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Sainte-Catherine : une église au milieu du village

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Lu sur le site du Journal Le Soir (Pierre Vassart):

Sainte-Catherine au milieu du village

Il y a le quartier, chaleureux, où l’on se divertit. Il y a aussi le quartier où vivent de nombreux habitants, comme dans un village, à l’ombre d’une église qui a échappé au pire.

Les femmes ne dansent plus en crinoline sur les pavés de la place Sainte-Catherine, mais c’est tout comme. Depuis quelques semaines, les restaurants du quartier, bien malmenés par la série noire qui a figé Bruxelles au cours de l’année écoulée, refont le plein. Et les Plaisirs d’hiver, qui drainent les foules, n’ont fait qu’amplifier le mouvement.

Il faut aller voir les splendides jeux de lumière qui apportent à la façade de l’église Sainte-Catherine une vie mystérieuse. Il faut entrer dans l’un des multiples restaurants qui, du Marché aux Poissons à la rue de Flandre, proposent des mets de qualité, des produits de la mer ultra-frais – « On a la chance d’avoir les importateurs à proximité », commente le président de l’association des commerçants du coin Marc Withofs –, mais aussi « une cuisine multinationale », comme le souligne le commerçant. Ou profiter encore de l’ambiance des chalets variés qui s’étalent aux pieds de l’édifice religieux, le seul du Pentagone construit au cours du XIXe siècle, et par l’architecte Joseph Poelaert encore bien ! On ne pourra qu’arriver à ce constat : la place Sainte-Catherine et ses abords sont l’un des cœurs de la capitale, qui affiche en cette fin d’année une vitalité réjouissante.

Les commerçants, d’ailleurs, ne s’y trompent pas. Est-ce les chiffres de fréquentation piétonne du quartier fournis par Atrium, l’agence régionale du commerce, qui les y incitent ? Ils sont nombreux à vouloir s’implanter dans le quartier. C’est qu’une moyenne de piétons de 8.229 par jour (à hauteur du 10 rue Sainte-Catherine), ou même de 3.674 par jour (à hauteur du 38 rue de Flandre) ont de quoi attirer. C’est ainsi, pour ne parler que des derniers à s’y être installés, qu’un glacier réputé s’est établi cet été sur la place, de même que, non loin de là, une nouvelle succursale d’une chaîne de magasins de nuit bien connue, qu’un boucher très réputé de la côte belge ou encore qu’un établissement qui propose des sushis, voire un autre qui surfe sur la vague du hamburger haut de gamme.

Mais le visiteur de passage ne le soupçonnera sans doute pas : « le quartier est un petit village en plein cœur de Bruxelles, résume Marc Withofs. Tout le monde se connaît, se dit “bonjour”, et l’ambiance est chaleureuse. » Car il y a les commerçants, mais également de nombreux habitants dans ce quartier. « Il y a ceux qui y vivent depuis des années – le plus célèbre d’entre eux étant le chanteur Arno, qu’on peut y croiser en terrasse les belles après-midi d’été –, et puis il y a de nombreux nouveaux arrivants, qui se font assez vite aux petits désagréments, comme les odeurs des restaurants », poursuit le commerçant. Il n’y a en outre qu’à observer les enseignes des cafés : les néerlandophones ont fait du quartier leur point de chute, et on s’y salue en néerlandais comme en français ou en anglais.

 

Cette convivialité, ce n’est pas le père Jérémie, qui officie dans l’église Sainte-Catherine, qui la démentira : « Je porte la soutane, je viens à moto, et comme nous manquons d’espace, il arrive que nous nous réunissions dans les cafés du quartier avec de jeunes couples pour préparer leur mariage. Je ne passe donc pas inaperçu », s’amuse-t-il. Et le prêtre de se réjouir, lui aussi, du caractère villageois du quartier, et du « lien » qu’entretien, assure-t-il, ce dernier avec l’église, dont il porte d’ailleurs le nom. Pourtant, dans ce quartier où le péché de gourmandise se pratique à outrance, l’édifice religieux a senti passer le vent du boulet. Dans les années soixante déjà, il avait été question de l’abattre pour construire à sa place un parking. Heureusement, le projet a capoté. Mais plus récemment, la Ville de Bruxelles, préoccupée par sa désaffectation – on se souvient des portes éternellement closes de l’édifice – avait planché sur une nouvelle affectation des lieux, dont elle est propriétaire. En janvier 2014, elle avait lancé un appel à projets, et sur les 43 propositions rentrées, elle en avait retenu trois au terme d’un processus de sélection de plusieurs mois.

Les trois porteurs de projets, qui étaient à vocation culturelle, se sont vu demander un plan financier afin d’évaluer leur rentabilité. Il ne s’agissait pas, pour la Ville, de perdre des billes dans l’aventure. Mais aucun n’a répondu. Cette étape, en mai 2015, avait marqué la fin de la réflexion sur une réaffectation du site. D’autant qu’entre-temps, une jeune communauté religieuse fondée en 2013 par l’archevêque de Malines Bruxelles de l’époque André-Joseph Léonard, la fraternité des saints apôtres, avait investi les lieux. De jeunes prêtres et séminaristes inspirés par un curé marseillais, qui vivaient et priaient ensemble, et avaient rendu vie à l’église.

