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Eglise: le pape François veut modifier la loi du célibat obligatoire pour les prêtres de rite latin

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DieZeit_cover.jpgC’est ce qu’il a réaffirmé à l’hebdomadaire allemand « Die Zeit » le 9 mars dernier (voir ici  sur Belgicatho).  Il n’y a là aucun « scoop ». Le 13 juillet 2014, Eugenio Scalfari, fondateur et ancien directeur du quotidien italien de gauche « La Reppublica » avait déjà reproduit ce dialogue censé transcrire la parole même du pape régnant  à propos du célibat des prêtres:

 -« Comment va évoluer au fil du temps ce problème dans l'Eglise de Rome ? » 

- «Peut-être ne savez-vous pas que le célibat a été établi au Xe siècle, c'est-à-dire 900 ans après la mort de notre Seigneur (1). L'Eglise catholique orientale a à ce jour la faculté que ses prêtres se marient. Le problème existe certainement mais n'est pas d'une grande ampleur. Il faut du temps, mais il y a des solutions et je les trouverai. »

Le célibat ecclésiastique, une invention tardive ?

Ceux qui comme le pape régnant voient dans le célibat des clercs majeurs une invention tardive (1) sont de moins en moins nombreux, car l’argument, tiré en fait d'une disposition du 2e concile de Latran (1139), ne résiste pas à une simple lecture du texte conciliaire : celui-ci a pour objet de frapper de nullité tout mariage contracté par un clerc déjà ordonné. Mais les auteurs qui font autorité reconnaissent généralement que le respect de la continence exigé des clercs est bien antérieur à cette époque. On en trouve la trace formelle dans un décret du concile d’Elvire (305 ou 306), dont on peut déduire qu'il "canonise" une pratique existante. Etablir le motif exact de celle-ci et la genèse précise de son développement est une autre question: c'est sur ce point que les auteurs divergent, bien plus que sur l'antiquité de la règle. 

Approfondir la doctrine

Par ailleurs, les seuls arguments historiques ou disciplinaires sont rarement décisifs pour mettre fin à une  contestation (ce n’est pas la première) dans un domaine aussi sensible : a fortiori lorsqu’elle refait surface  dans l’ambiance séculariste postconciliaire exaltant toutes les formes de liberté. C’est pourquoi, dans l’époque précédant le règne du pape François, la réflexion s’est surtout portée sur le développement théologique légitime de la doctrine du célibat ecclésiastique.

Selon l’argumentaire avancé à ce titre, la prêtrise est un état avant d’être une fonction et si -selon l’adage- le prêtre devient un autre Christ, par le sacrement qui l’ordonne à son Seigneur, il doit lui être « configuré en tout ». Ceci expliquerait que le prêtre ne puisse être une femme et demeure célibataire.

 

C’est aussi pourquoi le clergé marié des églises orientales a un aspect théologiquement « inabouti ». L’auteur de cette remarque est, sauf erreur, Benoît XVI qui, parlant de l’Eglise grecque dans le livre d’interviews "Le sel de la terre", réalisé par Peter Seewald (à chacun son journaliste de référence) considère avec peu de faveur le développement historique d’un tel clergé « de seconde zone » (l’expression est de Ratzinger).

C’est dans le même sens d’un approfondissement doctrinal que le cardinal Alfons Stickler, très apprécié par l’ancien pape, conclut son étude « Le célibat des clercs, Histoire de son évolution et fondements théologiques » (texte traduit de l’allemand, publié aux Editions Pierre Téqui, Paris, 1998) et c’est également ce que pense le cardinal Mauro Piacenza, préfet de la congrégation du clergé sous le règne de Benoît XVI. Citant ce grand pape théologien lors d’un colloque organisé à Ars du 26 au 28 janvier 2011, il avait mis en lumière  la dimension eucharistique d’un célibat sacerdotal intimement lié à l’acte d’oblation totale de soi que fait l’ordinand, à l’image de Jésus, Souverain Prêtre :

« L’offrande que le Christ fait à tout instant de Lui-même à l’Eglise doit se refléter clairement dans la vie des prêtres. Ceux-ci, écrit-il,  sont appelés à reproduire dans leur vie le Sacrifice du Christ à qui ils ont été identifiés par la grâce de l’ordination sacerdotale.

« De la nature eucharistique du célibat découlent tous les développements théologiques possibles, qui placent le prêtre face à son office fondamental : la célébration de l’Eucharistie, dans laquelle les paroles : « Ceci est Mon Corps » et « Ceci est Mon Sang » n’opèrent pas seulement l’effet sacramentel qui est le leur, mais doivent façonner progressivement et concrètement l’offrande de la vie sacerdotale elle-même. Le prêtre célibataire est ainsi associé personnellement et publiquement à Jésus Christ ; il Le rend réellement Présent, et devient lui-même offrande, grâce à ce que Benoît XVI appelle : « la logique eucharistique de l’existence chrétienne ».

« Plus on reviendra, dans l’Eglise, au caractère central de l’Eucharistie, célébrée dignement et adorée en tout temps, plus grandes seront la fidélité au célibat, la compréhension de sa richesse inestimable et, permettez-moi de le dire, la floraison de saintes vocations au ministère ordonné ».

Une conversion des mentalités

Pour être réellement compris, ce langage exige une conversion des mentalités et l’ouverture sur un monde tourné vers l’invisible : si la religion, dont c’est l’objet de nous en montrer le chemin, y renonce,  présentera-t-elle encore un réel  intérêt ?

Il est a priori étrange que l’ordination d’hommes mariés  soit revendiquée dans des pays où la tradition du célibat sacerdotal est plus que millénaire et non par les jeunes chrétientés d’Afrique ou d’Asie. Là où manque désormais la foi, la discipline ecclésiastique semble un obstacle insurmontable. Je ne crois pas qu’il faille chercher plus loin.

 JPS

(1)  le pape François ou plutôt son porte-plume Scalfari la situent erronément « au Xe siècle », mais ils veulent sans doute parler du XIe (réforme grégorienne) et du XIIe siècles  (2e concile du Latran).

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