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Le père Xavier Dijon répond à Gabriel Ringlet : "Pourquoi, diable, tenir au respect inconditionnel de la vie ?"

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Dans un esprit de dialogue, le Père Xavier Dijon s.J. nous autorise à publier ici un texte qu'il a rédigé suite à la publication des propos de Gabriel Ringlet parus dans La Libre au sujet de l'euthanasie; nous lui en sommes très reconnaissants.

Pourquoi, diable, tenir au respect inconditionnel de la vie ?

Le plaidoyer proposé par l’abbé Gabriel Ringlet en faveur d’un accompagnement spirituel du geste euthanasique (LLB 03/09/2015) a tout pour séduire. Voici une personne gravement malade qui éprouve une souffrance insupportable et qui a trouvé chez un médecin assez de compassion pour en être délivré par une dernière piqûre. Or comme cet acte qui met fin à une vie humaine ne peut rester enfermé dans les limites d’une technique médicale, un prêtre, compatissant lui aussi, se présente pour inscrire ce don de la mort dans un courant spirituel humblement symbolisé par la musique, la poésie, le parfum…D’où le soulagement, à la fois, de la personne mourante elle-même, qui se voit déculpabilisée du geste qu’elle a osé demander, et du personnel médical et paramédical qui pose ce geste ou qui y participe. N’est-il pas séduisant d’entendre : « Le rituel (…) sert simplement à donner le plus d’humanité possible à quelque chose de très fort que nous vivons (…) J’appelle cela : grandir dans la transgression ».

Il est vrai que, depuis les origines, l’être humain a su habiller des plus beaux atours la transgression des limites inhérentes à sa propre condition, tandis qu’il persécutait les sages et les prophètes qui les lui rappelaient. Mais, si l’on veut bien voir, recouverte par les artifices, la nudité de l’être confronté à son destin dramatique, ne convient-il tout de même pas de rappeler à la fois le caractère indépassable de la vie et le salut dont témoigne le prêtre ?

Mais comment faire comprendre que la vie humaine n’est pas à la disposition du vivant lui-même ? Peut-être pas autrement qu’en la rapportant à son origine : ‘je ne me suis pas fait moi-même’. Ce fait premier de la vie, qui m’est le plus intime, m’échappe pourtant entièrement. Cette étrange condition fonde en même temps le lien social. Toute vie humaine, du seul fait qu’elle est là, -y compris celle qui tremble sur une barque en péril au milieu de la Méditerranée-, mérite le respect. Nulle personne, pas même le sujet lui-même, ne peut y porter atteinte. Sinon, nous entrons nécessairement dans la violence.

Même entourée par l’esthétique déculpabilisante, la transgression euthanasique reste objectivement une transgression car, répétons-le, l’être humain n’a jamais le droit de mettre fin à la vie d’un autre. Dès lors, si le rituel qui accompagne le geste euthanasique est perçu, avec d’ailleurs les meilleures intentions du monde (que nous n’avons pas à juger ici), comme une manière de ‘grandir dans la transgression’, il est plutôt à craindre que, en réalité, il ne fasse grandir la transgression elle-même.

La demande de rituel, y compris de la part d’esprits laïques, honore assurément l’homme. L’être humain, créature spirituelle, ne peut pas et ne veut pas mourir comme un animal. Mais précisément, n’est-ce pas sur cette demande de rituel qu’il convenait de s’appuyer pour récuser l’euthanasie elle-même ? Plutôt que de dire : une décision est prise et je la bénis par un rite humanisant, ne fallait-il pas renverser la proposition ? Puisqu’il y a demande d’un rite spirituel qui manifeste la condition éminemment humaine du malade, ne fallait-il pas considérer comme contradictoire la décision euthanasique qui, dans l’objectivité des gestes, nie cette condition ?

Mais que faire alors, devant la grande souffrance ? Rien d’autre que s’employer, chacun, à fournir toute l’aide qui permettra au malade de la porter : le médecin, par ses soins consciencieux et attentifs ; la famille et les amis, par leurs marques d’affection. Et le prêtre ? Par le rappel de Celui qui nous a introduits dans la vie spirituelle en acceptant de mourir sur la croix. La Bible possède cette force étonnante de relever le défi de la mort en nous révélant la profondeur proprement divine de la vie qui nous tient ensemble. Et les sacrements (réconciliation, onction des malades, eucharistie…) sont la richesse spirituelle que l’Eglise offre aux croyants par la médiation de ses prêtres.

                                                                                   Xavier Dijon, S.J.

Commentaires

  • Merci à ce religieux pour cette "piqûre de rappel"!

