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  • Une douche glacée du Vatican sur les négociations avec Pékin

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    Lu sur le site « diakonos.be » :

    « François est le premier pape à avoir survolé la Chine. Quant à ce qu’il y mette les pieds un jour, ça reste à voir.  Au mois d’août dernier, la Librairie Editrice du Vatican a publié un dossier qui constitue une véritable douche glacée pour tous ceux qui continuent à croire qu’un accord entre le Saint-Siège et Pékin serait imminent.

    Ce dossier, rassemblé par Gianni Cardinale, un expert en géopolitique vaticane et prestigieux rédacteur dans les colonnes d’« Avvenire » et de « Limes », ne commente pas mais documente plutôt ce que, jusqu’auparavant, on ne savait qu’en partie.

    Pour le première fois, il donne le nom des évêques de chacun des diocèses chinois, officiels et clandestins, légitimes et illicites.

    Mais surtout, il aligne les biographies compilées par la Secrétairerie d’Etat des 75 évêques morts en Chine de 2004 à nos jours, tous décimés par des années voire des décennies de captivité, de travaux forcés, de camps de rééducation, de détention à domicile et flanqués en permanence de policiers.

    Si tel est le traitement que le régime communiste réserve aux évêques chinois sur le terrain, il est clair que tout cela doit cesser avant que le Vatican n’accepte de signer avec les autorités de Pékin un accord sur la nomination des futurs évêques.

    Le calvaire des évêques chinois ne remonte pas seulement à l’époque lointaine de Mao Tsé-Toung et à la Révolution Culturelle, quand l’objectif déclaré du régime était d’anéantir l’Eglise catholique et de créer un simulacre coupé de Rome qui lui soit entièrement soumis.

    Il s’est poursuivi même après la sortie de prison des évêques ou futurs évêques, contraints pour survivre à travailler dans une mine de sel ou dans une carrière de pierre, à faire paître les porcs, à cuire des briques ou pour les plus chanceux à ressemeler des chaussures ou à faire du commerce ambulant.

    En 2005 encore, on apprenait la mort de Jean Gao Kexian, évêque du diocèse de Yantai, dont on avait perdu la trace depuis qu’il avait été séquestré par la police en 1999.

    Le même sort fut réservé en 2007 à un autre évêque, Jean Han Dingxiang, du diocèse de Yongnian, emprisonné pendant vingt ans avant d’être relâché et qu’on a ensuite fait disparaître en 2006 avant d’informer ses proches de sa mort alors qu’il avait déjà été incinéré et enterré dans un lieu inconnu.

    En 2010, c’était au tour d’un autre évêque, Jean Yang Shudao du diocèse de Fuzhou, de mourir après avoir passé vingt-six ans en prison et toutes les années qui suivirent « contraint de rester quasi en permanence en détention à domicile et sous contrôle strict ».

    Sans parler des tribulations des derniers évêques de Shanghai, le jésuite Joseph Fan Zhingliang, mort en 2014 après « avoir exercé le ministère dans la clandestinité » et son successeur Thaddée Ma Daqin, aux arrêts depuis 2012 pour s’être dissocié de l’Association Patriotique des Catholiques Chinois – en parfaite obéissance à Rome qui juge qu’appartenir à cette association est « incompatible » avec la foi catholique – et depuis lors plus jamais libéré malgré qu’il se soit rétracté de sa dissociation il y a un an.

    Cette année aura connu la séquestration et la détention dans un lieu inconnu de l’évêque Pierre Shao Zhumin du diocèse de Wenzhou, dont en premier lieu l’ambassade d’Allemagne en Chine et ensuite le Saint-Siège lui-même ont demandé publiquement la remise en liberté le 26 juin dernier, une demande ignorée par les autorités.

    Face à tout cela, l’optimisme dont le Pape François fait preuve chaque fois qu’il est question de la Chine ne peut s’expliquer que comme étant un exercice de Realpolitik poussée à l’extrême.

