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Synode sur la famille : le pharisien et le fils prodigue (sur la question du chemin pénitentiel)

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vision-660d1.pngThibaud Collin met le doigt sur l’équivoque de l’ « Instrumentum laboris » du synode concernant le chemin pénitentiel supposé ouvrir l’accès des divorcés-remariés aux sacrements de pénitence et de l’eucharistie. C’est sur le blog publié par le journal « La Croix »

« Un des points du synode âprement débattus porte sur la nature du « chemin pénitentiel » que l’Eglise pourrait mettre en place pour les personnes divorcées et remariées civilement désirant retrouver la vie sacramentelle. Parfois, un tel chemin est présenté comme une troisième voie permettant de sortir de « l’impasse » du tout (l’admission immédiate) ou rien (le refus persistant). Or à lire le passage de l’Instrumentum laboris présentant cette solution, on constate qu’il n’en est rien puisque ce chemin peut se comprendre de deux manières opposées et, ultimement, réductibles à ce qui était présenté comme les termes mêmes de l’impasse dont on voulait sortir !

Qu’on en juge : « Pour affronter ce thème, un commun accord existe sur l’hypothèse d’un itinéraire de réconciliation ou voie pénitentielle, sous l’autorité de l’évêque, pour les fidèles divorcés et remariés civilement, qui se trouvent dans une situation de concubinage irréversible. En référence à Familiaris Consortio 84, un parcours de prise de conscience de l’échec et des blessures qu’il a produit est suggéré, avec le repentir et la vérification de l’éventuelle nullité du mariage, l’engagement à la communion spirituelle et la décision de vivre dans la continence. D’autres, par voie pénitentielle entendent un processus de clarification et de nouvelle orientation, après l’échec vécu, accompagné d’un prêtre député à cela. Ce processus devrait conduire l’intéressé à un jugement honnête sur sa propre condition, où ce même prêtre puisse faire mûrir son évaluation pour pouvoir faire usage du pouvoir de lier et de dissoudre en fonction de la situation. »

Il est clair qu’entendu dans sa deuxième signification, le chemin pénitentiel introduirait une rupture majeure dans l’économie sacramentelle puisqu’elle rendrait possible l’absolution en l’absence du repentir de son péché et du ferme propos de ne pas le commettre.

De plus comment comprendre « ce jugement honnête sur sa propre situation » ? Cela renvoie au travail de la conscience capable de juger de la bonté d’un acte à la lumière de la loi morale. Certains s’appuient sur l’extrait suivant de l’Instrumentum laboris (n°172) pour légitimer cette nouvelle pratique sacramentelle : « La question doit encore être approfondie, en ayant bien présente la distinction entre la situation objective de péché et les circonstances atténuantes, étant donné que «l’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées» par divers «facteurs psychiques ou sociaux» (CEC, 1735). » Le raisonnement consiste à distinguer un désordre objectif et la culpabilité subjective mais on ne voit pas très bien en quoi le fait d’avoir une vie maritale avec quelqu’un qui n’est pas son conjoint peut relever de facteurs psychiques ou sociaux et non pas d’un choix libre et conscient de la personne. Si l’on entend par là la nécessité de rester parfois dans une certaine vie commune « en frère et sœur » pour le bien des enfants, on retrouve la situation actuelle (Familiaris consortio, n°84) et le problème ne se pose plus. « Jugement honnête sur sa propre situation » ne doit donc pas être entendu au sens d’objectivation psychologique ou sociologique mais comme discernement moral. Et c’est là où on peut se demander dans quelle mesure un prêtre accompagnateur pourrait légitimement ne pas tout faire pour éclairer la conscience de la personne pour l’amener à juger en vérité de sa situation conjugale ? S’agirait-il alors de pastorale ou d’indulgence toute humaine ? La pastorale authentique n’est-elle pas, en effet, en vue de la maturation de la personne pour qu’elle devienne adéquate au dessein de Dieu sur elle ? La pastorale n’est-elle pas le service de la conscience du fidèle pour qu’elle soit effectivement lumière sur son vrai bien ? Il est clair que le chemin pénitentiel ne peut signifier qu’un accompagnement des fidèles vers leur pleine conversion. La proposition du Père Thomas Michelet de retrouver l’antique ordre des pénitents est donc la plus à même de signifier le juste sens de la miséricorde divine1.