  • Contrairement au débat sur l'avortement*, celui sur l'euthanasie nous concerne chacune/un forcément, et de plus en plus avec l'âge. Je me souviens d'un débat organisé par la direction des cliniques St Luc après le vote de la loi. J'ai demandé si le concept de "mort naturelle" existait encore et comment il évolue. Le lendemain un aumônier m'a interpellé : "Tu sais, la mort naturelle c'est pour les animaux; la mort pour nous est relationnelle et culturelle." Je n'ai pas pensé à lui répliquer : "alors "surnaturelle" non plus?"
    *Mais le débat sur l'avortement est tout aussi important.

  • J'appelle « mort naturelle » une mort qui survient spontanément, naturellement, à son temps et à son rythme. J'appelle euthanasie une mort délibérément provoquée à contre-temps.
    La mort est un processus, qui prend donc un certain temps ; une minute en cas de traumatisme à l'arrière du crâne, le plus souvent au minimum 10 à 15 minutes, souvent plusieurs heures, parfois des jours. Il n'est donc pas possible de déterminer « avec précision » « le moment de la mort ». On peut privilégier un critère, comme par exemple l'arrêt de toute activité cérébrale avec aréflexie, ou l'arrêt cardiaque ou respiratoire. En réalité, d'un point de vue strictement physiologique, il s'agit d'un enchaînement dans un ordre variable de plusieurs processus.

    Certes, et incontestablement, toute personne humaine est un être de relation, un corps « animé » en relation. Mais on ne saurait réduire la vie humaine à l'aspect relationnel. Une personne momentanément ou définitivement incapable de relation ou pauci-relationnelle reste une personne humaine vivante.

    Quand d'un point de vue théologique, une personne est-elle morte ? On peut peut-être proposer « quand l'âme quitte le corps », mais quand et comment cette séparation a-t-elle lieu ? Un départ provisoire est-il possible, comme le suggèrent toutes les « expériences de mort imminente » ?

    J'aimerais avoir des réponses et attends des propositions et objections.

  • Il est vrai, puisque nous sommes là, que nous n'avons pas été avorté contre notre gré, mais que nous risquons tous d'être abrégés sans notre consentement.

  • Nous avons tous du sang sur les mains. Hypocrite, tu vois la paille dans l’œil de ton voisin et tu ne vois pas la poutre qui est dans le tien.
    Je suis particulièrement admiratif – et reconnaissant- envers les soignants qui jour après jour ont choisi de prendre en charge toute la misère du monde. Ce n'est pas le médecin, « lorsque l'on ne peut plus rien faire » qui supporte la charge la plus lourde, même s'il est frustré et humilié dans son désir de toute puissance. C'est l'infirmière et les autres soignants qui fait face parfois à la pestilence et à la décomposition, aux demandes incessantes des malades voir à leur agressivité, au harcèlement de la famille, aux pressions pour le rendement.
    Et je crois effectivement qu'il 'est possible de tenir le coup que avec un soutien psychologique inconditionnel s'appuyant sur une pastorale, une vision chrétienne. Et souvent ce soutien fait défaut.
    Mais il est clair aussi qu'ouvrir le droit de tuer, même par compassion (quand c'est la motivation principale), déstructure tout fondement de la société. Surtout quand on sait qu'aucun contrôle réel n'est possible.
    Alors, puisque c'est un prêtre qui répond, il faut effectivement redire que si l'Église entend réellement défendre la vie « de son commencement à la fin naturelle » la pastorale des soignants est une pièce centrale dans ce combat pour l'homme.

  • Le problème c'est la médiatisation outrancière du P. Ringlet . A la télévision hollandaise , le P. Antoine Bodar , explique bien que , dans le secret du confessional ou au chevet d'un malade ,
    le prêtre peut faire preuve de toute la miséricorde qu'il désire en son âme et conscience . mais , en dehors, il doit faire son travail et transmettre la doctrine le plus fidèlement et le plus sincèrement possible . Et quand on VOIT le Père Bodat sur l' écran , on voit un serviteur de l' Eglise . Celà ne l'empêche pas d'être très mediagénique ( c'est son charisme )
    Nous en avons assez de cette confusion et de cette poudre aux yeux.

  • Je veux aussi rendre hommage à tous les bénévoles , à tout le personnel soignant , à tous les aumoniers des soins palliatifs . Le P. Ringlet n'a pas le monopole de l'empathie et de la compassion..

  • J'espère enfin que, dans le debat, un athée humaniste aura l'occasion d' expliquer que nos lois pour l'euthanasie sont de mauvaises lois et dans leur énoncé et dans leur application sans parler des dérives. Les cathos, non plus, n'ont pas le monopole de l'empathie et de la compassion..

