Euthanasie chez les Frères de la Charité ?
par le Frère René Stockman, Supérieur général des Frères de la Charité
Les derniers mois, on a beaucoup débattu de la question de savoir si l’euthanasie sera permise ou non dans les institutions de santé mentale des Frères de la Charité en Belgique. Jusqu’à présent, ils avaient appliqué la règle stricte de prendre au sérieux chaque demande d’euthanasie, de tout faire pour accompagner le malade qui le demande et d’essayer de lui offrir de nouvelles perspectives de vie. Mais si la question d’euthanasie restait présente et si toutes les conditions concernées étaient présentes, l’euthanasie ne serait pas appliquée dans les murs de l’institution, mais avec le patient et sa famille on chercherait un autre lieu où l’euthanasie pourrait être réalisée. Avec ce mode de travail, ils n’agissaient pas contre la loi et en même temps ils restaient conformes à la vision de l’Église catholique qui désapprouve l’euthanasie, parce que la vie doit être défendue dans toutes les circonstances de manière absolue. Certains qualifiaient cette méthode de travail comme ambiguë et hypocrite, parce que les patients sont enlevés à leur environnement familial afin de subir l’euthanasie hors des institutions des Frères de la Charité. Nous ne trouvions cela ni ambigu, ni hypocrite, car dès le début, il est clairement communiqué au patient et à sa famille que l’euthanasie ne serait pas appliquée à l’intérieur des institutions des Frères de la Charité, mais que nous ne jugeons pas la décision éventuelle du patient. Nous demandions en d’autres mots que le patient et la famille respectent notre vision en tant qu’institution catholique. Il s’agissait dès lors d’un acte de respect mutuel.
Nous savons que cette vision et cette méthode de travail ont été critiquées de l’extérieur, surtout par ceux qui sont partisans fervents de l’euthanasie, mais aussi par l’organisation des hôpitaux catholiques, qui désapprouve l’euthanasie en principe mais l’admettait dans certains cas. En même temps, nous savons que dans différents hôpitaux soi-disant catholiques l’euthanasie est admise comme si de rien n’était, tandis que dans d’autres hôpitaux des procédures claires ont été développées pour gérer la question de l’euthanasie, sans exclure l’euthanasie radicalement. Mais aussi à l’intérieur de la propre organisation Frères de la Charité nous n’étions pas toujours épargnés par la critique, bien que la grande majorité des psychiâtres partageait la vision selon laquelle l’euthanasie pour des patients non-terminaux se trouvant dans une situation médicale sans issue, n’était pas appropriée. Que certains politiciens ne cachaient pas leur critique mais allaient ouvertement et souvent à la charge, cela est connu.
Est-ce que, avec tout cela, les institutions des Frères de la Charité se plaçaient sur une hauteur solitaire ? Peut-être que oui. Mais est-ce que cela était une bonne raison pour modifier la vision et élaborer une vision qui met bien l’accent sur l’agir prudentiel lors de la demande d’euthanasie, mais laisse néanmoins la porte entrouverte pour l’exécution de l’euthanasie entre les murs de l’institution ? Je ne pense pas. Peut-être qu’il est mieux que, dans une société pluraliste, la diversité soit et reste présente, où des organisations comme la nôtre gèrent d’une manière consciencieuse cette loi, dans le cadre législatif qui est créé autour de l’euthanasie et conforme à l’image chrétienne de l’homme, comme organisation catholique, tout comme pour les soignants individuels: ouvertes à la demande, ouvertes à l’accompagnement, mais pas ouvertes à appliquer et exécuter effectivement l’euthanasie. Pour mentionner une citation d’une interview avec le professeur Willem Lemmens : « Je trouvais remarquable que Othman El Hammouchi, un jeune philosophe musulman, ait dit que l’Église ne doit pas plier pour des « évolutions » sociales, mais qu’elle doit être une source de stabilité au milieu de ces changements. Cela, les Frères de la Charité auraient pu le faire : utiliser le ‘momentum’ pour expliquer leur refus ».