    Parce que s’il est vrai que des pourparlers sont en cours entre les deux parties, avec des rencontres une fois par trimestre à Rome et une autre à Pékin, mis à part l’impressionnante absence de liberté que démontre le dossier du Vatican publié il y a quelques jours, deux obstacles demeurent avant un accord sur les procédures de nomination des futurs évêques.

    Le premier c’est que le Conférence épiscopale chinoise, qui est censée présenter les candidats, n’est composée à l’heure actuelle que d’évêques officiellement reconnus par Pékin et ne comporte aucun de la trentaine d’évêque « clandestins » qui ne sont reconnus que par Rome et qu’il n’y a pas moyen de convaincre les autorités chinoises de les intégrer eux aussi.

    Le second obstacle, ce sont ces sept évêques « officiels » que le régime prétend faire reconnaître également par le Saint-Siège alors que trois d’entre eux ont été publiquement excommuniés et que deux d’entre eux ont maîtresse et enfants.

    *

    Cet article a été publié dans le n°37 de « L’Espresso » de 2017, sorti en librairie le 10 septembre, dans la rubrique d’opinion intitulée « Settimo Cielo » confiée à Sandro Magister. »

    Ref. Une douche glacée du Vatican sur les négociations avec Pékin

    La « realpolitik » du pape François évoque celle de Paul VI au bon vieux temps de l’URSS dans les années 1970.

    JPSC

  • Le cardinal Caffarra encore plus grand mort que vivant

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    De Thibaud Collin sur le site de l'Homme Nouveau :

    Cardinal Caffarra, un témoin de l’espérance

    Cardinal Caffarra, un témoin de l’espérance

    « Il a servi l’Évangile avec joie et a aimé l’Église intensément » a dit de lui le pape François. Le cardinal Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne, nous a quitté ce mercredi 6 septembre à l’âge de 79 ans. Les voies du Seigneur sont impénétrables. Alors que nombreux sont assaillis par des doutes, notamment dans le champ de la pastorale conjugale et familiale, ce docteur au jugement d’une grande acuité disparaît. Mais ses nombreux écrits restent. Ainsi que les souvenirs de ceux qui l’ont connu et pour lesquels il n’a jamais été avare ni de temps, ni de conseils avisés. Ainsi il demeure un exemple et un guide éclairant ceux qui restent et, soyons-en certains, intercédant pour eux. Thibaud Collin, qui a connu le cardinal Caffarra retrace ici l'itinéraire d'une vie au service de Dieu, l'Église et la famille.

    Ordonné prêtre en 1961, docteur en droit canon de l’université Grégorienne (Rome) avec une thèse sur la finalité du mariage, il se spécialise en théologie morale et enseigne dans différents séminaires et devient professeur de morale fondamentale à la faculté de théologie de Milan et d’éthique médicale à la faculté de médecine du Sacré-Cœur à Rome (Il a publié en 1981 un remarquable compendium de la morale chrétienne : Viventi in Christo, réédité en 2006, Edizioni Cantagalli, Siena). En 1974, le bienheureux Paul VI le nomme membre de la Commission théologique internationale. En 1980, il est expert au synode sur le mariage et la famille dont sortira l’exhortation apostolique Familiaris consortio. Saint Jean-Paul II le charge en janvier 1981 de fonder et de présider l’Institut pontifical d’études pour le mariage et la famille auquel le pape polonais donne son nom. En 1995, il est nommé évêque de Ferrare puis archevêque de Bologne fin 2003. Benoit XVI le crée cardinal en 2006. Depuis 2015, il était archevêque émérite et vivait très simplement dans un petit appartement jouxtant le séminaire de Bologne.   

