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Face au ramdam médiatique autour d'Anne Bert, une autre approche de la maladie et de la souffrance

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9782728922635.jpgAlors que partout (hier encore au JT de la RTBF) on n'entend parler que d'Anne Bert et de sa décision de venir se faire euthanasier en Belgique, il nous paraît opportun de donner place ici à une autre approche de la maladie et de la souffrance. De Camille de Montgolfier sur aleteia.org (27 octobre 2016) :

Léonard, atteint de la maladie de Charcot, raconté par sa femme

"Si je ne peux plus marcher, je courrai !" est un livre-témoignage bouleversant sur l’épreuve de la maladie et la mort.

Léonard est un homme sportif et joyeux de 37 ans, mari et père de quatre enfants, lorsqu’il se découvre atteint par une sclérose latérale amyotrophique. Ce nom barbare désigne une lente dégénérescence du corps qui entraîne sa paralysie progressive, jusqu’à la mort. On la connaît mieux sous le nom de maladie de Charcot, révélée au grand public durant l’été 2014 avec le Ice Bucket Challenge, relayé sur les réseaux sociaux par un grand nombre de célébrités, et qui consiste à mettre au défi une connaissance de se renverser un seau d’eau glacé sur la tête. De prime abord ce jeu peut sembler futile, mais il n’est que la partie médiatique d’une vaste campagne de dons pour la lutte contre la maladie de Charcot qui a finalement permis de lever près de cent millions d’euros pour la recherche.

Le livre est préfacé par Philippe Pozzo di Borgo, dont l’histoire a été révélée par le film Intouchables. Dans sa préface, il fait part de son admiration pour le courage de Léonard. « Si je ne peux plus marcher, je courrai ! » dit-il à sa famille, « Si je ne peux plus parler, je chanterai ! ».

Ce sont quatre années de lutte contre la maladie et pour la vie qu’Axelle Huber raconte. Son livre émeut par la poésie avec laquelle elle décrit le chemin de croix de Léonard et de sa famille à mesure que la maladie prend peu à peu les jambes, les bras puis le reste du corps de son mari, jusqu’à sa voix.

Une vraie leçon de vie 

« Ce que Dieu veut éprouver en vous, n’est pas votre force, mais votre faiblesse » écrit Bernanos dans Le Dialogue des Carmélites. Chaque chapitre du livre d’Axelle Huber est introduit par une citation de Bernanos qui prend sens face aux renoncements que la maladie impose à Léonard : le ski, le violoncelle, puis son travail : « Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ ». Et c’est la sérénité de Léonard, dépossédé de lui-même, qui frappe le plus.

Au-delà de la lutte contre la maladie, c’est une vraie leçon de vie que l’on tire du livre d’Axelle Huber, à travers le récit qu’elle fait de son amour pour cet homme, son mari. Une leçon de foi aussi :  « Léonard devient chaque jour un peu plus, dans l’épreuve de la paralysie, l’homme de foi, d’espérance et de charité qu’il n’a jamais cessé d’être ». Il rassure ses enfants et leur enseigne la parole du Christ, et lorsque la maladie atteint l’un de ses stades les plus avancés, à défaut de pouvoir parler, il leur offre des livres de vies de saints.

Le livre est ponctué de réflexions d’une grande profondeur, qui touchent par leur beauté simple donc universelle sur le mystère de la Croix : « Léonard témoigne que l’on ne peut entrer dans la résurrection sans passer par la croix. Il sait que Dieu n’a pas voulu le mal, que Dieu n’a pas voulu la souffrance. Il m’exprime très clairement que sans ce mystère de la croix, de la souffrance, de la mort, la foi ne serait plus la foi, qu’il n’y aurait pas d’adhésion libre et volontaire de notre être ».

C’est donc un livre plein d’espérance et de joie que nous livre Axelle Huber. Malgré la souffrance, en dépit de l’injustice de se voir ainsi priver de l’homme de sa vie, du père de ses enfants, c’est bel et bien un témoignage de la joie partagée avec Léonard, en attendant la joie à venir.

Si je ne peux plus marcher, je courrai !, d’Axelle Huber. Éditions Mame, septembre 2016, 224 pages, 15,90 euros.

 

 

Rencontre avec l'auteur de "Si je ne peux plus marcher, je courrai !": 

Axelle Huber est professeur d’histoire-géographie en Île-de-France et mère de quatre enfants. C’est son histoire et celle de son mari, Léonard, atteint par la maladie de Charcot, qu’elle raconte dans Si je ne peux plus marcher, je courrai !. 

Aleteia : Qu’est-ce que l’écriture de ce livre représente pour vous ?

