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Le coktail explosif du choc des cultures

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Lu sur le « salon beige » :

loiseau.pngL'abbé Fabrice Loiseau, fondateur de la Société des Missionnaires de la Miséricorde Divine, livre ce témoignage exclusif aux lecteurs du Salon Beige, au sujet d'Hakim, arrêté fin octobre alors qu'il s'apprêtait à commettre un attentat à Toulon :

Arrêté à Toulon fin octobre, Hakim s'apprêtait à commettre un attentat à l'arme blanche sur des marins selon la méthode palestinienne. Après le drame de Paris son histoire pourrait sembler anodine. Pourtant, elle est révélatrice d'un processus de radicalisation. Hakim souhaitait tuer et mourir « martyr » ; c'était devenu une obsession.

On se connaissait depuis 2011. Hakim était un jeune du centre-ville de Toulon. Ce n’était pas un déséquilibré, ni un monstre. Au contraire, Hakim était un garçon sensible et intelligent. Passionné par le fait religieux, il refusait de pratiquer l'Islam et passait beaucoup de temps sur des sites ésotériques. La figure du Christ l'interpellait. Il souhaitait une religion remplie de symboles et de mystères, je lui ai expliqué notre foi mais il préférait intégrer l'Islam. En quête d'identité, Hakim était bien loin d'une pratique salafiste. Avec son côté « dandy », il ne fut jamais en lien avec des délinquants du quartier, d’où sa difficulté à trouver une arme.

Passionné par la danse, il était fan de Michaël Jackson, animait des soirées à Saint-Tropez dans des boites de nuit et participait à des concours d'imitation de sa star préférée. 

En évoluant dans le monde de la nuit et des habits de luxe (il travailla un temps chez Zara), les préoccupations religieuses diminuèrent. Plusieurs personnes le persuadèrent qu’avec son physique il pourrait devenir mannequin. Il monta à Paris et là ce fut l'échec !

Il ne voulut pas me raconter ce qui s'était passé, je pense qu'il fut humilié, il comprit qu'il ne pourrait devenir mannequin ni poursuivre dans la danse. Il disparut quelques semaines puis je l’ai retrouvé dans la rue avec la barbe et en djellaba. Lorsque je lui ai proposé de discuter, il me répondit : « Non tu es mécréant, ton cœur est endurci, tu ne veux pas connaître la vérité, je n 'ai rien à te dire ». J'ai insisté, je lui dis que je veux comprendre ce qui se passe, pourquoi un tel changement ? « As tu peur de parler au mécréant que je suis ? »lui demandai-je, l' argument fit mouche. Hakim accepte alors de parler un peu et je m'aperçois qu'il a fait siennes toutes les théories salafistes.

Il s’exprime avec une telle dureté que je comprends qu'il est en lien par internet avec des groupes radicaux, lui qui surfait auparavant sur tous les sites religieux possibles. Le monde pour lui se divise maintenant en deux réalités : les mécréants qui refusent la loi islamique et les vrais musulmans imitateurs du prophète.

Kim Jackson, comme il se faisait appeler, est devenu partisan du djihad armé, sa piété doit passer par le courage pour soutenir la lutte armée. Je lui demande de rester mon ami. « Ton cœur résiste trop à Allah » me répondit-il. Il partit le visage fermé.

