De Joseph Junker, cette "opinion" publiée sur levif.be :
Allocations familiales : le coup de Jarnac de la Ligue des familles
Ce vendredi 27 mai, la Ligue des familles présentait, au cours d'un débat organisé, sa proposition de réforme des allocations familiales. Réforme dont la mesure phare serait la suppression des rangs (l'augmentation des allocations suivant la place de l'enfant dans la famille) au profit d'une allocation universelle de 150 euros par enfant. Résultat de la mesure : si les familles d'un ou deux enfants recevaient des montants plus importants, les familles dès 3 enfants et au-delà, soit 16% des familles, verront à l'avenir leurs allocations diminuer.
Un triste épisode qui vient se rajouter au lourd contentieux en train de se former entre la Ligue des familles et les parents qu'elle prétend représenter. Il survient en effet après une proposition d'instauration d'une parenté sociale très loin de faire l'unanimité parmi les parents, et surtout le soutien, en dépit de tout bon sens, du changement des rythmes scolaires et du pacte d'excellence. Et ce malgré l'opposition de 70% ( !) de la population, une pétition conséquente et une série de tribunes enflammées de parents furieux (à raison) partagées des milliers de fois sur les réseaux sociaux. Un phénomène qui n'a en fait rien d'étonnant si l'on considère que la Ligue représente aujourd'hui moins de 5% des familles wallonnes et bruxelloise et dépend à 60% des financements publics[1].
J'ai eu le privilège au cours d'un débat télévisé avec la Ligue des Familles sur un autre sujet, d'apprendre que la réforme des allocations familiales n'impacterait que 7% des familles (en réalité 16%, nous venons de le voir, et un tiers des enfants). Message qui je dois le dire m'a plutôt interpellé : imagine-t'on un syndicat qui proposerait une mesure défavorable à une partie significative de ses membres au bénéfice des autres, lesquels n'ont en fait jamais demandé qu'on adapte un système fonctionnant jusqu'à présent à la satisfaction générale ? Les "7 %" en question apprécieront d'être les dupes d'une ligue qui a mis ses priorités ailleurs, fait fi de la solidarité entre les familles et construit une réforme qui les dressera les unes contre les autres. On ne s'étonnera guère d'ailleurs d'apprendre que la ligue est en hémorragie constante de membres depuis deux décennies. Les plans sociaux s'y sont égrenés à intervalles réguliers, la Ligue voyant partir près de la moitié de ses collaborateurs sur la seule période 2008-2013. Si elle collait plus à la volonté des familles, n'aurait-elle pas plus de succès ?
Parmi les arguments pour une rationalisation des allocations familiales et une suppression des rangs, on relèvera le discours suivant : La ligue déclare en effet que Les allocations familiales doivent aider les parents au moment où ils en ont le plus besoin : à la naissance du 1er enfant, ils sont plus jeunes et perçoivent des salaires plus modestes. Or, le coût du 1er enfant est 20 à 30% supérieur à celui du suivant.