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Les déclarations de Mgr De Kesel et le débat sur l'inscription de la laïcité dans la Constitution : l'éclairage d'Eric de Beukelaer

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Cher Archevêque… Ne pensez pas. Ne parlez plus.

La Libre.be publie une opinion parue sur le blog de l'abbé Eric de Beukelaer.

Cette année, durant les fêtes de Noël, il fut beaucoup question de Catholicisme dans les médias en Belgique. Qui plus est – en bien : le pape, l’homélie du nouvel archevêque, la messe en prison à Marche-en-Famenne, etc… Ceci mérite d’être salué, mais une petite voix en moi – vilain réflexe d’ancien porte-parole des évêques – me murmurait cependant… "Cela ne vas pas durer".

J’avais raison – hélas. Lors d’une longue interview, donnée le week-end dernier au quotidien régional flamand ‘Belang van Limburg’, Mgr De Kesel, nouvel archevêque de Malines-Bruxelles, répondit après avoir abordé bien d’autres sujets, à une question sur l’euthanasie et l’avortement. Il glissa qu’il comprenait que des non-croyants jugent ces actes moralement acceptables, mais ajouta : "Je pense que nous (= catholiques) avons le droit de ne pas l’appliquer au niveau de nos institutions".

Depuis – les critiques pleuvent sur le prélat. Jusqu’à ce commentaire d’une journaliste du JT de la RTBF, déclarant : "Ses commentaires révèlent l’image d’un homme conservateur, en décalage assumé avec les lois dépénalisant l’euthanasie et l’avortement". Euh, les amis… Il s’agit d’un archevêque catholique. Un catholique est-il "conservateur" quand il adhère au "credo" chrétien ? Ou encore, quand il défend les principes moraux de base de son Eglise… qui – grand scoop – et sans juger les personnes, ne sont pas favorables à l’euthanasie active ou à l’avortement?

Mais revenons-en au fond du débat : Un hôpital catholique a-t-il le droit, en tant qu’institution, de refuser d’appliquer l’euthanasie et l’avortement? Oui – déclarent les juristes, comme j’ai pu le lire dans le quotidien progressiste flamand ‘De Morgen’ – peu suspect de cléricalisme : Ce fut stipulé noir sur blanc par la commission de la Chambre en 2002, déclare le professeur en droit médical Herman Nys (KUL – Université de Leuven).

Que ceci soit contesté par d’aucuns, je puis l’entendre, vu que ces hôpitaux sont lourdement subsidiés par la puissance publique. Il suffit cependant que chaque institution déclare publiquement quelle est sa pratique en la matière, pour que les patients puissent choisir en âme et conscience où se faire soigner. (En fait, la plupart de ces hôpitaux appliquent la loi – ce que nos critiques savent fort bien).

Mais surtout… Qu’un archevêque, qui vient d’être nommé et n’a même pas encore défait ses valises, ne puisse dire "je pense", sans provoquer un tempête médiatique – cela me laisse perplexe. Liberté d’expression ? De surcroît – il ne s’agit pas d’une déclaration formelle des évêques sur la question, mais d’une pensée glissée par Mgr De Kesel, dans une gentille et longue interview de Noël, qui traitait de tout et de rien.

Je sais bien que nous sommes entre les fêtes et que l’actualité chaude manque aux rédactions. Il n’empêche… Que d’aucuns soulignent sobrement qu’ils ne partagent pas l’analyse de l’archevêque à ce sujet, est une chose. Mais en faire une "info" me semble hors propos. Une façon implicite d’inviter l’archevêque à ne plus se prononce sur des débats d’intérêt public?