De mois en mois, je vis sur son visage la haine grandir. Un algérien du bar à chicha me confia : « Hakim, il est devenu fou dans sa tête ». Quelques semaines plus tard, j'apprends par le quartier la convocation d’Hakim par la police, il avait pris ses billets pour la Syrie, son passeport est confisqué. Il était surveillé par la DGSI. Sa mère, une femme courageuse vient faire scandale à la sortie de la mosquée de Toulon : « Vous avez fait de mon fils un terroriste ».L'imam est médusé, il n'y est pour rien, le groupe des salafistes qui a ouvert une librairie à côté de la mosquée se tait. Hakim essaiera de nouveau de partir en car quelques semaines plus tard. Fiché, il se fait repérer et doit rentrer à Toulon où il loge dans un foyer. Il est en contact avec Mustapha, un jeune originaire de Toulon, incarcéré pour apologie du terrorisme puis parti en Syrie. Il essaye de se procurer des armes à feu, en vain. Je le surprends avec de nouveaux amis, il se rapproche de délinquants du quartier, que cherche-t-il à faire ? Les endoctriner, trouver un pistolet, je ne sais. Toujours en djellaba, nous nous croisons pour la dernière fois fin octobre. Voyant ma soutane, il eut un air gêné puis m'évita. J’apprends quelques jours plus tard son arrestation. Un colis de Chine lui est adressé contenant un poignard et deux cagoules, mais le paquet est déchiré et la police prévenue. Hakim se rend sans résistances et avoue : il voulait égorger des militaires de l'arsenal avec son couteau selon la méthode palestinienne, puis mourir en « martyr ». Était-il un loup solitaire ? Était-il commandé ou lâché par Daech ? Je ne sais. L' enquête le dira, mais plusieurs zones d'ombre demeurent dans cette histoire. Une semaine après les massacres de Paris, ce fait est oublié dans la presse. Pour ma part, je suis à la fois triste et soulagé. Triste parce que j'ai échoué, je n'ai pu au cours de ces heures de discussion lui faire prendre conscience du fanatisme de l'État Islamique. Je n'ai pas réussi à lui faire découvrir une spiritualité qui l'aurait sauvé. Triste pour sa maman et sa sœur qui doivent vivre un calvaire.

Je suis soulagé parce que l'irréparable n'a pas été commis. À chaque fois qu'il allait commettre le pire, il a échoué comme si la Providence l'empêchait d'aller plus loin. Je ne peux m'empêcher de crier ma révolte devant ce processus de radicalisation pour l'un des garçons les plus sympathiques et les plus intelligent du quartier. Non Hakim n'était pas un fou ni un monstre ! Fragile il est devenu terroriste après un échec personnel, en fréquentant des salafistes et des sites islamistes. Ce garçon avait soif de spiritualité. C'est une religion dévoyée qui a eu raison de lui…

Hakim n’est pas un cas isolé dans notre pays. Les pouvoirs publics, la laïcité, les valeurs de la République sont incapables d'empêcher ce phénomène. Si plusieurs facteurs peuvent jouer dans ce processus de radicalisation, il faut d’abord comprendre que c'est une raison religieuse qui a été cause de ce changement. Pris entre une société matérialiste et hédoniste et un terrorisme religieux, Hakim a choisi. Nous sommes dans une guerre religieuse dans laquelle les chars et les avions militaires ne pourront pas grand-chose. Ce drame est révélateur d'une crise de civilisation, les islamistes se nourrissent de nos faiblesses. Combien d'attentats faudra-t-il pour connaître un réveil spirituel pour notre nation ? Je ne désespère pas et je ferais tout pour revoir Hakim. Je vous invite à prier pour lui.

Abbé Fabrice Loiseau

Vous pouvez aider les Missionnaires de la Miséricorde ici.

Ref. Témoignage de l'abbé Loiseau : "Hakim, mon ami devenu terroriste"

JPSC

Commentaires

  • Ce témoignage catholique pose une fois de plus la question des raisons du succès de la radicalisation islamiste des jeunes, qu'ils soient d'origine occidentale ou orientale. De nombreuses explications ont été avancées pour en rendre compte mais la plupart s'avèrent être plus ou moins partielles, quelques-unes pouvant néanmoins être plus essentielles. La question étant vaste et complexe, je m'intéresserai surtout ici aux sociétés occidentales, laissant les autres à d'autres analystes ou d'autres analyses.

