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Faire payer l’entrée des cathédrales et autres églises classées toujours affectées au culte ?

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cathedrale-notre-dame-paris-touristes-fideles-payer-entree.jpgCette pratique est en déjà en  vigueur dans plusieurs pays d’Europe comme…l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne ou les Pays-Bas.  Heureusement pas (encore ?) en Belgique ni en France où Stéphane Bern, chargé d’une mission sur le patrimoine, a suggéré de faire payer l’entrée des cathédrales pour entretenir ces monuments: une idée que l’épiscopat français  a rejetée lundi en soulignant que ceux-ci étaient « avant tout » des « lieux de prière et de culte dont l’accès doit être libre ».

De Mahaut Hermann sur le site web de « La Vie » :

« Une proposition se voulant audacieuse, le tollé général, un recul partiel : la mécanique est bien rodée et marche à tous les coups. La dernière idée de Stéphane Bern pour le patrimoine religieux (faire payer l’entrée des cathédrales) n’a pas fait exception à la règle.  « Je suggérais de faire payer l'entrée de Notre-Dame aux visiteurs touristiques - qui empêchent du reste les croyants de se recueillir - en dehors des heures où s'y rendent les fidèles »a précisé l’animateur de télévision sur Twitter. Celui-ci a aussi accusé ses détracteurs d’avoir « déformé cette suggestion qui émane de l’observatoire du patrimoine religieux ».

De fait, la cohabitation entre ceux qui prient et ceux qui visitent des lieux de culte hautement touristiques n’est pas toujours aisée, que ce soit à Paris avec Notre-Dame, à Reims, à Chartres, à Lyon avec Fourvière, à Vézelay, et dans bien d’autres villes. La proposition relayée par Stéphane Bern ne sort pas du néant. Elle sert à gérer les visites des édifices religieux de bien des pays européens en dehors des horaires de cultes et de prière. Cependant, même répandue, elle repose sur une distinction curieuse. Distinguer le fidèle du touriste revient à postuler que le touriste ne peut pas être touché par la dimension sacrée d’un lieu de culte et qu’il ne voit en lui que la « vieille pierre », et que, réciproquement, le fidèle ne voit ce lieu que comme un toit qui l’accueille pour prier, sans s’appuyer pour lui pour nourrir sa prière. De l’art sacré, l’un ne retiendrait en somme que l’art et l’autre que le sacré, sans comprendre les liens qui unissent l’un et l’autre. Or le fidèle entré dans Notre-Dame pour prier peut très bien avoir envie d'aller admirer les œuvres par lesquelles ses prédécesseurs ont chanté la gloire de Dieu avant de s'arrêter devant le Saint-Sacrement ou dans tout autre endroit de l’édifice réservé à la prière. Le lien étroit entre art et prière est d’ailleurs développé dans le texte le plus officiel qui soit, le Catéchisme de l’Église catholique : « ‘créé à l’image de Dieu’ (Gn 1, 26), l’homme exprime aussi la vérité de son rapport à Dieu Créateur par la beauté de ses œuvres artistiques » (§2501), « l’art sacré véritable porte l’homme à l’adoration, à la prière et à l’amour de Dieu Créateur et Sauveur, Saint et Sanctificateur » (§ 2502).

 

Du point de vue du fidèle, la distinction avec le touriste ne tient donc pas. Mais elle n’est pas davantage pertinente du point de vue du touriste. Car rien n’est plus contraire à l’esprit des bâtisseurs de cathédrales que de distinguer entre les personnes qui y entrent pour la prière et celles qui y entrent pour l’art et le plaisir des yeux. L’art roman n’est que symboles et jeux de nombres directement tirés de la Bible et de la légende dorée des saints. L’architecture gothique est toute entière fondée sur un jeu d’ombres et de lumière cherchant à mener à Dieu et à faire saisir la part du mystère de la foi appréhensible par la raison. La statuaire et les vitraux médiévaux sont d’abord un catéchisme en images, avant même de se vouloir esthétiques. Dans un édifice religieux où les croyants entrés gratuitement ne disposent que d’une partie de l’ensemble pour prier et où les touristes doivent suivre des parcours préétablis pour optimiser le flux des consommateurs de visites, que peut faire le visiteur venu en touriste et cependant saisi par la transcendance dont tout le lieu veut témoigner ? Pourra-t-il tomber en prière sans passer aux yeux de la sécurité pour un danger immédiat pour les personnes venues en ces lieux pour prier ? Ce n’était pas le cas à Strasbourg en décembre 2015.