Ceci m’amène à l’autre sujet religieux du moment : Faut-il inscrire la laïcité dans la Constitution ? J’avoue ne pas avoir une allergie de principe à cette question. Mais je m’interroge : Cela va-t-il améliorer le vivre-ensemble ? La France est un pays laïque. Est-elle moins touchée par le terrorisme, pour autant ? Et puis – concrètement – cela va changer quoi ?"Ne plus admettre de signes religieux ostentatoires (= femmes voilées) dans l’administration", répond-on. Soit. Quoi que…

Mais encore ? J’aimerais une réponse claire de la part de chaque parti politique. En quoi pareille inscription dans la Constitution changera-t-elle la place du religieux en Belgique : Financement des cultes ? Législation sur les bâtiments du culte ? Réseaux scolaires ? Hôpitaux ? Objection de conscience à certaines lois éthiques ? Parole publique sur des sujets éthiques de la part de responsables religieux ? Sans oublier les "Te deum" et autres questions de protocole (qui ne m’empêchent pas de dormir). Quand une réponse claire sera fournie à toutes ces questions, alors seulement, un débat politique transparent pourra être mené.

Chat échaudé… La question du remplacement des cours de religion à l’école par des cours de citoyenneté, a été lancée chez nous, après les attentats "Charlie". Qui, pourtant, n’avaient aucun lien direct avec ce dossier. Aujourd’hui, la question de la laïcité dans la Constitution fleurit suite aux attentats de Paris. S’agit-il de lutter contre le radicalisme ? Ou de profiter de la peur du fondamentalisme islamiste, pour enfermer toute parole religieuse dans l’espace privé ? Laissant l’expression d’opinions dans l’espace publique à ceux qui se déclarent sans religion ? Ainsi, au moins, l’archevêque n’aura plus souci à se faire. Je ne prétends pas que tel est le projet derrière l’inscription de la laïcité dans la Constitution. Mais je ne suis pas rassuré. Et j’aimerais l’être.

Lire également : Hervé Hasquin: "Le principe de laïcité n'est pas nécessaire pour la bonne conduite de notre pays"

Commentaires

  • On peut s'interroger si les commentaires inappropriés de la journaliste de la RTBF relèvent de la responsabilité d'un média aux ordres, ou de celle d'une « journaliste » « à l'ordre », la main et le pouce en équerre devant la gorge et espérant pour ses prises de position une « augmentation de salaire » c'est-à-dire être admise à un grade supérieur. Il est vrai que beaucoup de directeurs de la vénérable institution sont des « hauts grades » de cet ordre secret. Ce qui est en soi une garantie d'objectivité.

  • Le rappel et la mise en valeur du « principe de laïcité » ne vise qu'une chose.
    On montre du doigt des islamistes radicaux, des terroristes, mais ce n'est pas eux que l'on vise. Pour les combattre les lois et organismes existants sont suffisants. Ce qui manque c'est la volonté de s'en servir contre ces terroristes là.
    L'islam est sciemment et délibérément introduit pour relativiser le poids de la religion chrétienne, particulièrement catholique avec son éthique stricte imbuvable. La polygamie islamique c'est déjà un pas dans la bonne direction ; la répudiation en est un autre. Tout en faisant mine de vouloir contrôler l'islam, il est, dans les faits, soutenu.
    Le but de l'état d'urgence ou de changement de la constitution est d'avoir des moyens de répression de l'expression religieuse ; c'est de pouvoir « légalement » introduire une police de la pensée. L’élitisme est, par essence totalitaire: le pouvoir aux seuls élus, l'asservissement du bas peuple par la consommation et la sexualité.

  • Pourquoi vouloir supprimer les signes religieux, même ostentatoires ? Ils ne me dérangent pas tant qu'ils ne perturbent pas le travail ou le service attendu. Je puis vivre avec quelqu'un qui exprime sa foi ou ses convictions, même (surtout) si elles sont différentes des miennes ; c'est un enrichissement.
    Ce n'est pas le foulard, la typa ou la croix qu'il faut supprimer. Ce n'est pas le port de la djellaba ou de la soutane qu'il faut interdire. Ce qu'il faut préserver c'est la liberté d'aller à la piscine les jours qui me conviennent avec le maillot que j'aime, ou de m'asseoir dans le bus à la place que je veux. Je n'apprécie pas comme je l'ai vu, qu'un chauffeur de bus interrompe son service et descende du bus pour faire sa prière sur le trottoir. Je lui reconnais bien le droit de prier, mais pas d'interrompre son service. Et cela ne sera jamais sanctionné. Et si un usager déposait plainte auprès de la compagnie de bus, c'est lui qui risquerait des ennuis pour --phobie.
    Alors liberté religieuse, oui, sans réserve. Expression publique de ses convictions oui et oui. Répercussions pratiques oui, dans certaines limites.