    Une des options préférées de nos sociétés laïques est la thèse sociologique, dite aussi "des quartiers" : la révolte radicale viendrait essentiellement d'un niveau de vie insuffisant et d'une " ghettoisation " qui leur aurait été imposée. Les statistiques montrent toutefois que moins de 20 % des radicalisés proviennent de milieux défavorisés ou discriminés. Et encore n'est-il pas du tout sûr que 100% de ces 20 % soit imputables à cette seule cause. Certes, il y a à faire de ce côté-là, mais il est clair que ce n'est pas cela qui résoudra tout le problème., loin de là.

    Une autre explication laïque invoque " l ' humiliation" subie par les pays musulmans lors de la colonisation ou des guerres néocoloniales mais cela touche relativement peu les jeunes d'occident, qu'ils soient ou non de souche.
    Pour les autres, la période coloniale commence tout de même à dater de plus d'un demi-siècle et ne saurait donner lieu à une rancune éternelle : il ferait beau voir qu'on en fasse autant en Europe vis-à-vis de l'Allemagne ou inversement.
    Plus grave est la question des guerres néocoloniales menées par les USA et alii en Afghanistan, Iraq et Libye notamment, sans compter quelques printemps arabes fortement inspirés par la CIA. Mais cela ne concerne pas les convertis occidentaux, pas plus que les Tchétchènes de Russie, par exemple. En occident en tout cas, cette explication reste également fort marginale.

    Beaucoup plus fondamentale est sans doute la cause idéologique. Mais là, bizarrement, les choses calent tant du côté laïque que catholique ou plus largement religieux.
    Côté laïque, on parle volontiers de barbarie ou de folie, mais sans expliquer les causes premières de cette épidémie : il manque toujours un wagon pour atteindre la locomotive. Pourtant, il paraît de plus en plus évident que la question de l'IDEAL joue ici un rôle primordial auprès de la jeunesse. La jeunesse a toujours eu besoin d'idéal et de sacrifice en son nom. Que cette tendance s'oppose à la loi de la facilité et de la jouissance, c'est un fait aussi mais, une fois les excès passés, c'est l'idéal primordial qui revient au galop. Ainsi firent par exemple nos saints Augustin, Hubert ou François d'Assise, parmi tant d'autres.

    La question ultime qui se pose, c'est la question du choix de l'idéal. Pourquoi certains idéaux, fussent-ils sublimes ou inhumains, l'emportent-ils sur d'autres en certains lieux et à certaines époques, voilà le fond du problème, que je ne vois nulle part exposé.

    Que l'idéal du siècle des Lumières - Liberté - Egalité - Fraternité - importé et exporté par la Révolution française, séduise de moins en moins de monde depuis qu'il a été dévoyé en Libertarisme -Egalitarisme - Fraternitalisme, voilà qui n'étonnera pas grand monde sur ce site.

    Mais que l'idéal chrétien des Béatitudes ne suscite aucun attrait auprès de nos jeunes déçus par ce monde dévoyé, injuste et sans pitié, voilà qui devrait étonner tout le monde sur ce même site. Pourquoi, aux premiers temps du christianisme, celui-ci connut-il un succès foudroyant dans un monde totalement païen et pourquoi n'en a-t-il pratiquement plus aucun dans notre monde néo-païen ?

    Je n'ai hélàs pas de réponse à cette question essentielle. Pas plus que l'abbé Fabrice Loiseau, auteur de cet article interpellant, semble-t-il. Je crois qu'il serait grand temps que nos bergers répondent au mieux et au plus tôt à cette question de survie. Pour le dire franchement, pourquoi sommes-nous si nuls , du moins en termes de résultats ?

  • Cette expérience démontre l'instabilité de non radicalisés. D'où la dangerosité de la situation.

