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Spotlight ou comment installer un climat de paranoïa christianophobe

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De Pierre Marcellesi sur Boulevard Voltaire :

Spotlight, ou la chasse aux prêtres pédophiles

L’effet escompté est atteint : le spectateur sort de la projection avec l’envie irrépressible de casser du curé.

Le battage médiatique était déjà suspect.

AlloCiné l’avait même sponsorisé sur sa page d’accueil !

Thriller journalistique dans la veine des Hommes du président et de Jeux de pouvoir,Spotlight, de Tom McCarthy, s’était doté de moyens considérables pour porter à l’écran cette sordide affaire de pédophilie au sein de l’Église, sur laquelle enquêtèrent, en 2001, les journalistes du Boston Globe.

Avec un casting cinq étoiles composé de Michael Keaton, Rachel McAdams, Mark Ruffalo ou encore Liev Schreiber, il ne serait dorénavant plus permis d’ignorer les agissements couverts par l’une des plus vieilles institutions religieuses. La vérité allait enfin éclater grâce à Hollywood !

Tel un couperet tombé à mi-parcours du récit, celle-ci peut être finalement résumée à un chiffre : 6 % de prêtres pédophiles en activité à Boston, ville à forte population d’origine irlandaise, et de surcroît en majorité catholique. Et l’enquête n’a de cesse, d’un bout à l’autre du film, d’accabler une Église de plus en plus matoise et dissimulatrice…

Même sans céder aux tentations les plus racoleuses, McCarthy parvient insidieusement à installer un climat de paranoïa christianophobe que des plans d’enfants vulnérables, parsemant le métrage ici ou là, ne font que renforcer. C’est que le sujet – et le réalisateur le sait très bien – se prête naturellement à toutes les réactions les plus émotionnelles, comme en témoignent, sans grande surprise, les commentaires intempérants, mi-goguenards, mi-outrés, des spectateurs dans la salle.

Le film, qui se voulait jusque-là d’une neutralité journalistique (comprendre « scientifique »), tombe enfin le masque durant le générique de fin lorsque après deux heures d’enquête sur la seule affaire de Boston, des intertitres apparaissent à l’écran pour nous expliquer, avec listes à l’appui, que toutes les grandes villes du monde ont connu de tels scandales et que, quelque part, il est peut-être possible de tirer une vérité générale à partir de ce cas particulier… Générique de fin qui révèle ainsi au spectateur les intentions de Tom McCarthy : se faire l’Église catholique… Dénoncer le cas particulier de Boston, de toute évidence, ne suffisait pas, il fallait « démolir le système » (l’institution), pour reprendre les mots du personnage incarné par Michael Keaton.

L’effet escompté est atteint : le spectateur sort de la projection avec l’envie irrépressible de casser du curé, avant bien sûr de retirer son gamin du catéchisme !

Puis l’on reprend ses esprits et l’on se souvient de Thomas Plante, professeur influent de l’université de Santa Clara et de Stanford, qui dans ses travaux estimait entre 2 et 5 % le nombre de prêtres ayant déjà eu des rapports sexuels avec un mineur, contre 8 % de la population masculine en règle générale ! On se souvient aussi de William Oddie selon qui le taux de pédophiles parmi les prêtres serait 4 fois inférieur à celui des hommes en général. Sans oublier que 10 % des élèves aux États-Unis rapportent des cas de relations sexuelles non sollicitées avec leurs professeurs. On est loin des « scores » attribués à l’Eglise…

Enfin, cette ardeur à dénoncer les abus d’une institution comateuse à une époque où, privé de foi, l’Occident est déjà spirituellement désarmé pour lutter contre le salafisme, semble bien curieuse…

Reste que Spotlight demeure en soi un thriller passionnant, en dépit d’intentions pour le moins douteuses et d’une mise en scène un peu faiblarde.

2,5 étoiles sur 5

Commentaires

  • Je n'irai pas voir ce film mais le temps que j'aurai ainsi gagné sera consacré à la prière pour les auteurs de ces crimes et pour leurs victimes : "Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites." (Mathieu, 25, 40). Je déteste les statistiques qui tentent de faire diminuer la responsabilité de ces crimes : stop à la pédophilie, dans l'Eglise et ailleurs. Et surtout dans l'Eglise ! Une seule vérité : des membres de l'Eglise, ecclésiastiques ou autres, continuent à cacher la vérité ou à la nier. Si ce film contribue a empêcher cela, "du mal, Dieu fera sortir du bien".

