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Syrie : quand le regard d'un jeune photographe bouscule les idées reçues

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Du site du diocèse de Perpignan :

CHRÉTIENS DE SYRIE : UNE VIE EN ENFER

François Thomas, jeune photoreporter perpignanais de 23 ans vient de passer neuf mois en Syrie. Son sujet de reportage : la condition des chrétiens sur le front, persécutés par les islamistes de Daesh, convaincu que la question ne doit pas restée étouffée. Il exposera ses photos à partir du 31 août, au 17 et à l’atelier Salade, rue de la Révolution Française à Perpignan.

23 ans, le look d’un étudiant en droit ou en lettres, peu importe… l’allure et la fausse désinvolture d’un gamin qui se soucierait peu du lendemain. Des traits juvéniles et des mimiques qui l’enverraient plus en tournée nocturne sur la colline des loisirs, qu’à servir une cause louable et humanitaire a des milliers de kilomètres. Mais les apparences et les clichés ont la vie rude. Tant mieux pour lui. François Thomas trompe peut être son monde, en surface, mais pas son âme ni ses valeurs. Depuis qu’il a tracé sa voie dans ce sillon, certain que des choses horribles qui se passent loin des yeux et loin des cœurs doivent être montrées et dénoncées pour ce qu’elles sont. Parce que c’est dans ses gènes et dans sa culture. Baigné, imprégné de curiosité et de sens critique depuis tout petit auprès de parents journalistes dans les Pyrénées-Orientales. Aguerri et livré au système chez les scouts de La Réal. Nourri au photoreportage et aux conflits internationaux, en arpentant les expositions du festival Visa pour l’image. De quoi forger un caractère, des convictions et une vocation pour la suite. Celle de devenir photojournaliste, entre le goût de l’actualité et de l’image. Le goût de raconter des histoires. Les vraies histoires que l’on ne décrit pas assez. Celles des peuples qui souffrent et que l’on opprime dans la plus grande indifférence ou que l’on utilise au gré des besoins diplomatiques.

Le proche Orient dans le viseur

Après être passé par l’université de cinéma de Montpellier et la section photojournalisme de l’université de Perpignan, François s’est lancé sur le terrain, celui d’un proche orient embrasé depuis plus de 6 ans. C’est avec l’organisation non gouvernementale (ONG) SOS Chrétien d’Orient qu’il décide de s’engager, en officiant comme chargé de communication de la structure pour ses opérations en Égypte d’abord, au Liban ensuite et en Syrie enfin. Un moyen d’entrer dans une zone contrôlée et très restreinte en matière de médias mais surtout de toucher du doigt et de l’œil une réalité que beaucoup ignorent ou veulent ignorer et de la révéler au grand jour : la condition chaotique des Chrétiens en zone de guerre et spécifiquement dans un conflit mené au nom de l’islamisme radical. « Je suis parti 10 mois en tout dont près de 9 en Syrie. Je voulais traiter le sujet des chrétiens et de la façon dont ils sont persécutés car ici en France ou dans les médias occidentaux personne n’en parle ou alors on en parle mal. Avec des faits déformés ou récupérés. Nous avons un devoir d’en parler de montrer ce qu’il se passe. Autrement ce métier n’a aucun sens et l’engagement chrétien n’en a pas plus ! »

Aller sur un terrain hostile, donc, pour vérifier par lui-même, mieux comprendre et mieux restituer la dure vie, la sale histoire des populations pourchassées pour leur seule confession. Un risque certain mais mesuré et assumé par le jeune homme. « Évidemment qu’on a peur là-bas. J’ai beaucoup essuyé de tirs de roquettes très proches et des bombardements mais c’est ça la guerre et c’est aussi ça qu’il faut montrer. »

 

“Les Forces gouvernementales essaient de protéger le peuple”

Sur place, François découvre une autre version du conflit que celle servie depuis des années par les mass media. « Il y a un paradoxe à vouloir faire croire chez nous que c’est le régime de Bashar El Assad qui opprime son peuple, alors qu’en étant sur place, on s’aperçoit que ce sont les forces gouvernementales qui assurent la protection des civils face aux assauts et aux bombardements des armées islamistes de Daesh. C’est l’armée de Bashar qui, comme elle le peut, sur le front est, assure aussi la défense des populations chrétiennes pourchassées et décimées. » François Thomas l’assure, en Syrie, 17 millions d’habitants vivent et survivent en zone gouvernementale. « Ce n’est pas pour rien. Ce sont les seuls espaces qui leur apportent un sentiment de sécurité. Tout ça les gens l’ignorent parce qu’il n’y a plus de journalistes étrangers en Syrie depuis près d’un an. » La Syrie : un pays en partie ravagé par le conflit permanent, passé de l’État le plus développé du Proche-Orient à celui le plus précaire. De ses clichés pris sur le vif, François dépeint un univers chaotique où les gravats et les ruines ont remplacé l’image et l’idée d’une civilisation organisée. Dans certains quartiers de Damas, Oms et Alep, les trois plus grosses villes du pays, les façades éventrées, « gruyérées » par les tirs d’obus de mortiers, déchirées par la ferraille à béton, donnent des allures de no mans land. De terre fantôme, abandonnée après un cataclysme. Ce décor marque aussi la violence et la rudesse des combats menés.« Dans certains quartiers, il ne reste plus rien, c’est à peine sir les immeubles tiennent debout. Mais il y a à côté d’autres quartiers intacts où la vie est bien présente. La Syrie est un pays à la géographie très variée, magnifique avec des villes entourées de déserts, le kurdistan syrien au nord est très verdoyant, une côte méditerranéenne qui rappelle vraiment celle d’ici. »