Deux passages de l’Evangile peuvent être médités pour envisager la radicalité de ce problème et discerner les conceptions biaisées de la miséricorde divine. Le premier est celui du pharisien et du publicain (Luc 18, 9-14). Le cardinal Ratzinger dans un admirable texte2 nous en donne la fine pointe : « Le pharisien ne sait plus qu’il a aussi péché, il est totalement en règle avec sa conscience. Mais ce mutisme de la conscience le rend impénétrable pour Dieu et les hommes, alors que le cri de la conscience qui agite le publicain le rend disponible à la vérité et à l’amour. Ainsi, Jésus peut agir chez les pécheurs parce qu’ils ne sont pas dissimulés derrière le paravent de leur conscience faussée, mais sont disponibles pour la conversion que Dieu attend d’eux – de nous. (…) Le fait de ne plus voir sa faute, la conscience qui se tait dans des domaines si nombreux sont des atteintes plus dangereuses à la santé de l’âme que la faute, du moins lorsque celle-ci est reconnue comme telle. » Question : le rôle du pasteur est-il de conforter le fidèle dans son attitude de pharisien ou de l’amener avec douceur et patience à l’attitude du publicain ?

Le deuxième est celui du fils prodigue (Luc 15, 11-32). Arrivé dans la misère, conséquences de ses mauvais choix, celui-ci rentre en lui-même et imagine qu’il pourrait obtenir de son père un état intermédiaire entre ce qu’il était avant de le quitter (fils à part entière) et ce qu’il est devenu. En raisonnant ainsi, il doute donc de la miséricorde du Père car en lui aménageant des degrés il la conçoit selon une mesure humaine. Il a certes conscience d’être en « échec » (psychologique et social) mais il n’a pas encore conscience de son péché, de son offense volontaire envers son Père. Ce n’est qu’au moment où il est accueilli par son Père qu’il est restauré dans sa condition de fils et simultanément qu’il accède à la conscience de son péché et au repentir. »

 __________

1 Nova et Vetera, 90/1 (2015) 55-80 Acessible sur internet: http://novaetvetera.ch/index.php/fr/la-revue/a-la-une/40-synode-sur-la-famille-la-voie-de-l-ordo-paenitentium

2 « Conscience et vérité », Communio, n°XXI, 1- janvier-février 1996, p. 93-114 http://www.communio.fr/images/pdf/19961093.pdf

Ref. : le pharisien et le fils prodigue (sur la question du chemin pénitentiel)

JPSC

Commentaires

  • Faire un "distinguo" entre la faute « objective » (transgresser la loi) et son « imputabilité » (la responsabilité de l’auteur) est classique en droit. Le juge pénal apprécie les circonstances atténuantes voire éventuellement absolutoires de cette responsabilité mais il n’ira jamais jusqu’à permettre la persistance du délit, en l’occurrence continu, qui lui est soumis. Il suppose, bien au contraire, la cessation de celui-ci.

    Si l’on veut poursuivre la comparaison induite par l’instrumentum laboris lui-même, le confesseur qui pose un acte judiciaire miséricordieux au nom du Seigneur conditionnera donc son absolution à l’abandon par le pénitent de son comportement objectivement délictueux. C’est forcément à cela que doivent aboutir tous les « chemins pénitentiels » dont on parle pour réconcilier la conscience avec la loi divine : à moins de réformer cette loi, ce qui est impossible, ou son interprétation, ce qui suppose un acte doctrinal du magistère.

    Toute l’ambiguïté actuelle du débat est de prétendre qu’on ne veut pas toucher à cette loi mais, au nom d’une pastorale « miséricordieuse, absoudre sans faire cesser l’état délictueux. Si le pape veut réellement cela, il me semble qu’il doit clairement prendre ses responsabilités au niveau doctrinal. Sans quoi, je trouve que la discussion est dans l’impasse.

  • Bonjour JPSC,

    Je souscris totalement à votre point de vue. Je dirais que les orientations du moment sont encore plus graves, dans la mesure où on fait voler en éclat l'unité du droit. C'est comme si on supprimait la Cour de cassation, entraînant des décisions locales en rupture les unes par rapport aux autres... et qui plus est impossibles à réformer.

    Dans ce sens, le pape n'aurait pu envoyer de plus mauvais signal que Mitis judex. Enfin si on veut appeler ça une vision prophétique... D'autres penseraient plutôt à une protestantisation déguisėe. Pour reprendre l'expression de Mgr de Ségur dans Causeries sur le protestantisme, un ver coupé en morceaux, dont les parties vivotent encore un peu, avant de s'immobiliser définitivement.

  • Le pape n'est que le pape. Il n'est pas Dieu. Il ne peut pas aller contre la Parole de Dieu. Jamais on ne pourra faire qu'un pardon puisse être obtenu sans abandon de son péché. Ce serait un mensonge, une contradiction dans les termes. Même Dieu ne peut pas se contredire, dire une chose et son contraire en même temps et sous le même rapport.

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