  • @ Eleison

    « Pourquoi, aux premiers temps du christianisme, celui-ci connut-il un succès foudroyant dans un monde totalement païen et pourquoi n'en a-t-il pratiquement plus aucun dans notre monde néo-païen ? »

    Je ne sais pas si le succès du christianisme a été aussi foudroyant : il a mis, au contraire, beaucoup de temps à s’imposer. Les historiens discutent encore du point de savoir si au IVe siècle à Rome les chrétiens représentaient plus d’une dizaine de pourcents de la population, et une vingtaine pour la partie orientale de l’Empire. Ce qui est sûr, c’est que le sentiment religieux, depuis les temps hellénistiques, ne pouvait plus se satisfaire des vieilles mythologies du polythéisme et cherchait une troisième voie entre la raison philosophique et des religions à mystères venues d’Orient.

    Le christianisme fut la réponse qui finit pas s’imposer au cœur et à l’esprit comme la vraie délivrance du pessimisme foncier de l’âme antique face au destin de l’homme : un basculement social qui en fit la religion de l’Etat romain, en l’an 380 de l’ère que nous appelons chrétienne.

    Le vieux pessimisme est aujourd’hui de retour dans les sociétés nées des fausses Lumières du XVIIIe siècle, même si ces sociétés font semblant de se rassurer à l’abri du mythe du progrès (je ne parle pas de l’effet cumulé indéniable des découvertes de l’esprit humain, pour le meilleur et le pire, depuis son origine) afin de ne pas sombrer totalement dans le nihilisme ou le suicide.

    Mais c’est un mythe fragile dont ces sociétés ne pourront se satisfaire sur le long terme, d’autant moins que les flux migratoires sont susceptibles de bouleverser la donne sociologique religieuse et morale des pays qui les accueillent.

  • Et pourtant, Jean-Paul, cela n'a pas empêché Plutarque, au tournant du premier siècle de notre ère de déclarer dans ses "Oeuvres Morales' " Le grand Pan est mort " :

    http://vincent.detarle.perso.sfr.fr/catho/grand_pan.html

    Or Pan, comme son nom l'indique clairement , est l'archétype du panthéisme, religion des élites antiques, le polythéisme étant laissé au bon peuple incapable d'accéder aux mystères de l' "initiation". Il en est encore ainsi de nos jours dans certaines loges fort peu ouvertes au public ignorant mais la tendance tend à s'universaliser à travers le nouvel âge écologiste et son "tout est lié".
    C'est un des dieux les plus anciens (à mon avis le plus ancien) de la mythologie grecque, et pour cause. Il est parfois associé au Janus bifrons, double face symbolisant à mon sens la double apparence de l'Ennemi diabolique : la (les) Lumière(s) aveuglante(s) de l'initiation d'une part (gnose) et "le côté obscur de la force" , de l'autre, comme dirait Spielberg. En d'autres termes, l'ambivalente et ambigüe relation Lucifer/Satan, Apollon/Diane, Vénus du matin et du soir. Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait été rapidement assimilé au diable dans l'iconographie chrétienne.

    Ce texte de Plutarque a dérangé beaucoup de monde dans la sphère laïque et tout a été fait pour le discréditer. Il n'empêche qu'il est inexplicable sans prendre en compte l'explication chrétienne, que Plutarque l'ait connue ou non. La fin du premier siècle, qui vit la fin terrestre de l'évangéliste Jean, marque à mon sens le tournant décisif dans les mentalités; La dimension statistique n'y change pas grand chose. Aujourd'hui, Daesh, avec un infime pourcentage d'adhérents, ne cesse d'enregistrer des progrès foudroyants.