    Un proche collaborateur de Jean-Paul II

    Avec le cardinal Caffarra s’éteint l’un des plus proches collaborateurs de saint Jean-Paul II ; un de ceux qui a le mieux compris sa philosophie de la personne et l’approfondissement théologique que le saint pape a apporté à la doctrine chrétienne sur la sexualité, le mariage et la famille (Voir son Etica generale della sessualità, Arès, Milano, 1992. Ce livre est lisible ainsi que la plupart de ses articles, conférences et homélies sur le site www.caffarra.it) Développement providentiel et prophétique au vu des bourrasques que notre monde affronte, celles-ci représentant autant de défis que l’Eglise doit relever : l’altération du sens du mariage, la fragmentation des familles, les procréations artificielles et, de là, le transhumanisme, la revendication homosexuelle etc. Proche de Don Giussani, le fondateur de Communion et libération, il partageait son souci d’aller au cœur des débats traversant la culture et la société civile de son temps. Il puisait dans sa grande connaissance de saint Thomas d’Aquin, les outils métaphysiques et moraux pour exercer son discernement sur des questions souvent concrètes et pastorales. Il a ainsi écrit des textes décisifs sur le lien entre conscience et vérité, sur la place du Magistère dans la formation de la conscience morale ou encore sur la juste acception du concept de gradualité dans l’accompagnement pastoral. Lecteur assidu du cardinal Newman mais aussi de Kierkegaard, il avait l’art dans ses écrits et ses conférence (1) de poser clairement le problème et de déployer son argumentation de manière à amener l’intelligence de son auditoire à goûter existentiellement la vérité, à la faire sienne afin qu’elle détermine les choix de vie.

    Dimension apocalyptique du combat actuel

    Il était aussi profondément marqué par son amitié avec Don Divo Barsotti, théologien et mystique (sur ce prêtre, voir ici). Il vivait avec gravité les débats actuels sur la juste interprétation du chapitre 8 d’Amoris laetitia, d’autant que son cœur paternel de pasteur ressentait intensément le caractère destructeur du péché dans la vie de la personne humaine. Il avait une vive conscience que le combat actuel sur le sens de la sexualité humaine et sur l’indissolubilité du mariage avait une dimension apocalyptique. Il déclarait le 16 février 2008 à l’occasion d’une visite dans le pays de Padre Pio, saint pour lequel il avait une grande vénération :

    « Quand j’ai commencé cette œuvre (la direction de l’Institut Jean-Paul II) que m’a confiée le Serviteur de Dieu Jean Paul II, j’ai écrit à Sœur Lucia de Fatima par l’intermédiaire de son évêque (on ne peut pas l’approcher de façon directe). Je ne m’attendais pas à obtenir une réponse de sa part puisque je ne lui demandais que des prières. Cependant, en l’espace de quelques jours, j’ai reçu une très longue lettre de sa main. Elle est maintenant dans les archives de l’Institut. On peut trouver écrit dedans : « La bataille finale entre le Seigneur et le royaume de Satan portera sur le mariage et la famille ». Elle ajoute également : « N’ayez pas peur : tous ceux qui travaillent à la sainteté du mariage et de la famille seront toujours combattus et l’on s’opposera à eux de toutes les façons possibles, parce que ce sont des points décisifs ». Enfin, elle conclut : « Toutefois, Notre Dame lui a déjà écrasé la tête » 

    Ces mots prennent un relief saisissant lorsqu’on se souvient que c’est un 13 mai, jour des apparitions de la Vierge à Fatima, que saint Jean-Paul II a failli être assassiné, jour où il venait de fonder l’Académie pontificale pour la vie. Pendant sa convalescence, le pape avait témoigné qu’il offrait ses souffrances pour la famille.   

    Fidèle au pape

    On peut dire qu’il a pleinement vécu cette gigantesque bataille, au côté et à la suite de saint Jean-Paul II, en ayant toujours le souci d’obéir au pape quel qu’il soit. Il déclarait quand on essayait de l’opposer au pape François qu’il préférait qu’on dise de lui qu’il avait un amant plutôt que de l’accuser d’une telle attitude ! Ce qui ne l’a pas empêché, inspiré par la charité du pasteur attentif à son troupeau, de demander instamment au Saint-Père des éclaircissements sur certains points controversés de l’exhortation apostolique sur le mariage et la famille. Contrairement à ce que certains ont affirmé, le cardinal Caffarra avait entrepris cette démarche avec courage et humilité, pour honorer sa mission de cardinal, collaborateur du pape, et non pas par esprit de division et rigorisme doctrinal.

