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Le problème des traductions liturgiques

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L’esprit des célébrations sur la table en  formica  fait de la résistance. Pour débloquer la situation (mais dans quel sens ?) le pape François a nommé une commission dont on craint qu’elle ne court-circuite l’esprit de la liturgie défendu par le Cardinal Sarah, préfet de la congrégation du culte divin. Le mensuel « La Nef » (n° 291, avril 2017) publie à ce sujet une interview du Père Juan José Silvestre, professeur à l’Université romaine de la Sainte Croix (Opus Dei) :

« Rome publiait en mai 2001 une instruction, Liturgiam authenticam, qui lançait notamment un vaste chantier pour améliorer nombre de traductions défectueuses dans la liturgie.& 8200;Les missels de langue anglaise ont ainsi été revus, mais les blocages persistent, si bien que François a nommé fin décembre une commission dont on sait peu de chose. Pour la France, la Conférence des Evêques de France a annoncé une entrée en vigueur de la nouvelle traduction liturgique du Notre Père pour l'Avent 2017. Le Père Juan José Silvestre, professeur associé de liturgie à l’Université pontificale de la Sainte-Croix (Rome) et ancien consulteur à la Congrégation pour le culte divin, nous éclaire sur la situation.

La Nef – Pourquoi cette instruction pose-t-elle tant de difficultés ?

Père Juan José Silvestre – Il est vrai que la liturgie nécessite une préparation. Tout comme la Bible. Pour faire un résumé rapide des critiques, on pourrait dire qu’elles accusent la liturgie de ne pas parler avec les mots de tous les jours. Mais la Bible non plus ne parle pas comme on parle à table ! Pour s’approcher de ce langage biblique et patristique qui imprègne toute la liturgie, il faut se préparer. Les traductions précédentes ont peut-être voulu que le sens soit immédiat, mais au prix de la perte d’une grande partie du contenu.

Comme le disait Benoît XVI, nous sommes face à un analphabétisme liturgique et religieux. Face à cela, il faut former les gens, les aider à comprendre, et non pas dénaturer le langage. C’est le rôle des pasteurs. Pas des traducteurs. Les pasteurs doivent interpréter, enseigner, former. Les traducteurs doivent traduire les prières telles qu’elles sont.

Quel est l’enjeu des discussions actuelles sur Liturgiam authenticam ?

Avant Liturgiam authenticam, le mode de traduction, conformément à l’instruction de 1968, disait schématiquement que le devoir du traducteur était d’identifier le « noyau » des prières, de l’extraire de tout le langage biblique et patristique que les gens ne comprennent pas, et de plonger ce noyau dans la culture actuelle. Dire qu’il y a un « noyau » dans la prière et que le reste est décoration implique un subjectivisme absolu. Qui a donné au traducteur le pouvoir d’identifier le noyau théologique, de différencier ce qui est décoratif de ce qui ne l’est pas ? Il y a des arbitraires dont nous avons souffert, perdant par exemple tout ce qui parlait de sacrifice, d’oblation, d’immolation, parce que considérés comme non-modernes.

Dans les années 1980, le pape Jean Paul II a fait remarquer que les traductions contenaient des erreurs, des manques. Il a donc demandé à revoir ces traductions. Ainsi, Liturgiam authenticam est parti du principe que le contenu des prières n’était pas à notre disposition.

La réforme est-elle bloquée ?

Ce qui me paraît important, c’est la conversion du cœur. Entre ceux qui veulent traduire selon Liturgiam authenticam et ceux qui s’opposent à ces traductions. S’il n’y a pas de bonne volonté des deux côtés, ce sera très difficile de progresser. Il me semble difficile de retourner en arrière, avant Liturgiam authenticam, en produisant des traductions appauvries qui « trompent » les fidèles, qui ne leur permettent pas d’entrer dans la richesse de la foi catholique. Peut-être peut-on améliorer quelques points de Liturgiam authenticam, mais il faut dans ce cas entrer véritablement en dialogue, ce qui n’a pas été fait par l’écrasante majorité des critiques. En dehors de celles qui paraissent dans les journaux, il n’y a pas d’opposition véritable à Liturgiam authenticam. Quand on demande où sont les erreurs, les problèmes, les altérations dans les traductions faites depuis seize ans, on n’obtient pas de réponse.

Qu’en pense le pape selon vous ?

Je crois que le pape, en réalité, n’a pas une idée définitive sur cette question. Du point de vue liturgique, ses interventions peuvent être résumées à deux thématiques : valoriser l’adoration, et souligner la relation qui existe entre la liturgie et la vie.

Il me semble qu’un langage commun ne favorise pas l’adoration, le sens du mystère dont parle le pape François. Tant de fois il a répété que nous sommes habitués à prier, demander, remercier, mais très peu à adorer. Le langage de Liturgiam authenticam aide justement à comprendre que la rencontre avec Dieu est différente de celle avec mes amis, même si Dieu est le grand Ami. Ce langage liturgique favorise l’adoration et la primauté de Dieu.

Pour la relation liturgie-vie, il est important que la liturgie pénètre dans la vie, en la tirant vers le haut. Si nous ne banalisons pas la liturgie, le monde devient plus élevé, il est recréé. En ce sens, il faut que la liturgie aide à élever le monde. Il ne faut pas nous contenter du monde tel qu’il est, car cela revient à mondaniser la liturgie. C’est précisément ce dont le pape François ne veut pas : mondaniser la liturgie. Au contraire, c’est le monde qui doit devenir adoration.

Un dernier mot ?

Il faut aussi beaucoup d’humilité, vertu essentielle pour s’approcher de la liturgie selon Romano Guardini. En effet, il faut sortir de nous-mêmes pour entrer dans quelque chose que nous n’avons pas créé, mais qui nous a été donné. Dans le monde occidental, nous sommes habitués à construire, à faire nous-mêmes. Contrairement au monde oriental, qui qualifie d’ailleurs la liturgie de « divine », montrant que celle-ci est reçue de Dieu.

Propos recueillis à Rome par Aymeric Pourbaix, I.Media

Ref. Le problème des traductions liturgiques

JPSC

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