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Mgr Léonard, un évêque gaullien

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Le regard du prêtre Éric de Beukelaer.

56432fcb3570ca6ff8cca661.jpg"J’ai entendu vos points de vue. Ils ne rencontrent pas les miens. La décision est prise à l’unanimité", plaisantait Charles de Gaulle. Mgr Léonard ne disait pas autre chose.

Avec la nomination de Mgr De Kesel à Malines-Bruxelles, c’est un authentique gentleman qui devient la figure de proue de l’Eglise de Belgique. Patient, réservé et doux, il sera un pasteur qui "ne brisera point le roseau cassé et n’éteindra point la mèche qui brûle encore" (Esaïe 42, 3).

Alors que le nouvel archevêque accède à la lumière, son prédécesseur rentre dans l’ombre.

Par-delà les caricatures, la personnalité de Mgr Léonard reste pour beaucoup une énigme. Il fut, il y a trente ans, mon responsable de séminaire, ainsi qu’un brillant professeur de métaphysique à l’UCL. Pour le décrire, je le compare volontiers au général de Gaulle, personnage auquel il ne ressemble pas que physiquement, mais que - en excellent comédien - il imite à la perfection.

Charles de Gaulle, en effet, est l’homme d’une intuition profonde, qui le guidera toute sa vie - soit une certaine idée de la France. André Léonard est pareillement l’homme d’une certaine idée de l’Eglise catholique - une Eglise centrée sur la rencontre spirituelle avec le Christ et servie par les sacrements, dont les prêtres sont les ministres habituels. Pour honorer sa perception de la France, de Gaulle tracera sa route, sans craindre de souvent marcher seul. De même, André Léonard, défendra sa vision de l’Eglise contre vents et marées. "Il ne nous entend pas !", tempêtaient ses contradicteurs et critiques. Si - il entendait - mais n’en poursuivait pas moins son intuition profonde. "J’ai entendu vos points de vue. Ils ne rencontrent pas les miens. La décision est prise à l’unanimité", plaisantait de Gaulle. Mgr Léonard ne dit pas autre chose, lorsqu’il déclare dans Pastoralia, le journal de l’archidiocèse : "Les grandes décisions d’un épiscopat sont par nature solitaires, au moins au début. L’audace est généralement le fait d’individus. Les groupes constitués ont plutôt une vocation complémentaire, celle de la prudence."

Comme de Gaulle, Léonard fut un leader plus audacieux que prudent. Comme de Gaulle, ses formules n’étaient pas toujours apaisantes (souvenons-nous du gaullien : "la chienlit, non !", qui mit le feu à Mai 68). Comme de Gaulle, Mgr Léonard n’était pas vraiment à l’aise au milieu des rouages institutionnels. Ce n’est pas un hasard si la cinquième république compte un premier ministre - figure insolite au cœur d’un régime ultraprésidentiel. La raison en est simple : si le Général se voyait présider aux destinées de la France, il ne s’imaginait guère négocier les contingences budgétaires avec le Parlement. C’est au nom d’une même logique que, nommé archevêque, Mgr Léonard proposa que - contrairement aux us et coutumes en Belgique - la conférence épiscopale désigne un évêque différent (de préférence flamand) comme président de la conférence épiscopale. La chose ne se fit pas, car les autres évêques - et leur porte-parole que j’étais à l’époque - craignirent une Eglise bicéphale et potentiellement duale. Mais cette intention illustre bien que l’homme était lucide sur lui-même. Comme de Gaulle, il prenait avec assurance des décisions sur ce qu’il considérait essentiel. Comme le Général, il était, par ailleurs, fort à l’aise dans les relations proches (combien n’ont pas été séduits en le côtoyant, découvrant sa réelle simplicité et proximité bienveillante ?). Mais le management - il le savait - ce n’était pas son truc. Pour cela, il faisait confiance, acceptant de bon cœur dans son entourage des personnalités bien différentes de lui. Comme de Gaulle à Colombey, Mgr Léonard aujourd’hui se retire sans vouloir jouer "les belles-mères". Le bilan de son action pastorale, il le laisse à la Providence. "Les régimes passent, mais les peuples ne passent pas", souriait de Gaulle. "Les évêques passent, mais l’Eglise du Christ ne passe pas", renchérirait Mgr Léonard.

Merci, Monseigneur, et que le vent de l’Esprit vous accompagne

Ref. Mgr Léonard, un évêque gaullien

JPSC

Commentaires

  • Quant à l'auteur du pamphlet, c'est peut-être le François Bayrou de l’Église belge. "Radicalement centriste et humaniste", toujours candidat, toujours en lice, jamais élu.
    Dernier représentant d'une ligne sans convictions qui est en train de creuser sa propre tombe.

  • Osez la bienveillance, Edouard !

    En quoi s'agit-il d'un pamphlet ? Une opinion plutôt ! Et joliment écrite ! La comparaison est sublime, à la hauteur des personnages évoqués ! Même si tout n'est pas partagé.

    Le problème avec les "grands" personnages, c'est qu'ils ont une perspective tellement élevée qu'ils ne vous voient pas et, sans le faire exprès, vous écrasent le pied alors que vous marchez sur la même route, mais à une autre allure !

  • correction : " amis de l'ombre et de l'obscurité " ...... " Ténèbres " est un mot trop accusateur et il faut " leur pardonner car ils ne savent pas ce qu'ils font ...."

  • Dans tous les dîners de famille - et l' Eglise est une grande famille - il y a un jeune fils qui écrit un morceau de bravoure sur son vieux père . C'est de bonne guerre . Il ne voit pas encore la tendresse , l 'amour caché, la sagesse profonde que masque cette autorité .
    Mais , pas de souci, on va vers une société sans père . Les résultats se font déjà sentir.

  • Que Mgr De Kezel soit " patient, réservé et doux " je n'en doute pas un seul instant . J' en ai fait personnellement l'expérience au cours d' un long entretien avec lui . Aussi , et c'est dramatique , n' a t-il pu empêcher que dans notre évêché l' enseignement de l' Evangile fut vidé de sa substance - j' ai autrefois tenté d' en analyser le pourquoi et le comment sans beaucoup d' echo, bien sûr ) - et que les "modernistes, " prennent par la suite un énorme pouvoir non seulement par mise à distance mais carrémént par limogeage de tout ce qui ne pensait pas comme eux.. Sans parler de la fermeture du séminaire.
    Mgr De Kezel aura bien besoin de nos prières.

  • Chère Muriel,
    Aucun souci. Merci de ce commentaire. Excusez-moi de vous avoir mal comprise.
    Union de prière.
    Eric

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