    Jusqu’au bout il a témoigné de son espérance, même s’il souffrait beaucoup de certaines situations ecclésiales actuelles. A un prêtre qui était venu le rencontrer quelques jours avant sa mort, il répondit en larmes : «Le Seigneur n'abandonnera pas son Eglise. Les Apôtres étaient douze et le Seigneur recommencera avec quelques-uns. Imaginez la souffrance de Saint Athanase, qui a été laissé seul pour défendre la vérité par amour du Christ, de l'Eglise et des hommes. Nous devons avoir la foi, l'espoir et le courage».

    Oui, n’en doutons pas le cardinal Caffarra est encore plus grand mort que vivant.

  • Retour sur le discours de Benoît XVI à Ratisbonne st sur la polémique qui s'ensuivit

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    Lu sur Atlantico.fr (Christophe Dickès) :

    Benoit XVI : les dessous de la polémique de Ratisbonne

    Que va-t-il rester de Benoît XVI ? Coincé entre le géant Jean-Paul II et le médiatique François, rythmé par de nombreuses crises et critiqué à l’intérieur même de l’Église, le pontificat du professeur Ratzinger est trop souvent lu à la seule aune de son dénouement, à savoir la renonciation. Le règne de Benoît XVI ne saurait pourtant se réduire à cet acte final, ni à la réputation d’intransigeance et de froideur qui reste à tort attachée à la figure de ce pape. C’est ainsi, en s’intéressant aux continuités et aux ruptures marquées par ce pontificat, que l’auteur souligne la richesse et l’étendue historique, politique et spirituelle de son héritage. Inspiré par sa rencontre avec Benoît XVI en 2014, l’historien et journaliste Christophe Dickès prolonge ici une réflexion amorcée dans son Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège pour déceler le legs d’un pape dont l’intelligence et la vision ont été trop souvent sous- estimées. Extrait de "L’héritage de Benoît XVI" de Christophe Dickès, publié aux éditions Tallandier.

    On peut même dire que le discours de Ratisbonne restera comme un des plus importants de l’histoire contemporaine de l’Église, un texte dense « dont l’enjeu intellectuel et doctrinal est considérable ». Il s’inscrit dans l’œuvre globale d’un intellectuel chez qui l’on trouve de nombreux éléments annonciateurs, avant même l’élection de 2005. La lecture magistrale développe l’apport fondamental de l’hellénisme au christianisme, en partant donc des considérations de Manuel II Paléologue qui, en complément de ses considérations sur le djihad, ajoutait : « Dieu ne prend pas plaisir au sang et ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu.

    La foi est le fruit de l’âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu’un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas recourir à la violence et à la menace. […] Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. » Afin d’appuyer cette affirmation, Benoît  XVI nous renvoie aux écrits de saint Jean qui ouvre son Évangile par les mots  : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. » Le Verbe – en grec, le logos – « désigne à la fois la raison et la parole ». Pour le professeur Ratzinger, ce rapprochement entre « la foi biblique et le questionnement grec » est d’une importance « décisive pour la naissance et la diffusion du christianisme » pendant la période de l’Antiquité et à l’époque médiévale. De son point de vue, cette synthèse entre esprit chrétien et pensée grecque est un des fondements de l’Europe, pourtant remis en cause à l’époque moderne (xvie -xviiie siècles).

