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« La Croix » : en dix ans, la messe en latin a trouvé sa place

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Alors que le correspondant à Rome du journal « La Croix » annonce (voir ici) que le pape François aurait l’intention d’abroger le « motu proprio » libéral de Benoît XVI pour parquer  tous les traditionalistes au sein de la Fraternité Saint-Pie X érigée en « prélature personnelle » à cet effet  (tout cela est-il bien sérieux ?), le même journal publie lui-même les lignes suivantes qui suffisent à montrer l’irréalisme de ce noir dessein prêté au pape régnant. De Marie Malzac et Malo Tresca sur le site de « La Croix » :   

« Il y a dix ans, Benoît XVI tendait la main aux traditionalistes en libéralisant, par la publication de son motu proprio Summorum Pontificum, la forme extraordinaire du rite romainAutrefois houleuses, les relations entre l’Église de France et les fidèles attachés à la tradition semblent plus apaisées aujourd’hui. Dans les diocèses, les évêques restent cependant prudents quant à l’application de ce texte.

Chaque jour ou presque, en fin d’après-midi, Laurence, une quadragénaire aux habits excentriques, enfourche son vélo et sillonne, pendant près d’une heure et demie, tout le Sud-Est parisien pour franchir, à 19 heures tapantes, la lourde porte de l’église Saint-Eugène-Sainte-Cécile, dans le 9e arrondissement.

Certes, cette résidente du Val-de-Marne pourrait « trouver des messes de semaine bien plus proches », concède-t-elle à voix basse. Mais elle peut participer là à la messe selon le rite tridentin : une célébration suivant la liturgie qui était en vigueur avant la réforme voulue par le concile Vatican II, qu’elle privilégie « dès qu’elle le peut et depuis qu’elle est petite ».

Ce soir de début juillet, ils sont, comme Laurence, une vingtaine à se recueillir dans l’immense travée de l’édifice qui propose, depuis 1985, des messes de ce type.

Car la « messe en latin », « dos au peuple », est toujours proposée dans l’Église et pas seulement par les intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), héritiers de Mgr Marcel Lefebvre (lire ci-dessus).

forme « extraordinaire » du rite romain

Longtemps problématique et strictement encadrée, cette pratique s’est libéralisée au lendemain de la publication, le 7 juillet 2007, par Benoît XVI, du motu proprio Summorum Pontificum (« La sollicitude des souverains pontifes »), qui a redonné droit de cité dans l’Église à la liturgie telle qu’elle était célébrée avant les années 1960. Cette dernière est devenue ainsi la forme « extraordinaire » du rite romain.

Pourtant longuement discutée et mûrie, la décision du pape de tendre la main aux fidèles de sensibilité traditionnelle – dans le giron de Rome mais se disant troublés par certaines « dérives », souvent issues d’une mauvaise compréhension du renouveau liturgique – avait alors fait l’effet d’un coup de tonnerre. D’autant qu’elle s’inscrivait dans le cadre des discussions avec la FSSPX, vingt ans après le schisme de Mgr Marcel Lefebvre.

 

Une décennie après Summorum Pontificum, le nombre de lieux de culte proposant la forme extraordinaire a presque doublé en France, passant de 124 à 230, selon la Commission épiscopale pour la liturgie et la pastorale sacramentelle. Le motu proprio est aujourd’hui appliqué dans tous les diocèses. Et s’il reconnaît qu’il a pu y avoir des « tensions et des frustrations par endroits », Mgr Guy de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne et président de cette commission depuis le 1er juillet, estime que, globalement, cette application « se passe bien », grâce à une démarche « de dialogue et d’écoute mutuelle ».

LIRE : En France, la FSSPX relève de leurs fonctions les prêtres résistants au rapprochement avec Rome

« une question moins clivante aujourd’hui »

Après une intense « bataille liturgique », particulièrement féroce à partir des années 1970, la situation semble en effet aujourd’hui relativement apaisée. « Même si beaucoup continuent de regretter amèrement cette décision de Benoît XVI, la question est moins clivante aujourd’hui », affirme un théologien, fin connaisseur du dossier – non sans qualifier la décision de « très perturbante d’un point de vue pastoral ».

