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Nullités de mariage : une réforme canonique précipitée par le pape François

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papa_sacrarota_1515898.jpgLe motu proprio sur les nullités de mariage, voulu par le pape François, suscite un certain nombre de réserves dans les officialités en France. Canonistes et théologiens se sont retrouvés à Lyon, vendredi 20 novembre, pour relire ensemble le synode sur la famille. Commentaires sur le site web du journal « La Croix » :

« Plus court, moins cher, moins complexe. Dans ses grandes lignes, la réforme des nullités de mariage voulue par le pape François avant le deuxième volet du synode, est jugée « très positive ». Ce motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesus entre en vigueur le 8 décembre à l’ouverture de l’Année de la miséricorde. Toutefois, les canonistes qui seront chargés de l’appliquer en France auraient préféré « une consultation plus large en amont, ou alors une utilisation ad experimentum », relève le P. Nicolas de Boccard, vicaire judiciaire de l’officialité interdiocésaine de Lyon. Avec une centaine de canonistes, théologiens et acteurs de la pastorale familiale, il participait vendredi 20 novembre à un colloque organisé après le synode sur la famille par l’Université catholique de Lyon, l’officialité et la pastorale familiale diocésaines.

> A lire: « La procédure de nullité de mariage est lourde et longue »

L’ABANDON DE LA DOUBLE SENTENCE OBLIGATOIRE EST SALUÉ

Concrètement, deux points sont salués unanimement : une réglementation plus simple des compétences des tribunaux et surtout l’abandon de la double sentence obligatoire. Jusqu’à présent, même lorsque la première instance avait jugé de l’invalidité du sacrement de mariage, la procédure d’appel était automatique, ce qui rallongeait le procès, alors que pour la très grande majorité des cas, le second jugement ne faisait que confirmer le premier.

La gratuité demandée par le pape ne devrait pas changer la donne. Elle était déjà appliquée en France pour les personnes qui n’étaient pas en mesure de payer et, pour les autres, le coût restait raisonnable (entre 800 et 1 000 € selon les diocèses), contrairement à d’autres pays, notamment en Amérique latine où il pouvait représenter plusieurs mois de salaire« Nous continuerons certainement à demander une participation, ne serait-ce que parce que la réforme demande d’impliquer plus de laïcs, qu’il faudra bien rémunérer », relève le P. Tancrède Leroux, vice-official.

LES CANONISTES REDOUTENT UN RISQUE DE PARTIALITÉ

D’autres aspects du motu proprio suscitent toutefois davantage de réserves en France, comme la demande de rapprocher les fidèles des instances où le procès doit se tenir. Rome insistant sur le fait que l’accompagnement des causes en nullité fait partie de la pastorale familiale, un tribunal pour les causes matrimoniales devra être créé dans chaque diocèse, là où la réforme des officialités interdiocésaines a impliqué un long travail…

La possibilité de constituer un juge unique en première instance, à la place du tribunal collégial de trois juges, suscite aussi des inquiétudes. « C’est tout à fait compréhensible pour des pays où il y a pénurie de canonistes formés, mais ce n’est pas le cas de la France », relève Chantal Vanney, défenseure du lien (l’équivalent de procureur), qui redoute un risque de partialité« Le juge unique, c’est le risque de l’arbitraire », renchérit Sabine Brosset, qui, après une carrière dans le civil, a prêté serment vendredi pour devenir avocate ecclésiastique. « Comme juge au civil, je me suis aperçue que lorsqu’on est seul sur une affaire, on va de soi-même demander aux autres juges leur avis pour prendre sa décision. Mieux vaut une vraie collégialité », souligne-t-elle.

JUSTICE À DEUX VITESSES

Ce juge unique sera placé sous la responsabilité de l’évêque diocésain, qui pourra lui-même assurer cette fonction. « Il faut du temps et des compétences, or les évêques experts en droit canonique sont plutôt rares en France », remarque un avocat ecclésiastique. Sur le plan pastoral, le P. de Boccard, lui, craint que cette position de juge mette l’évêque en difficulté « avec des diocésains dont il est avant tout le pasteur ». Beaucoup redoutent aussi une justice à deux vitesses: « On ira chez tel évêque, jugé plus progressiste que son voisin… », dit Anne Chevallier, qui reçoit les dossiers de nullité à l’officialité de Lyon.

> A lire : Les évêques et cardinaux blogueurs relisent le synode

Invité vendredi, Mgr Juan Ignacio Arrieta, secrétaire du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, a reconnu entre les lignes que ce risque était réel. L’archevêque de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, qui présidait le colloque, s’est réjoui que, pour ces affaires simples, la réforme fasse gagner du temps. « Lors de notre dernière assemblée plénière à Lourdes, Mgr Roland Minnerath nous a dressé un exposé assez complet des intentions du Saint-Père. Mais dans les modalités d’application, nous avons bien vu que c’était compliqué », a-t-il aussi reconnu.

UNE PROCÉDURE JUGÉE TROP RAPIDE

La réforme introduit également la possibilité d’une procédure brève – en trente jours –, pour les cas de nullité patente et où les deux parties ont donné leur consentement à la requête en nullité. Dans ces cas, le juge sera obligatoirement l’évêque. Certains canonistes s’inquiètent toutefois de la rapidité de cette procédure, susceptible d’introduire une déclaration de nullité « par consentement mutuel ».

Juge auditeur (l’équivalent de juge d’instruction), Bénédicte Draillard est elle aussi favorable au maintien d’un tribunal collégial : « Ce sont des matières très délicates, et il est bon d’avoir du recul », analyse celle à qui il arrive de passer plusieurs heures à écouter une personne. « L’écoute profonde est un élément capital. Il m’est arrivé qu’une personne me dise qu’au-delà de la sentence, un travail de guérison s’était déjà opéré d’avoir pu dire sa souffrance à quelqu’un qui représentait l’Église. » Les plus brûlantes de ces questions ont été relayées à la conférence épiscopale. C’est à elle que reviendront les modalités d’application de la réforme.

 « UN RETOUR À LA FONCTION PERSONNELLE DE L’ÉVÊQUE »

* Le substitut de la Secrétairerie d’État du Vatican a défendu, dans L’Osservatore Romano du 5 novembre, le motu proprio sur les nullités de mariage. Le retour au rôle central de l’évêque, a expliqué Mgr Giovanni Angelo Becciu, « fonde ses racines dans la pratique chrétienne ancienne ».

Céline Hoyeau, à Lyon

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* Selon les chiffres du Vatican, sur 35 312 sentences prononcées dans le monde en 2011 en faveur de la nullité, 394 l’ont été en France.

* Le rapport final du synode sur la famille encourage les évêques à assurer aux fidèles un accès plus facile à la justice et à mettre à leur disposition un personnel suffisant pour les accompagner en vue de l’enquête préliminaire au procès (n° 82).

Ref. Les canonistes s’interrogent sur la réforme des nullités de mariage

JPSC

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