    Ainsi, la polémique autour de la phrase de Manuel II a occulté le fait que le discours de Ratisbonne était surtout une critique de la modernité et du processus de déshellénisation du christianisme qui a eu lieu en trois étapes : au moment de la Réforme du xvie   siècle, puis sous les coups de la théologie libérale des xixe et xxe  siècles, et enfin à notre époque contemporaine. Ainsi, tout en reconnaissant les apports de la modernité et « des vastes possibilités qu’elle a ouvertes à l’homme », Benoît XVI explique qu’une raison « qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures ». Et Joseph Ratzinger d’ajouter : « Depuis longtemps, l’Occident est menacé par cette aversion pour les interrogations fondamentales de la raison et il ne pourrait en subir qu’un grand dommage. » On retrouve dans ces mots une autre thématique chère à l’œuvre du professeur Ratzinger, celle de la défense du fait religieux dans une Europe sécularisée excluant le fait religieux et refusant d’inscrire dans sa constitution ses racines chrétiennes. Elle existe entre autres dans la conférence donnée par le cardinal Ratzinger en juin  2004 à Caen, à l’occasion du 60e anniversaire du Débarquement. La nécessité d’une référence à une transcendance sera reprise bien plus tard, devant les autorités politiques en République tchèque (2009), au RoyaumeUni (2010) ou à Berlin (2011)34. Dans un monde qui érige la science au rang de seule et unique explication du monde, Benoît  XVI rappelle les fondamentaux de la philosophie et la théologie, ainsi que la nécessité du divin35. Ainsi, le discours de Ratisbonne visait à replacer l’hellénisme au centre d’une pensée théologique, induisant non seulement le rejet des dérives fondamentalistes de l’islam contemporain mais aussi la critique de la raison positiviste et laïciste des sociétés contemporaines européennes.

    Extrait de "L’héritage de Benoît XVI"  de Christophe Dickès, publié aux éditions Tallandier

     
  • Quand les croix des églises sont gommées sur les emballages de produits grecs

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    De Henrik Lindell sur le site de l'hebdomadaire "La Vie" :

    Tollé européen pour les croix gommées sur les produits Lidl

     
	© iStock (montage : La Vie)

    © iStock (montage : La Vie)

    Au nom du respect de la diversité, les groupes Lidl, Carrefour, Nestlé et Danone ont effacé les croix sur des images d'églises orthodoxes qui figurent sur l'emballage de certains produits alimentaires. Mais ce choix provoque la colère de consommateurs à travers toute l'Europe.

    Tout le monde ou presque a déjà vu cette carte postale idyllique de la Grèce, avec des églises orthodoxes aux coupoles bleues qui se dressent à flanc de falaise dans l'île de Santorin. On retrouve notamment cette image sur l'emballage de banals produits « grecs » de grande consommation – par exemple, les yaourts à la grecque. Elle est tellement fréquente qu'en général on n'y pense même plus. Mais si on regarde bien, on peut observer sur certaines boîtes que l'image a subi une étrange transformation depuis quelques mois : les églises orthodoxes ont tout simplement été amputées de leurs croix blanches...

    C'est particulièrement le cas de produits vendus par l'entreprise allemande de distribution Lidl. Elle vient de lancer une nouvelle gamme d'aliments grecs – moussaka, feta, huile d'olive, boulettes de viande, brochettes de légumes... – destinés à ses milliers de magasins à travers toute l'Europe. Mais, de l'Italie en Suède en passant par le Royaume-Uni et la France, des consommateurs se sont aperçus de l'amputation visuelle et ont rapidement demandé des explications au géant allemand. Réponse de l'entreprise : « Nous évitons l’utilisation de symboles religieux, car nous ne souhaitons exclure aucune croyance religieuse. » Et d'ajouter une sorte de justification morale : « Nous sommes une entreprise qui respecte la diversité et c’est ce qui explique la conception de cet emballage. »

    Nous évitons l’utilisation de symboles religieux, car nous ne souhaitons exclure aucune croyance religieuse. – Lidl

    Supprimer des croix sur des églises orthodoxes au nom de la diversité ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette explication n'a guère suffi pour calmer les consommateurs. Au contraire. Depuis une semaine, sur les pages Facebook de Lidl, ils laissent éclater leur agacement et certains appellent même au boycott, estimant que Lidl ne respecte pas l'identité culturelle et religieuse de la Grèce. Les réactions les plus dures viennent naturellement des organisations qui dénoncent la christianophobie et des élus de la droite dure, mais pourtant la plupart de ceux qui s'expriment ne sont pas des militants politiques. L'affaire a pris de l'ampleur il y a une semaine quand la chaîne de radio RTL en Belgique a fait une enquête qui a ensuite été reprise par un site d'actualité grec généraliste, qui diffuse des articles en anglais.