  • D'accord Yves V.C. .Simplement Je ne connais personnellement pas de " membres de l' Eglise, ecclésiastiques ou autres. qui continuent de cacher la vérité ou de la nier " . Ce serait une forme de négationnisme , donc punissable ; Enfin, j'ai beau chercher, personnellemment , je n'en connais pas.

  • Si aujourd'hui ceux qui cachent des faits de pédophilie dans l'Eglise catholique deviennent rares, il y a encore (et en Belgique !) des ecclésiastiques qui ont caché ces faits et qui continuent à avoir "pignon sur rue". Heureusement ces faits (= dans une structure hiérarchique) sont désormais punissables. Bien sûr, on me rétorquera toujours que lorsque les faits sont prescrits, les poursuites n'ont plus lieu d'être. Mais cela est une vision très humaine. Il convient toujours de ramener les faits de pédophilie à des crimes contre l'enfance (ce qui laisse toujours des traces indélébiles). Se taire alors que l'on sait est une forme de participation à ces crimes. Et je vous renvoie au verset de l'Evangile de saint Mathieu qui est très clair !

  • Quant aux statistiques , on peut les interpréter comme on veut .
    Tolérance zero pour l' Eglise , par ex. et laxisme , incurie, dans le reste de la société.. C'est un point de vue mais ça change quoi, au niveau des petites victimes dans le reste de la société?

  • Mais enfin cette dialectique de défense n'est plus tenable. L'Eglise a toujours eu des ennemis. Que certains se servent aujourd'hui du scandale des cas de pédophilie couverts par la hiérarchie pour tenter de la démolir est certes regrettable. Mais d'une, ce ne sont pas d'eux que viennent la majorité des critiques. De deux, ce ne sont pas eux qui ont commis ce scandale. Or c'est précisément pour les mêmes raisons que ces cas de pédophilie ont été couverts : protéger l'Eglise du scandale et des attaques !!! Et on nous ressort aujourd'hui ce même discours face à un film qui, précisément, le dénonce ?...

    Moi-même catholique et victime d'un pédophile dans mon enfance au sein de l'enseignement catholique (un catéchiste laïc dont le frère directeur de mon établissement a failli casser la gueule quand il a découvert ce que j'avais subi - donc non, tous les religieux sont loin d'être complaisants avec la pédophilie), je ne suis pas pour la vengeance. Je sais bien que la plupart de ces malades sont d'anciennes victimes. Et j'ai finalement de la compassion pour eux. Seulement cette compassion doit aussi et d'abord s'exercer auprès de ceux qui souffrent ou ont souffert de ces prédateurs. Au nom de la justice la plus élémentaire.

    Qu'on retire silencieusement un clerc pédophile à vie dans un couvent, pourquoi pas, s'il s'agit d'un cas isolé ? Qu'on ait couvert de nombreux cas en déplaçant des malades de paroisses en paroisses, les laissant avec des enfants, dans le seul but de protéger l'institution du scandale, et qu'on s'offusque aujourd'hui des réactions indignées légitimes face à une telle politique criminelle, pour le coup je suis presque en colère. C'est donner à juste titre le bâton pour se faire battre.

    Maintenant si l'Eglise n'est qu'un club ou une ONG, continuez ce combat d'arrière-garde perdu d'avance. Si l'Eglise est le Corps mystique du Christ, porteuse de son message, je vous en conjure, revenez au réel. Affrontez-le ! Depuis le début, il y a eu des Judas.

    Quant au film, je l'ai trouvé remarquable. A commencer par l'évocation du désarroi spirituel des victimes. Que certains ne puissent plus remettre les pieds dans une église, qui leur jettera la pierre ?
    Et je trouve le film justifié en raison même des réactions qu'il continue à susciter chez certains catholiques qui ne voient pas que leur logiciel de défense est le même que celui qui a permis le scandale qu'aujourd'hui tout le reste de la planète dénonce. Je le dis alors que personnellement je suis doublement victime : en tant que catholique dont mon Eglise peut être ainsi attaquée par ceux qui lui sont intrinsèquement hostiles. Mais aussi en tant que victime solidaire de toutes celles qu'une hiérarchie indigne a voulu réduire au silence, certainement pas par charité envers elles ...

    Je termine avec une citation de Benoit XVI qui résume tout : " la plus grande persécution contre l’Eglise ne vient pas d’ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Eglise, et l’Eglise a donc un profond besoin de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice ".