Bien sûr, la massification du tourisme et le déferlement sur les cathédrales, basiliques et abbayes connues et prisées de cars entiers de tour-operators obligent à de nombreux arrangements pour que les fidèles attachés à un lieu n’aient pas quand ils prient l’impression de déranger les visiteurs venus photographier le lieu sous toutes ses coutures (ou même se prendre en selfie devant une statue polychrome). Il n’est donc pas question de jeter la pierre à toutes les bonnes volontés qui se démènent au quotidien pour faire cohabiter au mieux les uns et les autres. Quiconque a déjà assisté à une messe dans un lieu aussi visité que la basilique Notre-Dame de Fourvière, à Lyon, sait à quel point il est difficile de grappiller plus de cinq minutes de recueillement avant et après la célébration. Mais bien qu’elle se pratique largement, face à la séparation des fidèles et des visiteurs dans une église, hors des heures de messes et d’offices, ce sont toujours les mêmes qui sont perdants : tous ceux qui voient en un lieu de culte autre chose qu’un énième objet de consommation massive et d’exhibition narcissique, qu’ils soient croyants, amateurs d’histoire, ou en recherche spirituelle.

Et il n’est pas interdit de s’inquiéter pour l’avenir des propositions de la pastorale du tourisme si un filtrage à l’entrée des cathédrales était instauré. Quel sens auraient encore des dispositifs destinés à l’accueil inconditionnel de toutes les personnes de bonne volonté si un tri devait être opéré en amont pour juger qui est digne de cet accueil ? Ce tri serait-il d’ailleurs prisé par les touristes, alors que le tourisme spirituel a le vent en poupe en France ? Ce phénomène qui se répand « touche des croyants mais également des non-croyants et des agnostiques intéressés plus par le patrimoine et par une quête de spiritualité que par la religion en elle-même ». D’après Didier Arino, du cabinet Protourisme, si de très nombreux visiteurs s’orientent vers des sites religieux, c’est d’abord «par envie de s'extraire d'un monde trop rapide, trop surfait, d'une société de consommation pour partager. C'est une sorte de slow-tourisme. » Un slow-tourisme qui ne considère nullement les croyants comme des empêcheurs de consommer la visite en rond et qui aimerait bien qu’on ne lui dicte pas le rythme de ses visites de cathédrales et d’abbayes.

La proposition controversée de l’observatoire du patrimoine religieux vise donc totalement faux. Prétendant faciliter la vie aux croyants, elle n’interroge nullement le sens du tourisme de masse et de consommation quand il est pratiqué dans des lieux consacrés à la vie intérieure. Pire, elle risque de heurter tous ceux qui se rendent compte de la contradiction entre l’histoire des lieux qu’ils visitent et la manière dont ils sont visités aujourd’hui. »

Ref. Touristes et fidèles: vaine opposition

JPSC

Commentaires

  • En France il faut se référer à la loi du 9 décembre 1905, la fin de l'article 17 stipule : "La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance."
    Il est donc interdit de faire payer une entrée.
    Les cathédrales (et églises) construites avant cette loi appartiennent à l'Etat français ou aux communes, qui doivent les entretenir... Le clergé en est l'affectataire (locataire)

  • Sauf erreur, la loi française de 1905, spoliant l'Église de France de ses biens (on se demande vraiment au nom de quoi) rend l'état propriétaire des lieux de culte et l’Église usufruitière exclusive et permanente. Tirer un revenu de ceux-ci au profit de l'état n'est-ce pas détourner l'usufruit de son légitime destinataire?

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