    Dans ces articles, on trouve des comparaisons saisissantes entre les images « photoshopées » de Lidl et celles des églises réelles. Il s'agit des deux coupoles de l'Anastasis (« Résurrection », en grec) de l'église orthodoxe du village d'Oïa sur l'île de Santorin. Une véritable défiguration, dénoncée par plusieurs responsables religieux. Ainsi, par exemple, l'archevêque orthodoxe Gregorios au Royaume-Uni estime que la photo retouchée est « immorale » et exige que l'on montre l'église telle qu'elle est, avec sa croix sans laquelle elle n'a guère de sens.

    Sans doute surpris par l'ampleur de la polémique et la colère des Européens, le groupe allemand s'est abord excusé en communiquant ce message dans toutes les langues européennes : « Notre intention n’a jamais été de choquer. Nous évitons l’utilisation de symboles religieux sur nos emballages pour maintenir la neutralité dans toutes les religions. Si cela a été perçu différemment, nous présentons nos excuses aux personnes qui ont pu être choquées. » Cette explication étant jugée par beaucoup insuffisante, la direction du groupe a finalement décidé le 6 septembre que l'image sur l'emballage sera modifiée « aussi vite que possible », mais sans pour autant promettre qu'on reverra une église avec sa croix.

    Ces entreprises, qui voulaient soi-disant défendre la diversité en supprimant les croix, apportent de l'eau au moulin de ceux qui ont des revendications identitaires. – Carol Saba

    Il se trouve que cette affaire est loin d'être un cas isolé. Cela fait en réalité plusieurs mois que l'on trouve la même image de Santorin retouchée sur des produits d'autres marques. Et pas n'importe lesquelles. Sur l'emballage de leurs « yaourts à la grecque », Nestlé, Danone, Carrefour, Lynos et probablement d'autres encore ont tous eu recours au même procédé que Lidl. Jusqu'alors, ce sont surtout des organisations qui défendent l'identité chrétienne de l'Europe qui ont réagi en France auprès des marques françaises (Danone et Carrefour). Mais certains élus ont pris le relai. La députée LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, a posté le 5 septembre sur sa page Facebook un commentaire interpellant le groupe Carrefour. Quitte à oser au passage un parallèle douteux avec des produits halals destinés aux musulmans : « Carrefour fait le choix de supprimer les croix chrétiennes de ses emballages mais appose le croissant musulman sur ses produits halal ».

    « On voit ainsi que ces entreprises, qui voulaient soi-disant défendre la diversité en supprimant les croix, créent des frustrations et apportent en réalité de l'eau au moulin de ceux qui ont des revendications identitaires », résume Carol Saba, responsable de la communication de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France. Pour lui, les spécialistes de marketing qui ont décidé de retoucher les photos de Santorin en supprimant la croix d'une l'église censée symboliser la Grèce ont fait une « omission accusatrice », un peu comme si la Grèce avait tort de dresser des croix sur ses églises. « Or, en Grèce, l'identité religieuse et l'identité culturelle ne sont pas dissociables. Une église sans la croix n'est plus une église. Et le fait de vouloir la gommer est une destruction. Une destruction qui ne peut que faire le lit de l'extrémisme. »

    Une pétition est en ligne pour protester contre cette manipulation :

    "Les croix des églises sont volontairement effacées des emballages de produits Grecs où de type Grec, nous ne pouvons pas accepter que l'on désacralise nos églises et porte une atteinte à notre patrimoine à des fins commerciales."

    https://secure.avaaz.org/fr/petition/La_grande_distribution_Touche_pas_a_mon_lieu_de_culte/edit/

  • "Qui suis-je pour juger ?", une formule profondément juste...