  • Il faut cesser au nom d'une laïcité agressive, intolérante et totalitaire, de réprimer les expressions pacifiques de religions, lorsqu’elles ne troublent pas l'ordre public.
    La laïcité c'est la tolérance de tous (et pas seulement des laïques).

  • Une seule chose doit être inscrite dans la constitution : La garantie de la LIBERTÉ : le respect de toute vie, la libre disposition de son corps, la liberté d'expression, de mouvement, de réunion, de culte,...
    Tout le reste est limitation totalitaire, intimidation et répression, et cela n'a rien à faire dans une constitution. Pas même un occasionnellement nécessaire « état d'urgence ».

  • « profiter de la peur du fondamentalisme islamiste, pour enfermer toute parole religieuse dans l’espace privé ? Laissant l’expression d’opinions dans l’espace publique à ceux qui se déclarent sans religion ? » écrivez-vous.
    Mais la « non‑religion » est une religion ! C'est un choix émotionnel et irrationnel du même ordre que l'adhésion à une religion. Cette religion de la « non‑religion » a ses dogmes, ses fêtes et célébrations, ses rites et son clergé, ses œuvres. Il ne suffit pas de les appeler républicains ou laïques pour qu'ils perdent leur essence religieuse.
    Alors expression de la religion laïque, oui, mais cohabitant à égalité avec les autres religions qui ont exactement les mêmes droits.

  • Effectivement, Léo, il n'y a aucune raison que la religion laïque ait une quelconque prééminence par rapport aux autres religions. En Belgique, pour bénéficier des subsides d'état et d'"aumôniers" notamment en prison, la laïcité a demandé à être assimilée à un culte. Et cependant ils se défendent, en toute contradiction, d'être une religion. Pourtant il est de fêtes et des célébrations laïques, des baptêmes laïques, des enterrements laïques, des œuvres laïques, ... qui entendent bien être une alternative aux autres cultes, œuvres,..

  • Ce qu'il faut voir c'est que les valeurs théoriques de la laïcité sont des valeurs chrétiennes. La manière totalitaire sont elles sont parfois vécue est un autre problème, largement lié à un gnosticisme élitiste. Pour être clair au travail en loge de certains maçons.
    Liberté, égalité, fraternité, cette devise maçonnique reprise par la république française sont des valeurs chrétiennes qui ne peuvent être consistantes et cohérentes que dans un contexte chrétien et même eschatologique.
    La notion de progrès n'a de sens que dans un temps linéaire, avec une création et une apocalypse. Elle est incohérente avec un temps cyclique répétitif comme par exemple dans le bouddhisme ou le taoïsme.
    La notion de droits de l'homme ne tient finalement que si l'homme a dans le monde une place prééminente car fait à l'image de Dieu et ayant en charge la gestion et le développement du monde.
    La fraternité ne peut être réelle, et est la plus significative et la plus forte, qu'en étant fils d'un même Père.
    L'égalité est celle de frères et sœurs tous différents que le Père aime également, mais qui ont chacun un destin et une place propre. 
    La liberté, si chère à beaucoup de laïcistes au point de devenir obsessionnelle, ne peut exister et se vivre que dans une relation d'amour. Seul l'amour libère. Et l'amour des frères entre eux est la diffraction de l'amour du Père.
    La loi, si souvent vécue comme un obstacle ou une limitation à la liberté est la prise de conscience de ce que nous sommes, de ce qui nous est donné. La loi vécue dans la Vérité rend libre.

    Si l'on supprime l'enracinement chrétien constitutif des valeurs laïques, elles s'effondrent, spontanément et rapidement. La déesse Raison et le calendrier révolutionnaire n'ont pas tenu bien longtemps. Le communisme, matérialiste et marxiste non plus. Le technicisme matérialiste et transhumaniste est en train de s'effondrer dans une crise économique sans précédent.
    La seule chose qui puisse sauver notre civilisation « post-chrétienne » et les « valeurs de la république » est de retrouver leurs racines chrétiennes.

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