Côté traditionaliste, beaucoup confirment ce sentiment d’une pacification. « La question est moins polémique qu’à l’époque », souligne l’abbé Claude Barthe, aumônier du pèlerinage « Summorum Pontificum », qui, chaque année depuis cinq ans, se rend à Rome afin de remercier le pape pour son geste. « Au sein de certaines paroisses où les deux formes de rites sont présentes, des liens se tissent entre les communautés », renchérit même l’abbé de Fongombault (Indre), Dom Jean Pateau, qui donnera, à l’occasion de ce pèlerinage organisé cette année du 14 au 16 septembre, une conférence sur les fruits du motu proprio dans la vie monastique et sacerdotale.

Le Père Marc Guelfucci, curé de la paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile, évoque « certains fidèles, qui n’ont pas été marqués par les querelles historiques et idéologiques, et qui dialoguent avec les autres ou participent parfois indifféremment aux deux rites. »

La richesse de la diversité

Le temps, lui aussi, a contribué à calmer les esprits, ou à reléguer la question derrière d’autres priorités pastorales. Au moment de sa publication, le texte pontifical avait suscité les craintes d’une grande partie de l’épiscopat français, soucieux de maintenir l’unité des communautés et qui y voyait le risque de l’installation d’un bi-ritualisme.

Toutefois, l’application du texte a aussi cristallisé des tensions entre différentes conceptions du monde et de l’Église. Les évêques reconnaissent dans leur ensemble la richesse de la diversité, y compris rituelle, mais ils sont nombreux à craindre d’être dépassés par les revendications, parfois intransigeantes, des fidèles traditionalistes. Ce qui a poussé certains à limiter au maximum le nombre de lieux de culte proposant la forme extraordinaire.

« En laissant aux prêtres, en premier lieu, la faculté de proposer des messes en forme extraordinaire, et en invitant les fidèles à se référer au Saint-Siège si leur évêque émet des réticences, le motu proprio a considérablement relativisé l’autorité de ce dernier dans son diocèse », estime en ce sens le Père Luc Forestier, prêtre oratorien et théologien, maître de conférences à l’Institut catholique de Paris.

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« La question de l’obéissance à l’Église »

Plus largement, l’inquiétude est celle d’une remise en cause de l’autorité du concile Vatican II, dans le contexte d’une cristallisation des enjeux, par les traditionalistes, autour de la question liturgique. « Ce n’est pas qu’un problème liturgique, mais ecclésiologique », analyse un liturgiste, spécialiste de la question, qui préfère rester anonyme, comme beaucoup sur ce sujet manifestement encore sensible. « La réforme liturgique voulue par le Concile a été votée à une majorité écrasante, rappelle-t-il. Vouloir revenir à la forme préconciliaire pose véritablement la question de l’obéissance à l’Église. »

En dépit de ces difficultés, la tradition continue d’attirer. Les jeunes, prêtres comme laïcs, sont nombreux à se tourner depuis quelques années vers le rite tridentin. Les vocations issues des communautés traditionnelles continuent par ailleurs de se multiplier. Comment expliquer ce retour vers une liturgie qu’ils n’ont jamais connue, parfois totalement étrangère à leur univers familial ? « Peut être est-ce un moyen avant tout politique de lutter contre un sentiment de déstabilisation, de dépassement, face à une mondialisation très violente et contre laquelle ils veulent résister », avance le Père Luc Forestier.

Dans le Sud-Ouest de la France, un jeune vicaire de 32 ans – qui lui aussi ne veut pas voir son nom cité – se réjouit d’avoir « découvert, pendant ses études, la forme extraordinaire grâce à un ami séminariste. Comme ce n’était pas très bien vu, nous nous rendions à la messe sous cette forme une fois par semaine en cachette, ainsi qu’à des conférences sur la liturgie : la publication du motu proprio a soulevé le couvercle ». Même si, dix ans après, la messe en latin est encore loin d’être banalisée.

Ref. En dix ans, la messe en latin a trouvé sa place

JPSC

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