Axelle Huber : Ce livre est né d’un témoignage que j’ai fait à l’Île Bouchard en août 2014. Des gens sont venus me voir pour me suggérer de mettre par écrit ce que je venais de leur livrer. J’ai bien sûr écrit ce livre pour mes enfants pour qu’ils sachent quel homme est leur papa. Mais j’ai d’abord écrit pour témoigner de cette voie que Léonard a empruntée. Celle de celui qui se laisse aimer dans sa pauvreté d’homme malade et handicapé, celle de celui qui ne perd pas la foi en un Dieu bon et miséricordieux, La voie d’un homme libre et heureux — bien que tétraplégique et à la fin de sa vie quasiment muet et nourri par sonde — qui espère la grâce du présent, qui continue à avancer, à être heureux, à croire, à aimer et qui par dessus tout espère la grâce de contempler Dieu face à face. Ce livre représente un projet qui a abouti et j’en suis heureuse et fière.

Comment parlez-vous à vos enfants de Léonard ?

J’essaie de parler de lui au présent. Nous allumons souvent une bougie devant la photo géante de Léonard, même en dehors des temps de prière familiale. Je leur en parle très souvent, avec fierté, admiration, conviction, et amour.

Léo est un père très présent pour ses enfants. Entré dans le royaume de Dieu, il continue à être présent. Je l’associe du mieux que je peux en disant : « Ton papa et moi sommes fiers de toi », « ton papa et moi t’aimons très fort », « ton papa et moi croyons que tu peux y arriver », « demande à papa de t’aider ». Parfois je leur dis aussi « papa ne doit pas être d’accord » ou encore « à mon avis, papa doit faire telle blague ou tel jeu de mot en nous voyant » Les matins et les soirs, les enfants embrassent une photo de leur papa et lui disent leur amour. Nous invoquons aussi leur papa dans notre prière et nous allons très régulièrement au cimetière.

Vous introduisez vos chapitres par une citation de Bernanos.

Oui Bernanos me met en joie. Il parle à mon âme. Il a une puissance d’écriture magistrale, un talent hors pair. Pour moi, les héros de Bernanos ne sont pas tristes du tout. Bien au contraire, ils sont empreints de cette joie ineffable venant de la certitude d’être aimé d’un amour fou et pour toujours.

Lire aussi : Léonard, atteint de la maladie de Charcot, raconté par sa femme

Quels conseils donneriez-vous aux familles qui traversent une épreuve aussi terrible ?

Je me sens bien petite pour donner des conseils sur ce terrain. Je sais ce que je leur ne dirai jamais : « Courage » ! J’ai trouvé et je continue à trouver cela très pénible. Facile à dire quand on n’a a priori pas besoin de devoir être courageux ! Et courageux, les souffrants de la terre le sont déjà ! Ne leur retirons pas cela.

Avant de donner des conseils, je crois que je dirai un mot pour reconnaître leur épreuve : oui, votre souffrance est immense. Oui, c’est dur, insupportable, insoutenable et bravo car vous faites de votre mieux et vous vous en sortez rudement bien. Et puis je leur dirai merci pour leur courage ou merci pour leur acceptation, leur exemple ou un talent qu’ils exercent au coeur de leur souffrance.

Alors sans doute si je devais malgré tout donner un conseil, prudemment, je leur dirai continuez, regardez vous avec amour et indulgence, gardez les yeux rivés sur la Sainte Famille et avancez pas à pas, au présent, jour après jour. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi vous, mais tâchez de répondre au mal par le bien, à la maladie par l’amour sans oublier que notre Dieu est l’Amour même et qu’il vous porte au cœur de cette maladie, au cœur de vos souffrances et pleure avec vous. Serrez bien fort contre vous cette petite fille Espérance.

Comme nous sommes aussi de chair et d’os, je dirai aussi : « Dites nous ce dont vous avez besoin comme aide : que nous pleurions avec vous, que nous vous écoutions, que nous soyons juste là sans rien dire car parfois il n’y a rien à faire, rien à dire, juste à être là, que nous vous fassions rire, que nous apportions une aide concrète, que nous prions pour vous ».

Je suis sûre que le bonheur reste possible au cœur de la souffrance, qu’il est un risque à courir mais cela sera aussi possible si ceux qui souffrent sont aidés et regardés avec amour. C’est alors qu’il leur sera possible de se laisser aimer.

Je termine avec cette phrase de saint Vincent de Paul : « Ce n’est que pour ton amour que les pauvres te pardonneront le pain que tu leur donnes »

Si je ne peux plus marcher, je courrai !

Si je ne peux plus parler, je chanterai !

Si je guéris, on continue !

Si je ne guéris pas, on continue aussi !

Revoir ici son passage dans l’émission Mille et une vies du 24 octobre sur France 2.

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