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Déposer le pape ?

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Du Père Simon Noël osb, sur son blog (3 novembre) :

Un pape peut-il être déposé? Précisions 

Je pense que certains de mes lecteurs souhaitent que j'explicite davantage ce que j'ai écrit dans mon dernier article. Mes réflexions sont celles d'un prêtre qui n'a aucun titre académique, qui a fait juste assez de théologie pour prêcher à des gens de la campagne ou entendre les confessions de fidèles ordinaires. Ce que je dis, je le dis donc salvo méliorum judicio !

Je veux exprimer un point de vue qui est indépendant de la situation actuelle. C'est sans doute de la théologie abstraite mais je veux qu'une bonne théologie nous guide en cas de crise et je crains que les personnes qui ferraillent indéfiniment avec le pape régnant et parlent d'une déposition automatique ou se lancent dans des procédures visant à déclarer un jour une telle déposition, ne soient sur une route tout à fait erronée. Ils sont du reste très peu nombreux et y aurait-il même un seul évêque pour les suivre ?

Il faut selon moi raison garder et faire des distinctions. Comme l'histoire nous l'apprend, un pape peut commettre des erreurs dans le gouvernement de l’Église, le charisme d'infaillibilité ne concernant que sa fonction magistérielle. Dans le magistère ordinaire du pape, je distingue trois erreurs possibles, du moins en théorie. La première serait celle d'un enseignement pastoral, dont on ferait de manière indue un enseignement doctrinal, dans lequel le pape, avec du reste les meilleures intentions du monde, proposerait des choses ambiguës, susceptibles d'une interprétation juste et d'une interprétation incorrecte. Comme je l'ai déjà écrit, au niveau pastoral, une évolution de l’Église est toujours possible. Elle est même souvent souhaitable. Mais des tâtonnements dans ce domaine sont inévitables. Il faut donc a priori dans la pensée d'un pape voir d'abord le bien-fondé de ce qu'il dit, voir tout le positif qu'il y a dans la position apparemment novatrice du magistère suprême. Il va de soi que dans ce cas, on peut exprimer un étonnement ou un désaccord, mais il n'y a pas lieu d'envisager une perte du pontificat dans le chef du pape concerné. Il faut simplement attendre la suite des événements, au cours desquels après d'autres tâtonnements, la vérité sera mieux exprimée.

Plus grave est le cas d'un enseignement doctrinal erroné ou pire encore celui de l'hérésie formelle. Il faut en effet distinguer une erreur dans la foi ou la morale et une hérésie formelle. Une hérésie est toujours une erreur, une erreur n'est pas toujours une hérésie au sens canonique du terme. Un pape peut-il être formellement hérétique, et à ce titre séparé du corps de l’Église ? De vieux théologiens semblent l'avoir pensé. Mais à l'époque moderne, la presque totalité des théologiens ne le pensent plus. Ils voient dans cette possibilité théorique une contradiction avec les promesses du Christ sur l'indéfectibilité de l’Église. Que disent les historiens ? Il y a eu des erreurs en matière de foi chez le pape dans des cas extrêmement rares. Honorius dans sa lettre au patriarche de Constantinople aurait pactisé avec l'erreur monothélite. Dans ce cas, il s'agit d'une lettre personnelle et non d'un enseignement donné à l’Église universelle. Le pape n'a pas parlé ex cathedra. Surtout l’Église n'avait pas encore rien défini de manière définitive et solennelle sur la question des volontés dans le Christ. Erreur dans la foi donc chez Honorius, mais pas d'hérésie formelle. Le pape maîtrisait mal la question théologique et il a cru apaiser les tensions dans l’Église. Jean XXII, lorsqu'il a prêché son erreur sur la question de la vision béatifique a commis une erreur grave en matière doctrinale. Il disait en effet que la vision béatifique ne commencerait qu'à la résurrection finale, et pas dès l'entrée de l'âme au paradis après la mort individuelle. Mais il prit soin de signaler que c'était son opinion en tant que théologien privé et ce n'est que sous son successeur que la doctrine catholique fut définie ex cathedra. Ce qui était une erreur en matière de foi devenait dès lors une hérésie formelle.