  • Voici ce texte de Plutarque, extrait des “Oeuvres morales” (46-125 ap JC)
    ch. 17 - Titre : Sur les sanctuaires dont les oracles ont cessé
    Cela se passe sous le règne de l’empereur Tibère (- 42 +37 )
    (...) « Quant à ce qui est de la mort des Génies, j’ai entendu les paroles d’un homme qui n’était ni léger ni présomptueux. C’est Epitherse, le père de l’orateur Emilianus, dont quelques-uns de vous ont également suivi les leçons.
    Epitherse était mon compatriote, et il professait la grammaire. Un jour il nous raconta s’être embarqué pour l’Italie dans un vaisseau qui emmenait des cargaisons de commerce et un grand nombre de passagers.
    Quand vint le soir, comme on se trouvait en vue des îles Échinades, le vent tomba, et le navire fut porté par les flots près des îles de Paxas. La majorité de l’équipage était éveillée; plusieurs étaient encore occupés à boire et avaient fini de souper.
    Soudain une voix partie d’une des îles de Paxas se fit entendre; elle appelait à grands cris un certain Thamus. Tout le monde fut saisi d’étonnement. Ce Thamus était un pilote égyptien, et il n’y en avait pas beaucoup parmi les passagers qui le connussent, même de nom. Les deux premières fois qu’il s’entendit nommer, il garda le silence ; mais la troisième, il répondit à cet appel.
    Alors l’interlocuteur invisible, donnant de l’intensité à sa voix, dit : « Quand tu seras à la hauteur de Palodès annonce que le grand Pan est mort. » Après avoir entendu ces paroles, continuait Epitherse, nous fûmes tous frappés d’effroi, et l’on se consulta pour savoir si le mieux était que Thamus accomplît cet ordre, ou bien qu’il n’en tînt aucun compte et le négligeât.
    Finalement il fut convenu, que si le vent soufflait, Thamus passerait outre sans rien dire, mais que si l’on était retenu par un calme plat, il répéterait les paroles qu’il avait entendues.
    Quand le vaisseau fut auprès de Palodès, comme il n’y avait pas un souffle dans l’air et que les flots étaient calmes, Thamus du haut de la poupe, les yeux dirigés vers la terre, répéta les paroles qu’il avait entendu prononcer : « Le grand Pan est mort. » Il avait à peine fini, qu’éclataient de grands gémissements, non pas d’une seule personne, mais de plusieurs ensemble, et ces gémissements étaient mêlés de cris de surprise.
    Comme les témoins de cette scène avaient été nombreux, le bruit s’en répandit bientôt dans Rome, et Thamus fut mandé à la cour par Tibère César. Le monarque ajouta une telle confiance à son rapport, qu’il ordonna une enquête et des recherches au sujet de ce Pan. Les hommes éclairés qu’il avait en grand nombre autour de lui conjecturèrent que c’était un fils de Mercure et de Pénélope.»

    Il existe un autre texte étonnant sur cette mystérieuse mort du grand Pan. Il est extrait des contemplations de la Bse A-C Emmerich (1774-1824)...

    " C'est à Nicée, si je ne me trompe, que je vis un événement singulier dont je ne me souviens qu'imparfaitement. Il y avait là un port couvert de vaisseaux, et, prés de ce port, une maison avec une tour élevée, où je vis un païen qui était chargé de surveiller ces vaisseaux. Il devait monter souvent à cette tour et regarder ce qui se passait en mer.
    Ayant entendu un grand bruit au-dessus des vaisseaux du port, il monta en hâte pour voir ce qui arrivait, et il vit planer sur le port des figures sombres qui lui crièrent d'une voix plaintive : “ Si tu veux conserver les vaisseaux, fais-les sortir d'ici, car nous devons rentrer dans l'abîme : le grand Pan est mort. ”
    Voilà ce que je me rappelle le plus distinctement des paroles que j'entendis prononcer : mais on lui dit encore plusieurs choses, on lui recommanda de faire connaître ce qu'il venait d'apprendre, lors d'un voyage de mer qu'il devait faire prochainement, et de bien recevoir les messagers qui viendraient annoncer la doctrine de celui qui venait de mourir.

    Les mauvais esprits étaient ainsi forcés par la puissance de Dieu d'avertir cet honnête homme et de le charger d'annoncer leur défaite. Il fit mettre les navires en sûreté, et alors un orage terrible éclata : les démons se précipitèrent en hurlant dans la mer, et la moitié de la ville s'écroula. Sa maison resta debout.

