qu’il a carrément assimilé aux pires atrocités nazies et staliniennes.

Il s’agit, là encore, d’une affaire qui donne raison au père Lombardi. Dans ce cas, l'impulsivité, la "spontanéité", l’ont emporté sur la pondération et il semble bien que le pape François ait concrétisé " la première idée qui me vient à l’esprit".

Tout l’article ici : Le père Lombardi, la voix de la vérité

JPSC

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