  • Merci Azarias pour votre témoignage et pour la belle citation de Benoît 16 . Cependant il ne faudra pas s'étonner de ce qu'on écoutera de moins en moins les victimes de la hiérarchie catho de cette époque . Car depuis les victimes de milieux non cathos (école, sport, famille ) ont commencé à se souvenir de cette époque : l'étouffoir était partout , nous n'osions même pas en parler aux parents, et nous les filles nous nous sentions coupables ( à treize ans ! ) ..Nous n'avons jamais su si la petite X de treize ans, séduite par un prof avait du se faire avorter en Suisse ou non.
    LEGALEMENT le témoignage d'un enfant était non recevable . A t-o,n invité ces victimes là à porter plainte ?
    C'est la première fois que je mets ceci par écrit , tant j'ai du mal à trouver les mots justes .

  • C'est très vrai Thérèse. Cela étant je pense que l'Eglise sera toujours traitée à part. D'abord parce qu'elle a un rôle prophétique. Du reste si l'émotion est encore palpable (la preuve avec ce film oscarisable), c'est bien le signe que l'Eglise n'est pas perçue, à juste titre, comme une institution comme les autres.

    D'autant qu'il n'y a pas qu'un scandale dans cette affaire. Certes il y a eu des religieux et des prêtres pédophiles. Probablement moins que dans les structures éducatives profanes (à en croire certaines rares études), ce qui malgré tout n'excuse rien. D'autant qu'il y a eu par ailleurs un secret institutionnel autour, accentuant l'isolement et la douleur des victimes. Enfin et non des moindres, une gestion calamiteuse pour ne pas dire criminelle, où des prédateurs étaient simplement changés de paroisse mais restaient au contact des enfants, ce qui leur a permis de frapper encore. Combien de familles ont été ébranlées dans leur confiance. Il n'y a qu'à voir le "divorce" entre l'institution ecclésiale et la population irlandaise pour se rendre compte de la catastrophe humaine. Si on juge un arbre à ses fruits, le moins qu'on puisse dire c'est que le fruit est pourri.

    Si l'Eglise était une institution comme les autres ce serait déjà énorme. Mais la défiance contemporaine est à la hauteur du sentiment de trahison ressenti même par ceux qui sont formellement au dehors de l'Eglise, tellement les attentes universelles envers elle sont fortes. Il suffit de les écouter pour comprendre que s'ils ne croient pas à l'Evangile, c'est parce que pour eux c'est trop beau pour être vrai. Et cette affaire les conforte dans ce sentiment.

    Tout à été bafoué. L'exemplarité des moeurs, certes, quoique l'Eglise n'est pas nécessairement comptable de ses brebis égarées. Mais elle l'est devenue en ayant recherché par son silence la vanité et l'hypocrisie des apparences, et en ayant banalisé et minoré l'horreur par une gestion pastorale calamiteuse, toujours pour protéger les réputations. Bref des actes totalement contraires à l'esprit de l'Evangile où l'accent est mis sur les petits, l'importance de l'Esprit au mépris des apparences, la Justice et la Charité élémentaires... Pour ne pas parler de Vérité.

    Je crois qu'avec l'aide de Dieu, non seulement l'Eglise s'en remettra, mais que cette crise la purifiera de façon admirable. Seulement ça prendra du temps. En attendant, plus que jamais il nous faut renouer le dialogue que nous avons rompu par notre faute avec le monde et prendre conscience des torts que nous avons causés par nos négligence et nos silences. Il ne s'agit pas de crucifier les bourreaux, mais d'en protéger nos enfants par tous les moyens. Il s'agit aussi de renouer avec les valeurs de l'Evangile, celles-là même qui ont conduit le Christ à la Croix car elles dérangeaient l'ordre établi par les hommes. Or ici précisément le Corps Mystique de Dieu a été effacé au profit de l'institution des hommes : il s'agissait, en se taisant, de surtout ne pas troubler l'ordre établi... Préférer Caïphe à Jésus.

    Il va donc nous falloir écouter les douleurs. Compatir. Comprendre et accepter les déceptions. Nous taire face aux attaques parfois gratuites. Aux suspicions injustes. Le prix à payer est énorme. Mais nous avons fait du tort à ces petits du Christ. Et nous devons le réparer. J'entends par "petits" non seulement les victimes, mais aussi tous ceux, scandalisés, qui ne veulent plus entendre aujourd'hui parler de Jésus et de son Evangile en raison de ces scandales. C'est la croix que devront porter dignement les nouvelles générations catholiques pour marcher à la suite du Seigneur.

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