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Sayana Press : quand les pauvres testent la contraception pour les riches

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D'Adélaïde Pouchol sur le site de l'Homme Nouveau :

Sayana Press, une contraception pour les riches testée par les pauvres

L’instance britannique UK Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency (MHRA) a autorisé, le 24 septembre dernier, la mise sur le marché national du Sayana Press, premier contraceptif auto-injectable. Un produit fabriqué par le laboratoire Pfizer, numéro un mondial de l’industrie pharmaceutique, pour éviter aux femmes de « perdre du temps » chez le médecin.

La contraception injectable n’est pas nouvelle et est déjà assez répandue, pratiquée par quelques 35 millions de femmes dans le monde. La nouveauté, c’est que le Sayana Press est utilisable à domicile, sans assistance médicale. Facile d’utilisation, ce contraceptif se présente sous la forme d’une petite seringue à usage unique, qui s’injecte dans les bras, les jambes ou le ventre et prévient de toute grossesse pendant 13 semaines. Les femmes pressées ou trop tête en l’air pour penser tous les jours à leur pilule, n’ont donc plus qu’à aller faire une visite chez le médecin pour qu’il s’assure qu’elles sont bien aptes à s’injecter leur dose trimestrielle. Le suivi ne consiste ensuite qu’en un entretien téléphonique annuel.

Un produit d'abord distribué dans les pays les plus plus pauvres

Sayana Press était déjà autorisé dans certains pays européens : Autriche, Belgique, Allemagne, Hongrie, Irlande et Pays-Bas. Mais le médicament a été distribué d’abord dans les pays pauvres… Pfizer Inc., la Fondation Bill Gates et la Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) ont annoncé en novembre 2014 la mise en place d’un plan pour rendre le Sayana Press accessible dans 69 des pays les plus pauvre du globe. Ils ont fait leur publicité autour de ce produit vendu 1 $ la dose, et très hygiénique avec sa seringue à usage unique. Un grand pas, disaient-ils, pour l’accès de toutes les femmes à la santé reproductive. Ils se vantaient d’œuvrer pour les 200 millions de femmes du monde n’ayant pas de contraception.

Est-ce un hasard si ces produits ont été introduits premièrement dans les pays pauvres ? Les promoteurs du Sanaya Press se défendent bien sûr de toute volonté eugéniste et se cachent derrière de nobles intentions humanitaires d’aide au développement. Reste qu’il s’agit de pays dont on veut à tout prix baisser la démographie… De pays où les scandales sanitaires, comme les campagnes de stérilisations massives faites à l’insu des femmes, ne parviennent qu’à de rares oreilles occidentales.

En juin 2015, soit un peu plus d’un an après la mise en place du plan piloté par Pfizer Inc., la Fondation Bill Gates et la CIFF, on comptait 170 600 doses de Sayana Press distribuées au Niger, au Burkina Faso (premier pays à avoir autorisé sa mise sur le marché), au Sénégal et en Ouganda. Des chiffres qui ont eu plus d’échos que les révélations sur les effets secondaires du contraceptif, notamment la perte de densité osseuse.

Les Américains n'en voulaient pas...

Le Sayana Press est une formule à moindre dose du contraceptif Depo-Provera fabriqué lui aussi par Pfizer et aujourd’hui enregistré dans 85 pays. Le Depo-Provera avait été créé dans les laboratoires de la firme pharmaceutique américaine Upjohn, intégrée par Pfizer en 2003. En 1984, une commission d’enquête avait fait interdire la vente de ce produit aux États-Unis à cause des risques de cancer du sein qu’il présentait, alors qu’il était distribué dans 82 pays différents depuis 1960. De nombreuses organisations internationales, dont l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS), en commandaient à Upjohn en grande quantité. Le géant de l’industrie pharmaceutique n’avait qu’à passer par sa filiale belge pour honorer ses commandes et contourner la loi américaine.

Des voix de plus en plus nombreuses dénonçaient une politique eugéniste envers les populations pauvres, accusaient les distributeurs du contraceptif de ne pas informer les femmes à qui ils l’administraient, tant et si bien qu’Upjohn a attendu 1992 pour avoir l’autorisation de le vendre aux États-Unis… Soit juste un an après une étude très favorable menée par l’OMS, grand consommateur du contraceptif en question. Mais la réputation du Depo-Provera n’est pas un long fleuve tranquille. Après une enquête en 2004 – beaucoup moins complaisante que la précédente – sur les effets secondaires du produit, les autorités sanitaires de nombreux pays ont obligé le fabricant à intégrer un certain nombre de mises en garde à la notice d’utilisation du Depo-Provera.

La mise sur le marché du Sayana Press, dérivé du Depro-Provera, va-t-elle être l’occasion de nouveaux scandales sanitaires ? Ce qui est certain, c’est que les laboratoires pharmaceutiques s’enrichissent et que les femmes riches ou pauvres, pressées ou pas, peuvent refuser la vie avec des moyens toujours plus propres, peu chers, hygiéniques et démocratiques. 

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