  • Je travaille comme aumônière dans plusieurs maisons de repos et je déplore que l'abbé Ringlet dépense tant d'énergie à défendre le bien fondé de l'euthanasie au point que beaucoup de personnes âgées ne considèrent aucune autre voie pour mourir dignement. Des résidents croyants me disent en effet : " mais si un prêtre trouve que c'est bien et qu'en plus, il ritualise cet acte, alors Dieu l'approuve"...quelle désolation de voir que le seul chemin qu'un des représentants de l'Eglise ouvre est celui de la mort programmée; il n'imagine pas les effets pervers de ces belles paroles enrobées de tant de poésie et de douceur même si de temps en temps, elles sont tempérées par un " mais je sais que c'est un meurtre". il n'empêche que ce n'est pas ça que les personnes retiennent de ses propos; J'en viens à passer mon temps à défendre une mort naturelle et à inviter les personnes en bout de course de prier Dieu de les éclairer et de les aider et de laisser au Maître de la vie l'espace qui lui revient...vraiment, j'en viens à me demander si certains médecins qui se déclarent cathos et l'abbé Ringlet ne sont pas en train de faire un putsch déguisé en virant Dieu de sa place de Dieu. Pour ma part et dans ma petite expérience, j'ai vu qu'en invitant 3 personnes rompues par la vie et la souffrance et tellement tentées d'en finir, à prier le Très-Haut de venir hâter leur départ sans recourir à l'euthanasie et en déployant toutes les énergies humaines pour répondre à toute douleur physique, morale, spirituelle...en prenant la peine de voir avec elles ce qu'il y avait derrière cette demande d'euthanasie , on a pu ouvrir d'autres chemins et dans ces trois cas qu'il m'a été donné de vivre si étroitement, les demandes ont été retirées; Deux d'entre elles sont décédées aujourd'hui. j'ai pu les accompagner jusqu'à la fin et c'est paisiblement sans la violence de l'euthanasie et en plein accord avec leur foi qu'elles ont donné à Dieu le soin de venir les chercher. L'une d'elle a reçu une sédation et ça me fait bondir de lire que L'abbé Ringlet confond l''administration d'un sédatif et d'un poison; non ce n'est pas une hypocrisie de donner un sédatif; donner un sédatif à quelqu'un en sachant que c'est la maladie qui tuera la personne pendant son sommeil ou tuer quelqu'un en lui injectant un poison, désolée mais c'est plus qu'une question de nuance; il me semble que c'est tellement du bon sens et qu'il ne faut pas avoir fait bac +5 pour comprendre ça...En tout cas, les propos de MrRinglet me donnent bien du fil à retordre et du boulot dont je me passerais bien : passer des heures à expliquer à des tas de gens que non, l'euthanasie n'est pas la panacée même si un prêtre en fait la promotion...j'en pleure parfois,

  • "Quelle désolation de voir que le seul chemin qu'un des représentants de l'Eglise ouvre est celui de la mort programmée". Ai-je bien lu? L'abbé Ringlet ne représente nullement l'Eglise catholique, Il ne représente que lui-même, comme le commun des catholiques!

  • Merci, Quirynen , pour ce très beau texte , très inspiré. On y sent l' Esprit Consolateur .On y suit une spirale ascendante, vers une douce Lumière . Votre travail dans les maisons de repos donne des fruits qui peuvent aussi nourrir les simples lecteurs de Belgicatho. et leur redonner confiance quant à leur propre mort..
    Votre texte est providentiel.

  • je me joins à Thérèse pour vous remercier Quirynen ... merci pour votre témoignage et la grande Sagesse qui s'en dégage.
    Nous sommes déjà un peu rassurés ...
    Puissent nos Evêques s'en inspirer pour le prochain Concile et prions l'Esprit Saint de nous éclairer chacun pour être pour autrui, si l'occasion se présente à nous, et qui qu'il soit, un cœur aimant et priant pour l'aider à passer la Grande Porte de la vie Eternelle, avec dignité et respect.

  • Tous pouvons comprendre que dans certains cas des malades en trop grande souffrance fassent une ou des demandes répétées pour abréger ces souffrances par l'euthanasie. Dieu aussi le comprend, mais jamais Dieu n'accepte que quelqu'un pratique cet acte.
    Comme le dit si bien Quyrinen, il faut tout mettre en oeuvre, naturellement et surnaturellement et le Seigneur répondra comme Il le veut et ce qu'Il veut est toujours le meilleur pour les malades et ceux qui les accompagnent. Malheureusement l'aspect surnaturel semble être totalement absent de l'action de l'Abbé Gabriel Ringlet. Prions pour que malades et soignants et accompagnants soient éclairés (par l'Esprit-Saint).

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