Ainsi donc l'hérésie formelle semble impossible chez un pape. Toutefois admettons cette possibilité pour répondre à nos contradicteurs. Que se passerait-il en cas de pape formellement hérétique ? Un pape hérétique serait hors de l’Église comme tout hérétique. Et pourtant il resterait le pape. Nous aurions alors une situation anormale d'avoir à la tête de l’Église un chef qui ne serait plus membre réellement de l’Église. Certains théologiens ou canonistes parleront alors d'un pontife qui serait pape matériellement mais pas formellement. Cette situation semble du reste complètement surréaliste.

Un pape ne peut être déposé par l’Église, même s'il est hérétique. C'est la thèse à laquelle nous adhérons. A fortiori si les erreurs enseignées ne sont pas des hérésies formelles. Le pape tient sa charge directement du Christ et le Seigneur est le seul juge du pape hérétique. L’Église doit tolérer et prier pour un tel pontife. Il ne lui appartient pas de le déposer mais de faire confiance en la divine Providence.

En effet le dommage pour l'avenir de l’Église que constitue la déposition d'un pontife romain est incalculable : troubles de toutes sortes, confusion dans les esprits, indiscipline généralisée, avènement d'antipapes, divisions encore accrues parmi les chrétiens. Maux infiniment plus graves que l'hérésie particulière d'un pape. La sagesse veut que l'ordre et la discipline soient privilégiés dans le corps de l’Église. Voilà pourquoi je supplie ceux qui envisagent cette hypothèse tragique d'y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une telle aventure.

Commentaires

  • Le problème ne serait-il pas de savoir si la désignation du cardinal Bergoglio a bien eu lieu dans le respect des règles canoniques ?
    Des questions ont été posées à ce sujet qui méritent des réponses circonstanciées, pas des considérations à la nord-coréenne.

  • Oui il reste le cas où le pape actuel serait en fait un antipape, élu de manière non canonique. Réponse: quand Benoît XVI a renoncé au pontificat ( ce que je trouve regrettable car il y avait d'autres solutions) personne n'a douté qu'il le faisait en toute liberté. Tous les cardinaux, y compris les plus ratzingériens, sont allés au conclave, avec la persuasion que le Siège apostolique était vacant et qu'il fallait y pourvoir en élisant un nouveau pape. Aucun cardinal dans la suite n'a remis en cause la validité de l'élection. En outre l'Église d'aujourd'hui dans son unanimité morale n'a aucun doute que le pape actuel c'est François. Il n'y a donc aucun doute à avoir. Nous ne sommes pas heureusement à l'époque du grand schisme, quand on ne savait plus que penser.

  • Il faut cependant noter que depuis 1996, un groupe de cardinaux, dont le cardinal Danneels, se réunissait tous les ans dans le secret pour échafauder des plans contre l'action de Jean-Paul II et de son bras droit le cardinal Ratzinger.
    En 2005 déjà, ils s'étaient mis d'accord pour lobbyer afin de faire élire le cardinal Bergolio.
    En 2013 ils ont remis le couvert, avec succès cette fois (voir les déclarations du cardinal Danneels et le reportage de VTM lors de la présentation de ses mémoires à la Basilique de Koekelberg).
    Un pape élu dans de telles conditions est-il réellement légitime?

  • Je suis loin d'être un inconditionnel du pape actuel. J'avoue qu'il me tape souvent sur les nerfs et que je souhaite qu'il soit le plus vite remplacé par un autre, pour autant que ce dernier soit moins confus et surtout moins "bavard". Ceci dit je ne me fais pas beaucoup d'illusions sur les élections antérieures qui sont sans doute pour la plupart entachées d'irrégularités sans que pour cela elles puissent être décrétées illégitimes. Le Saint Esprit est bien capable de se jouer des plans élaborés par les complotistes tels que G. Daneels. Après tout, avec l'actuel pape qui nous irrite si souvent, peut-être avons-nous échappé à pire encore.

  • Oui et le cardinal Ratzinger est devenu Pape malgré les " rencontres " de Sankt Gallen. Faisons confiance à l' Esprit Saint , la Présence Réelle, la Très Sainte Vierge , tous les Saints ....et prions les.
    Suivons nos saints prêtres et prions pour eux.