Prendre les armes pour la survie

Mais la beauté naturelle syrienne n’arrive pas à masquer la dure réalité d’un pays en guerre où tout est compliqué. Le manque d’eau, de nourriture, d’accès aux médicaments et aux soins, rendent les conditions de vie de plus en plus extrême.« Du fait de l’embargo économique imposé à la Syrie, les gens manquent de tout ici. La nourriture est rationnée, les gens ont faim, il n’y a plus de médicaments en cas de pathologie lourde. Et sur le front des combats évidemment la situation est pire. C’était l’objectif de notre association : porter assistance aux populations sur le front est et leur apporter un aide logistique. » C’est là que François Thomas a pris la mesure de ce qu’est la situation des Chrétiens de Syrie. « Là, dans les villages à dominante chrétienne, ce sont les habitants qui ont pris les armes, non pas pour combattre mais pour se défendre et éviter d’être massacrés par les phalanges djihadistes qui veulent les exterminer. Ils sont appuyés par l’armée régulière et par les troupes russes. Je me rappelle un jour, au Kurdistan syrien, un évêque m’a confié ceci : « C’est fini, on n’est plus rien, on n’a plus notre place ici. » alors que le berceau de la chrétienté est là, elle devrait disparaitre ? c’est inconcevable », s’insurge le jeune reporter. Dans les villages ou à Maaloula ville martyr, la résistance et la solidarité se sont tout de même organisées et les habitants ont improvisé pour subvenir aux premiers besoins. « J’ai vu des lycéens des villages s’organiser et créer des brigades d’urgences avec des camionnettes et des charrettes. Dès qu’il y a une attaque ils vont au-devant des blessés, les prennent en charge te les emmène dans les centres médicaux les plus proches. » Là où, durant des siècles, les cultures, les religions et les langues se sont mélangés sans animosité, les terroristes ont voulu faire un exemple et détruire le symbole d’unité. « En Face il y a des combattants de tous pays qui mènent une guerre qu’ils ne comprennent pas. On leur laboure le cerveau en leur faisant croire qu’il faut soumettre ou tuer les infidèles et imposer le Califat. »

Bientôt baptisé

Durant toute son aventure syrienne, François aura perçu du positif et une amélioration. Selon lui, la situation tend vers un recul des hostilités. La force de frappe de Daesh aux frontières aujourd’hui, n’est plus ce qu’elle était en 2014 et de nombreuses villes ont été reprises aux combattants islamistes et les populations exilées commencent tout doucement à revenir. « Je suis allé à Alep juste après la libération et j’y ai vu de l’espoir. Celui d’en finir avec le terrorisme et la folie islamiste. L’espoir aussi de voir revenir ceux qui ont été enlevés. Le peuple syrien est soudé et solidaire. » Pour une première expérience en terre de conflit, François en a pris plein la gueule, plein la tête aussi mais renforcé dans ses choix de vie et dans ses convictions. Il se rêvait photojournaliste, il l’est devenu. Il ramène un reportage complet qui sera présenté en cinq petites expositions à partir du 31 août. * Mais sa boulimie de travail et d’informer ne s’est pas calmée. Il repartira en Syrie début octobre pour un nouveau reportage de six mois. « Je pars au front avec les milices Chrétiennes qui combattent les djihadistes. » Et pour mieux marquer son engagement et sa foi chrétienne, François veut franchir le cap. Il se fera baptiser juste avant de partir une nouvelle fois en Syrie. « C’est une suite logique pour moi. J’ai toujours baigné dans le catholicisme, je rentre d’une aventure qui a renforcé ma chrétienté, il me parait normal d’être baptisé. »Gageons que son entrée dans le peuple de Dieu fasse de lui un missionnaire de la paix dans les territoires qu’il photographie.

L’année prochaine, François Thomas compte présenter le fuit de ce nouveau reportage en sélection pour Visa pour l’image. Une façon de boucler la boucle ? Plutôt le moyen de lancer une carrière prometteuse.

 
(Photos tous droits réservés François Thomas) 

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