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    Sur son blog "Metablog", l'abbé de Tanouärn répond à un lecteur qui l'interroge :

    Réponse à Albert 76 sur François

    "Mon Père, je m'interroge, mieux: j'ai interrogé des prêtres. Ils ne m'ont pas donné de réponse. Peut-être trouvaient-ils ma question oiseuse? impertinente? Ce n'était pas mon intention. Alors je réessaye, peut-être aurai-je une réponse avec vous. Je schématise, et voila la question: COMMENT SE FIER AU JUGEMENT D'UN PAPE QUI RÉPOND NE PAS ÊTRE LA POUR JUGER ?"

    Cher Albert 76, votre question est très importante, parce qu'en disant "Qui suis-je pour juger ?" le pape François a donné l'impression à certains de ne pas vouloir faire le pape, de s'abstenir de tout discours normatif, en se contentant, comme il le répète souvent, "d'accompagner", c'est-à-dire au fond d'approuver. L'objection est de taille et l'on ne s'en débarrasserait pas d'un revers de main.

    Il y a une deuxième objection, celle au fond que vous formulez : le pape pose des jugements sur des personnes. Je pense  aux pauvres franciscains de l'Immaculée. Cette congrégation parfaitement reconnu, il l'a persécuté et c'est bien au nom d'un jugement personnel qu'il portait sur une manière d'être religieux qui ne lui plaisait pas. On ne sache pas, par exemple, que le pape blanc s'en soit pris au pape noir, quand ce dernier a dit que le diable n'existait pas.  Cette affirmation d'un homme qu'il a fait nommer à la tête des jésuites, manifestement... il ne la juge pas. Il est donc très clair que le jugement du pape sur tel ou tel personne est obéré par des présupposés, au point qu'on peut penser qu'il a raison de dire : "Qui suis-je pour juger ?" et que cette question, il devrait parfois se l'appliquer à lui-même.

    Le pape, dans sa fonction de pape, doit pourtant, en nom Dieu, juger des personnes. Mais la plupart du temps, cela doit passer par une procédure canonique. La distinction des trois pouvoirs n'étant pas théologique, le jugement du pape peut en droit se porter sur des personnes, non seulement celles qu'il nomme à tel ou tel poste, mais surtout celles qu'il condamne. Voilà pour ce que j'ai appelé ici la deuxième objection.

    Revenons à la première : le pape s'abstient-il volontairement de tout discours normatif ? Il est clair que par tempérament il fuit de tels discours, mais par fonction, il doit en assumer quelques uns. Ces discours ne portent pas sur des personnes, mais sont supposés refléter un discernement, en départageant la vérité et l'erreur. Dans ces circonstances, non seulement le pape peut juger, mais il doit juger.

    Au fond la formule : Qui suis-je pour juger ? est profondément juste si l'on en définit correctement l'objet. "Seul Dieu sonde les reins et les coeurs" répètent les prophètes de l'Ancien Testament. "Le jugement a été remis au Messie" lit-on en Jean V. Seul le Christ possède le droit de juger les personnes, parce que seul, en tant que Dieu, il les pénètre et les connaît vraiment. C'est ce que l'on voit sur le porche de nos cathédrales : le jugement rendu par le Christ, seul juste juge. Comme je le propose plus haut, il faut distinguer ici : juger les personnes et discerner leurs actions. "L'homme spirituel juge de tout" dit saint Paul. Cela ne signifie pas qu'il juge les gens en pénétrant les recès de leur coeur. Seul Dieu peut le faire. Mais cela signifie qu'il juge de toutes les situations, qu'il possède une intelligence particulière des situations, celle que donne la sagesse.

    Dernier point : il nous faut donc nous abstenir de juger les autres, puisque nous ne les connaissons pas vraiment. Mais pas seulement les autres : nous-mêmes. Nous avons le plus grand mal à nous juger nous mêmes, nous avons toujours tendance à exagérer nos qualités, parfois aussi à exagérer nos défaut. Laissons nous juger par le Christ, ne nous laissons pas impressionner par les jugements que nous portons sur nous-mêmes et enfin, d'un autre côté, n'hésitons pas à discerner à juger des situations dans lesquelles nous nous trouvons. C'est à cela que le Saint Esprit lui-même nous pousse.