    Bientôt après il fit un grand voyage, et annonça la mort du grand Pan, si c'est là le nom dont on avait appelé le Sauveur. Il vint plus tard à Rome, où l'on s'émerveilla beaucoup de ce qu'il raconta.
    J'ai su, touchant cet homme, beaucoup d'autres choses que j'ai oubliées : j'ai vu, par exemple, comment l'histoire d'un de ses voyages s'était mêlée dans des récits postérieurs, à celle de l'apparition que j'ai mentionnée et avait acquis une grande notoriété, mais je ne sais plus bien comment tout cela se liait ensemble. Son nom était, je crois, quelque chose comme Thamus ou Thramus."

  • @ Eleison

    Oui, c’est vrai, le texte de Plutarque est intéressant puisqu’il montre qu’au premier siècle de notre ère déjà un philosophe grec ne peut se satisfaire des philosophies panthéistes (le panthéisme n’est pas à proprement parler une religion me semble-t-il) à la mode hellénistique (stoïcisme, épicurisme). En fait, Plutarque cherche du côté du néo-platonisme (donc du Dieu unique) dont l’efflorescence favorisera l’avènement sociétal du christianisme. On évoque souvent, dans le même esprit, le fameux texte des Bucoliques de Virgile citant l’annonce (prétendument par la Sybille de Cumes) de la venue d’un Sauveur (texte qui, s’il n’est pas extrapolé, pourrait aussi être une flagornerie à l’égard d’Octave Auguste, mais bon…), sans oublier l’attraction qu’exerce, à la même époque, la religion juive dans les milieux cultivés de l’empire (et pas seulement chez les judaïsants « craignant Dieu »).

    Ceci montre qu’une certaine élite, dès le temps d’Auguste, aspire à autre chose dont le christianisme (une religion qui revendique aussi le label philosophique) élaborera la juste synthèse, effectivement à partir du deuxième siècle mais cela ne s’est pas fait en un jour…

  • Intéressant développement, merci JP. A propos du panthéisme, son statut de religion est en effet discutable. C'est sans doute pourquoi les bouddhistes ( et les maçons "déistes" ) se réclament de la philosophie plutôt que de la religion. En effet, à partir du moment où l'homme se considère - avec tout le reste d'ailleurs - comme une part (étincelle) de l'énergie primordiale et impersonnelle, on ne peut plus parler de "relation" et donc de religion. Il y a émanation et non plus création, fusion et non pas échange.

    Il n'empêche que certains adeptes n'hésitent pas à parler de "Dieu" pour désigner cet ensemble indifférencié ( au-delà de "l'illusion des sens ). Cela flatte évidemment l'ego de se considérer comme "Dieu" mais je me demande quel intérêt ils trouvent à se fondre dans un Tout où tout est égal à tout ! Vertige de l'égalitarisme ? Très peu pour moi.

    Et pourtant, l'idéologie gagne du terrain, surtout par le biais du New Age arc-en-ciel., hérité de la théosophie d'Helena Blavatsky et consorts. Voir la très belle analyse de Hannah Newman, " The rainbow swastika " sur le net ( http://philologos.org/__eb-trs/ ).

    Un auteur bien de chez nous a fort bien exposé l'affaire au siècle dernier. Il s'agit de Maurice Maeterlinck, dans un ouvrage fort peu connu (tiens, tiens) intitulé "Le grand secret", par référence sans doute aux antiques "religions" à mystères où l'initiation (très élitiste) consistait précisément à prendre conscience ( gnose ) que nous sommes des dieux.

    Je ne serais pas étonné que la future religion universelle , quand les trois religions monothéistes se seront bien entre-tuées, soit fondée sur ce principe, sensé nous apporter enfin la pax universa. Je crois qu'on peut déjà parler, hélàs, du " retour du Grand Pan".

    Avant sa mort définitive - Dieu soit loué - comme nous l'enseigne Saint Jean dans son dernier livre, écrit peu avant l'an 100 sur l'île égéenne de Patmos.

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