  • Clairement, il y avait une politique intense et une pression sur les votes à venir à l'œuvre à l'époque du Conclave, qui violait directement la Constitution Apostolique Universi Dominici Gregis du Pape Jean-Paul II, qui établit les règles pour la conduite des Conclaves. Il y est clair que le démarchage de vote des Cardinaux électeurs est strictement interdit, et que ceci rend l'élection « nulle et non avenue » selon les passages clés qui sont les suivants » :

    81. En outre, que les Cardinaux électeurs s'abstiennent de toute espèce de pactes, d'accords, de promesses ou d'autres engagements de quelque ordre que ce soit, qui pourraient les contraindre à donner ou à refuser leur vote à un ou à plusieurs candidats. Si ces choses se produisaient de fait, même sous serment, je décrète qu'un tel engagement est nul et non avenu, et que personne n'est obligé de le tenir ; et dès à présent, je frappe d'excommunication latæ sententiæ les transgresseurs de cette interdiction....

    82. Pareillement, j'interdis aux Cardinaux d'établir des accords avant l'élection, ou bien de prendre, par une entente commune, des engagements qu'ils s'obligeraient à respecter dans le cas où l'un d'eux accéderait au Pontificat. Si de telles promesses se réalisaient en fait, même par un serment, je les déclare également nulles et non avenues.

    76. Si l'élection était faite d'une manière différente de ce qui est prescrit dans la présente Constitution ou que les conditions fixées ici n'aient pas été observées, l'élection est par le fait même nulle et non avenue, sans qu'il y ait besoin d'aucune déclaration à ce sujet, et, donc, elle ne donne aucun droit à la personne élue.. Universi Dominici Gregis (22 février 1996) | Jean Paul II

  • A force de crier au loup, à l' antipape à partir de " moucherons filtrés " plus personne ne vous croira quand le loup, l' antipape auront vraiment pris le trone de Pierre.

  • Pertinent ce texte, Lysianas! En l'écrivant, Jean-Paul II était-il au courant de l'existence du groupe St Gall? Et en considérant comme nulle une élection dans les conditions qu'il décrit, avait-il le pressentiment que quelque années après lui, l'Eglise serait confrontée au problème qu'il évoque?

  • Aujourd'hui, comme l'a dit le Cardinal Caffarra, «seul un aveugle peut nier qu'il y a une grande confusion dans l'Église».

    A force de nier l'évidence et de se voiler la face certaines personnes en arrivent à ne plus voir dans tous les signes et évènements, qui s’accélèrent et se succèdent de manière de plus en plus rapprochée, une tentative délibérée pour “relativiser” la doctrine catholique avec tout ce que cela implique comme graves conséquences...

  • Après la mort de François Ier, on reconnaîtra peut-être que son élection a été entachée d'irrégularités graves qui rendraient son pontificat nul (comme un mariage peut être déclaré nul). Dans ce cas, tous les documents publiés par le pontife pourraient être annulés également. Sinon, je partage l'avis du P. Simon Noël : n'ajoutons pas le schisme à la confusion. Dieu attend son heure.

  • Il n'est pas question de faire un schisme, mais simplement de rester vigilent... Il est important d'ouvrir les yeux et de ne pas laisser notre conscience s'endormir en regardant à travers les lentilles déformantes de la grande presse ou des médias ecclésiaux institutionnels ce qui se passe dans l’Eglise...

  • Qu'il y ait une grave confusion dans les esprits actuellement, c'est l'évidence. Mais le diable cherche à nous faire perdre la paix de l'âme et il y réussit chez beaucoup. Il est urgent de pratiquer le discernement des esprits. Imaginons qu'un conciliabule d'évêques déclare le pape hérétique et déchu et que certains fidèles les suivent, il y aurait tout de suite un grand nombre d'évêques pour dire le contraire. La situation s'aggraverait et l’Église connaîtrait un avenir sombre, pendant plusieurs générations. S'il y a dans Universi Dominici Gregis des points qui justifient un doute sur la validité de la dernière élection, des cardinaux devraient prendre position, comme ce redoutable canoniste qu'est le cardinal Burke par exemple. Or aucun cardinal n'a exprimé semblable opinion, même parmi ceux qui sont perplexes devant certains aspects du pontificat actuel. Mgr Lefèvre, qui était un bon théologien, quand il s'est opposé à Paul VI et à Jean-Paul II, n'a jamais remis en cause la réalité de leur suprême pontificat. Il est resté dans le cadre de la théologie classique et n'est pas tombé dans les pièges du sédévacantisme. Donc gardons notre calme.

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