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Il n'y a pas d'Islam de France...

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De Ghislain de Violet sur parismatch.com :

"Le problème est qu'il n'y a pas d'Islam de France"

Vice-président de la Conférence des imams de France et imam à Nîmes, Hocine Drouiche, dénonce la timidité des institutions représentatives de l’islam hexagonal après les derniers attentats.

Paris Match. A-t-on franchi une nouvelle étape après le meurtre du père Jacques Hamel?

Hocine Drouiche. Tout à fait. C’est un nouvelle escalade dans l’industrie de la peur. L’objectif est clair : séparer la communauté musulmane du reste de la société et faire en sorte que tout le monde vive dans la crainte.

Vous évoquez une « guerre idéologique ». Qui en sont les acteurs?

C’est à la fois une guerre mondiale au sein du monde musulman et une guerre au sein de l’islam de France, entre ses imams, ses savants. Une partie d’entre eux soutiennent l’idée d’un conflit direct avec l’Occident. Une autre partie cultive l’ambiguïté. Et une dernière partie condamne clairement cette approche belliqueuse. Les deux premiers camps sont ligués contre le troisième, dont les soutiens sont traités de tous les noms : collaborateurs, traîtres, nouveaux harkis… Ces attaques visent à décrédibiliser les tenants d’un islam des Lumières, pour se construire une popularité à bon compte au sein de la communauté des croyants. Cette haine contre les imams qui croient en la réconciliation nationale et l’humanisme, je la vis chaque jour.

Vous reprochez aux représentants de l’islam de France leur « réserve » après les attentats…

Je ne suis pas le seul à le faire. Je reflète les sentiments de nombreux musulmans français sur le terrain. Le CFCM (Conseil français du culte musulman, NDLR) était une belle idée au départ, mais cette instance est devenue un handicap pour l’émergence d’un islam ouvert et républicain. Après Nice, aucun membre du CFCM n’est venu sur place. C’est pourtant leur rôle. Quand il y a des victimes innocentes, on ne peut pas se contenter d’un communiqué de trois lignes. On ne peut pas se satisfaire de  dire aux fidèles ce qu’ils ont envie d’entendre, à savoir que l’islam n’est pour rien dans tout ça, que ce n’est pas notre faute.

Dire que ce qui arrive est la faute de l’islam de France, ce n’est pas un peu abusif ?

Pour l’instant, l’islam de France n’existe pas et c’est bien le problème. N’importe qui peut se proclamer imam. N’importe qui peut interpréter les textes n’importe comment. C’est l’anarchie. Reste que les auteurs des attentats ont agi au nom de leur compréhension de la religion. L’islam est impliqué, qu’il le veuille ou non. Ceux qui représentent les musulmans français ont donc une responsabilité non pas juridique, mais morale d’imposer un contre-discours, en portant un message fort de paix et d’amour.

Tout de même, le CFCM a appelé les musulmans à se rendre dans les églises après Saint-Etienne-du-Rouvray…

C’était un premier pas. Mais si ce qu’on a pas fait pendant des années, on ne pourra pas le rattraper en une semaine.

Quelles solutions préconisez-vous?

Il faut commencer par reconnaître que les graines de l’extrémisme font partie intégrante de certains discours de prédicateurs. Même si la majorité des imams sont tolérants. Il faut une formation pour tous les responsables religieux, adaptée aux spécificités de la société française, la laïcité notamment. En fait, ma conviction profonde est que ce sont les principes républicains qui nous aident à comprendre les vraies valeurs de l’islam. On ne peut pas non plus continuer d’importer des imams des pays arabes, où l’image d’une France comme premier ennemi du monde musulman est très ancrée. Il faut aussi faire cesser les financements des pays étrangers. La solution doit venir de la communauté musulmane française elle-même.

Quel est le rôle du salafisme dans la montée de l’intégrisme ? Faut-il l’interdire, comme certains politiques le proposent?

Le salafisme est une compréhension superficielle, littéraliste et intolérante du Coran. C’est vrai que sa promotion sur les réseaux sociaux encourage le fanatisme et la radicalisation, la haine des juifs, des homosexuels, de tout ce qui est différent. Mais ce combat est aussi du ressort de l’Etat. Chacun doit jouer son rôle. Je ne pense pas pour autant qu’il faille l’interdire, c’est sur le terrain des idées qu’il faut engager la lutte.

Le chômage et l’exclusion ne jouent-ils pas aussi un rôle dans le processus de radicalisation?

Ils y ont une part, bien sûr. Mais la vraie question est l’interprétation négative des textes religieux. On ne peut nier que la civilisation musulmane est malade depuis dix siècles à cause de ça. La religion peut être un médicament comme elle peut être un poison.

Certains vous reprochent de parler au nom des musulmans alors que vous ne représenteriez que vous-même…

Je suis docteur en droit musulman, j’ai vécu en Algérie au moment de la guerre civile, en Syrie pendant la répression de 1982, je crois avoir une certaine expérience du sujet même si je n’ai jamais prétendu parler au nom des musulmans. La vérité, c’est que de nombreux imams partagent mes vues mais ils ont peur d’être mal perçus par leur communauté. Beaucoup sont payés par l’association qui gère leur lieu de culte, ils peuvent être déchus s’ils disent des choses qui ne plaisent pas. Et puis vous savez, les réformistes sont toujours critiqués au début…

Craignez-vous un risque de guerre civile?

J’en ai peur, si on ne réagit pas. D’un côté, je ressens une colère grandissante des Français contre les représentants de l’islam, accusés de ne pas en faire assez contre l’extrémisme. De l’autre, les forces qui se nourrissent de la haine sont à l’offensive.

La situation se présente-t-elle différemment dans notre pays ?

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