« Suite à l’intervention de Monseigneur Léonard visant à réaliser un test d’un an en septembre 2015 pour un projet cultuel et social, et parce que l’église n’était plus entretenue, il a été décidé de rouvrir l’église au culte, et force nous est d’admettre qu’elle constitue aujourd’hui un réel attrait touristique, indiquait alors la Ville de Bruxelles. La collaboration avec les prêtres officiant dans l’église est actuellement parfaite et les commerçants de la place Sainte-Catherine en sont ravis. Un contrôle social permet en outre d’éviter les nuisances sonores et les regroupements néfastes au quartier, le tout dans une ambiance plus sereine. »

Depuis, la communauté a été dissoute, en juillet 2016, par le successeur d’André-Joseph Léonard, Joseph De Kesel. Une décision vécue comme un camouflet par les catholiques qui fréquentent l’église, qui y voient, comme l’explique leur site internet, « un scandale ». Les séminaristes sont donc partis, mais le père Jérémie, affecté à l’église, continue à y officier, avec quatre autres prêtres. « Leurs ailes ayant été coupées », selon leur comité de soutien.

PIERRE VASSART

L’ÉGLISE DANS LA VILLE

LA RÉGION BRUXELLOISE COMPTAIT JUSQU’IL Y A PEU 110 ÉGLISES. LE CONTEXTE PARTICULIER D’UNE VILLE COMME BRUXELLES OÙ D’AUTRES CONVICTIONS ET RELIGIONS ONT AUSSI LEUR PLACE, ET L’ARGUMENT DES COÛTS DE GESTION DES LIEUX DE CULTE ONT POUSSÉ LA HIÉRARCHIE DE L’EGLISE À S’INTERROGER SUR LA FAÇON DE RÉPONDRE AU MIEUX AUX DÉFIS QUE POSE CETTE NOUVELLE SITUATION. JEAN KOCKEROLS, ÉVÊQUE AUXILIAIRE POUR BRUXELLES DE L’ARCHEVÊQUE DE MALINES-BRUXELLES, DÉTAILLE DANS UNE LETTRE PASTORALE SUR L’EGLISE DANS LA VILLE LA VISION DE L’EGLISE À CE SUJET.

« L’EGLISE À BRUXELLES FAIT FACE À DES DÉFIS QUI ÉVOLUENT EN PARALLÈLE AVEC CEUX POSÉS À LA RÉGION, SOULIGNE JEAN KOCKEROLS. IL FAUT FAIRE AVEC MOINS DE GENS, MOINS DE MOYENS. MAIS IL FAUT AUSSI TENIR COMPTE DU FAIT QUE L’EGLISE EST AUTRE. ELLE ÉVOLUE ET DÉVELOPPE SA PRÉSENCE DANS LA VILLE D’UNE AUTRE FAÇON. » JEAN KOCKEROLS INSISTE AUSSI SUR LA NÉCESSITÉ DU « TRAVAIL ENSEMBLE » QUI DOIT ÊTRE MENÉ PAR LES PAROISSES. « IL FAUT DES PROJETS COMMUNS. LA QUESTION DU LIEU DE CULTE SE POSE DANS CE CADRE-LÀ. »

ENVISAGER DES RÉAFFECTATIONS D’ÉGLISES S’IMPOSE DÉSORMAIS. LA NOTE DE POLITIQUE GÉNÉRALE ÉVOQUE UN « USAGE MIXTE » DES PAROISSES, NOTAMMENT VIA DES ACTIVITÉS D’ORDRE CULTUREL LORSQUE LE CULTE N’Y EST PAS CÉLÉBRÉ. IL Y A AUSSI LA POSSIBILITÉ D’AFFECTER UN LIEU À UNE COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE D’ORIGINE ÉTRANGÈRE. « C’EST LE CAS DE NOTRE-DAME DE LA CHAPELLE MISE À LA DISPOSITION D’UNE PAROISSE POLONAISE. »

DANS CERTAINS CAS, UN LIEU DE CULTE PEUT AUSSI SE VOIR CONFIÉ À UNE COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE NON CATHOLIQUE. « JE PENSE ICI À L’ÉGLISE SAINT-PAUL À UCCLE (STALLE) DONT L’AFFECTATION EST PARTAGÉE AVEC UNE PAROISSE ORTHODOXE ROUMAINE », POURSUIT JEAN KOCKEROLS.

« MAIS QUAND RIEN DE TOUT CELA NE PEUT ÊTRE MIS EN ŒUVRE, IL RESTE LA SOLUTION DE LA DÉSACRALISATION DU LIEU DE CULTE, UN ACTE JURIDIQUE PAR LEQUEL LE LIEU NE SERT PLUS AU CULTE MAIS DÉSORMAIS À UN USAGE PROFANE QUI NE S’AVÈRE PAS INCONVENANT… PAS QUESTION D’UN DANCING, PAR EXEMPLE », NOTE ENCORE JEAN KOCKEROLS. « NOS PRIORITÉS VONT AU LOGEMENT/HABITAT AINSI QU’À L’ENSEIGNEMENT. »

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